Auteur : Hito
E-mail : h_hito76@yahoo.fr
Résumé: Sam se fait enlever et joue les demoiselles
en détresse… Enfin, ça reste Carter ! La notion de «
détresse » se doit d’être nuancée… ;-)
Genre: Romance S/J, Aventure, Suspense, Humour…
Spoilers: Saison 7
Disclaimer : Les personnages et l’univers ne sont pas
à moi mais à la MGM…
NB/ Les fans d’Angélique reconnaîtront
le titre ! C’est entre le conte de fée, et les bouquins romanesques.
Merci à Helios et gjc597 pour leurs aides et un gros bisou à Aurélia
!
Attention, cette fic contient des scènes osées et « violentes » susceptibles de choquer les plus jeunes. Déconseillé au moins de 15 ans.
**********************************
Sam plongea les mains dans la rivière et s’aspergea abondamment
le visage. L’eau était fraîche et d’une transparence
peu commune mais le contraire aurait été surprenant. Ils se trouvaient
sur une planète n’ayant pas dépassé l’âge
moyenâgeux, sans nulle technologie pouvant altérer la pureté
de la nature environnante.
Dans un soupir de contentement, la jeune femme se redressa en s’étirant.
Ils avaient parcouru de nombreux kilomètres avant d’arriver à
un village. Après en avoir fait rapidement le tour et parlé aux
habitants, ils en avaient conclu à l’unanimité, chose assez
rare, que ce monde n’avait aucun intérêt pour eux. Finalement,
ils avaient fait demi-tour mais s’étaient cependant arrêtés
pour la nuit afin de se reposer de leur longue marche de la veille.
Sam se sentait légèrement courbaturée mais en avait l’habitude.
Ce monde était beau, simple... la forêt environnante magnifique,
le temps agréable... Pourquoi se plaindre ?
Elle détendit son dos avec application puis se tourna vers son arme et
son gilet par balles à quelques mètres d’elle. Ce court
instant de solitude lui avait fait du bien. Elle adorait ses amis mais s’occuper
un peu d’elle lors de sa toilette matinale était un petit plaisir
qu’elle affectionnait particulièrement.
Un craquement lui fit cependant dresser l’oreille, aux aguets. Elle eut
à peine le temps de faire un pas en direction de son P90 que deux hommes,
apparaissant de nulle part, lui bloquèrent le passage.
Sam se redressa aussitôt, scrutant le visage patibulaire des inconnus.
Ceux-ci, sals et hirsutes, s’avançaient vers elle, un sourire mauvais
sur les lèvres. Gardant son calme, la jeune femme se mit en position
de combat avant de lancer un puissant :
- Mon Colonel !
Ce fut le coup d’envoi d’un rapide corps à corps. Manquant
à la fois de technique et d’agilité, les deux agresseurs
ne firent pas long feu et Sam se crut rapidement sortie d’affaire mais
cinq autres hommes sortirent de buissons environnants. Elle ne s’était
absolument pas doutée de leur présence.
- Mon Colonel !! s’écria-t-elle de nouveau, sentant qu’elle
ne pourrait pas faire face, seule, à un tel nombre d’agresseurs.
Un nouveau combat eu lieu. Elle se défendit comme elle put et en envoya
deux autres au tapis mais le chef de la bande finit par la frapper de son gourdin,
l’assommant sans plus de cérémonie. La jeune femme s’effondra
aussitôt au sol.
- Eh ben... D’où qu’elle sort pour savoir se battre comme
ça ? grogna l’un des hommes, massant son visage douloureux. J’ai
jamais vu ça.
Mais des bruits de pas précipités se firent brusquement entendre
derrière eux, coupant court aux spéculations.
- Carter !! hurla une voix aux intonations inquiètes.
- Fichons le camp ! s’exclama le chef, en posant sans douceur la femme
sur le dos de sa monture qu’un homme avait pris le soin d’avancer.
Et sans plus attendre, tous sautèrent à cheval.
***
Lorsque Jack parvint sur les lieux du rapt, les agresseurs étaient déjà
en train de fuir, leurs montures au galop. Il repéra aussitôt Carter
allongée en travers sur l’un des chevaux et son sang se glaça dans ses veines.
Lâchant son P90, il empoigna de suite son Beretta et chercha à
viser l’homme qui maintenait son second près de lui mais finit
par y renoncer. Compte tenu des soubresauts de l’animal, il risquait de
la blesser, voir pire, aussi dirigea-t-il son arme sur un autre agresseur et
tira. Comme prévu, l’homme fut touché à l’épaule
et se tassa sur sa monture, prêt à tomber, mais l’un de ses
compagnons l’agrippa aussitôt par le bras afin de le retenir.
Le bruit fort reconnaissable d’une lance Jaffa se fit alors entendre.
Le sauveteur, terrorisé par le frôlement d’une boule de feu,
lâcha prise et l’homme blessé chuta de son cheval.
Jack s’élança aussitôt vers lui, Teal’c et Daniel
sur ses talons. Arrivé à sa hauteur, il fit pourtant quelques
mètres supplémentaires, le regard dirigé vers le bosquet
derrière lequel la jeune femme venait de disparaître. Sa terreur
se mua rapidement en fureur et il se retourna. Teal’c était accroupi
à côté de l’homme et cherchait son pouls.
- Il est vivant ?
- Oui. Il va s’en sortir.
Faisant quelques pas pour les rejoindre, Jack prit la gourde accrochée
à sa ceinture d’un geste brusque et aspergea abondamment le visage
de l’agresseur. Lorsque celui-ci se mit à cracher en protestant,
il l’attrapa par le col et le redressa brutalement.
- Où sont-ils partis ? s’exclama-t-il. Où l’emmènent-ils
?!
L’homme reprenant peu à peu ses esprits, grimaça avant de
répliquer avec arrogance :
- Sais pas !
Malgré sa colère, Jack parvint à garder un semblant de
calme et se contenta de le secouer sans ménagement, lui arrachant une
nouvelle grimace de douleur. Il était touché à l’épaule
et saignait abondamment.
- Réponds ou je te jure que tu vas le regretter…
Mais l’homme se contenta de le regarder avec haine, sans pour
autant prononcer le moindre mot.
Furieux, Jack finit cependant par acquiescer et le relâcha brutalement. Puis il se releva et se tourna vers ses deux amis.
- Allez au campement récupérer nos affaires.
Devant la mine fermée d’O’Neill, Daniel hocha sagement la
tête, prêt à partir mais marqua finalement un temps d’arrêt.
Il se retourna et, interceptant le regard entendu de ses amis, Jackson ne mit
pas longtemps à comprendre ce qui se tramait. Il ouvrit la bouche pour
protester mais resongeant aux circonstances qui les avaient amené à
cette alternative, il finit par acquiescer, et sans un regard vers l’homme
à terre, prit la direction du campement en compagnie du Jaffa.
**************
Des voix lui parvinrent peu à peu tandis qu’une douleur lancinante
dans son crâne s’imposait brutalement à elle. Les derniers
évènements lui revinrent alors.
Elle s’était faite
enlevée.
Les membres engourdis, Sam prit rapidement conscience de ses mains attachées
derrière le dos mais se retint de vérifier la solidité
des liens. Elle ne tenait pas à se faire remarquer, du moins, pour le
moment. Serrant la mâchoire, se contraignant à ne pas gémir,
elle garda les paupières closes et écouta attentivement les dires
de ses ravisseurs.
- … Oui, elle est très belle. Tu as bien fait, Colin…
- Et encore, vous’avez pas vu ses yeux ! Ils sont bleus !
- Bleus ? Comment ça, bleus ?
- Comme j’vous l’dis ! Bleus ! Vous verrez par vous-même.
Un silence se fit, seulement interrompu par des pas se rapprochant d’elle.
Sam resta immobile, le visage détendu.
- Elle est bizarrement vêtue. Un pantalon comme les hommes… Les
cheveux courts…
- On patrouillait à la recherche de voyageurs perdus lorsqu’on
l’a vue près de la rivière. Au début, de loin, on
a cru qu’c’était un homme et pis… avec son habit près
du corps… y avait pas de doutes…
- Mmm… On va pouvoir la vendre un bon prix. Et si elle a bien les yeux
bleus… elle va nous rapporter une petite fortune !
Nouveau silence.
- Parle-moi des autres, reprit le chef.
- Z’étaient trois. Ils ont des armes bizarres et c’est une
chance que seul Malik soit tombé… Mais normalement, ils’auraient
jamais pu nous avoir. On était beaucoup trop loin…
- Etrange… Quoiqu’il en soit, Malik a intérêt de garder
sa langue.
- Oh, il le sait… Vous’inquiétez pas.
Les pas s’éloignèrent.
- Bien… Lorsqu’elle sera réveillée, nous la changerons
et direction le marché.
- Euh… M’sieur Nolan… Elle va pas s’laisser faire.
- Que veux-tu dire ?
- Ben… C’est qu’elle se bat bien…
- Elle sait se battre ?
- Ça pour sûr… On a du s’y prendre à plusieurs
pour l’avoir…
- Intéressant… Mais cela ne change rien. On a le moyen de la rendre
aussi docile qu’un nouveau né.
- Moi c’que j’en dis… Faut juste se méfier. C’est
tout.
Sam profita de cet instant pour ouvrir les yeux. Elle en avait appris assez.
La jeune femme scruta rapidement les alentours. Elle se trouvait dans une sorte
de grange hermétiquement close uniquement éclairée par
des lanternes de ci de là donnant à l’atmosphère
des lieux un aspect intime et cependant inquiétant. A peine avait-elle
bougé ses jambes pour les détendre un peu que le bruit des chaînes
qui les liaient attira l’attention des deux hommes. Sam regarda d’un
œil mauvais ceux-ci s’avancer vers elle. Elle reconnut aussitôt
le plus petit au visage ingrat comme étant l’un de ses agresseurs.
Il se tenait dans une position servile à côté d’un
homme de plus haute stature, à la mise simple et cependant immaculée.
Comme celui-ci s’approchait d’un peu trop près, le dénommé
Colin se permit d’intervenir.
- M’sieur… Faites attention.
Celui-ci ricana doucement et ne tint pas compte des recommandations de son sous-fifre.
Tandis qu’il s’avançait encore, Sam se leva tant bien que
mal compte tenu de ses chaînes. Nolan s’arrêta finalement
devant elle, la dévisageant avec insistance et admiration.
- Incroyable… Je n’avais jamais vu de tels yeux…
La jeune femme n’en fut pas surprise. Lorsque SG1 avait parlé aux
habitants du petit village qu’ils avaient trouvé, ceux-ci avaient
semblé extrêmement surpris par Daniel et elle. Et en effet, après
explications, ils avaient pu constater que les personnes présentes étaient
tous bruns ou châtains, les yeux sombres, parfois tirant sur le vert mais
jamais bleus.
- D’où venez-vous ? demanda-t-il alors.
- D’une autre planète, répondit-elle, désireuse de
n’en venir aux menaces que s’ils ne se décidaient pas à
la relâcher après ses explications. Mon équipe et moi sommes
des explorateurs pacifiques, arrivés par la Porte des Etoiles.
L’homme haussa les sourcils mais ne sembla pas plus surpris que ça.
En revanche, ce qui l’étonnait le plus était l’assurance
avec laquelle la jeune femme s’exprimait. Ici, sans être maltraitées,
les femmes n’étaient rien d’autres que quantité négligeable.
Et cela, Carter l’avait très vite compris.
- Je vous demanderais donc de me relâcher, finit-elle en redressant la
tête.
Mais Nolan ne sembla pas décidé. Il continuait de l’observer,
un sourire calculateur sur les lèvres. A coup sûr, il essayait
de deviner combien elle lui rapporterait, songea la jeune femme avec écoeurement.
Serrant les dents, elle changea donc de tactique.
Remarquant aussitôt la lueur meurtrière dans son regard, l’homme
reprit ses esprits.
- Désolée, Belle Dame… Mais qui vous êtes et d’où
vous venez m’importe peu en fait. Vous êtes un trésor que
je vais m’empresser de vendre afin d’en tirer un prix substantiel.
- Je crois que c’est vous qui ne comprenez pas. Si vous me retenez contre
ma volonté, mon monde sera rapidement mis au courant et entrera en guerre
contre le votre, déclara-t-elle sèchement, bluffant sans vergogne.
Vous n’aurez aucune chance contre nous. Vous êtes bien trop primitifs.
Elle cherchait à l’écraser par son assurance et sentit l’espace
d’un instant le doute faire son chemin en lui, mais il finit par sourire
de nouveau, haussant les épaules.
- Rien de tel qu’une petite guerre pour s’enrichir ! Mais déjà,
rien que vous, très chère, vous allez me rapporter une petite
fortune.
- Je n’accepterai jamais de jouer les esclaves, dit-elle, glaciale.
Il s’approcha alors un peu plus et caressa la joue de la jeune femme du
bout des doigts. Elle se laissa faire, la mâchoire crispée.
- Vous n’avez pas le choix. Votre consentement m’importe peu. Nous
possédons une drogue capable de vous faire perdre la mémoire et
tout désir de rébellion.
A ces mots, Sam sentit la colère balayer le peu de calme qu’il
lui restait. Elle ne supportait pas ce sentiment d’impuissance.
De quel droit se permettait-il de disposer d’elle à sa guise ?
Parfaitement conscient de sa haine, Nolan eut donc la surprise de la voir sourire
et, l’espace de quelques secondes, perdit ses réflexes… Ce
fut juste le temps qu’il fallut à la jeune femme pour l’envoyer
rouler à terre après lui avoir assené un violent coup de boule.
Elle eut la satisfaction de le voir rugir de douleur, le nez en sang. Si elle
n’avait pas eu les pieds et poings liés, elle aurait pu profiter
de cet instant pour tenter de fuir. Il n’y avait que quatre hommes et
avec un peu de chance, elle aurait pu tous les assommer. Mais elle était
définitivement piégée. Elle espérait que les coups
qui n’allaient certainement pas tarder lui permettraient d’éviter
la vente. Le Colonel aurait ainsi plus de chance de la retrouver.
Mais alors que Colin et les deux gardes fonçaient droit sur elle, la
voix impérieuse de Nolan retentit.
- Arrêtez ! grogna-t-il en se levant avec difficulté, tout en essuyant
avec précaution son nez douloureux.
Son regard était devenu glacé, presque cruel.
- Je vois parfaitement où tu veux en venir, continua-t-il, passant au
tutoiement et perdant toute courtoisie. Mais non… Je compte bien te vendre
dès demain.
D’un geste de la main, il incita ses sous-fifres à se rapprocher
d’elle.
- Tenez-là.
Les trois hommes s’avancèrent prudemment et elle les
regarda approcher, sur ses gardes. Il ne lui suffisait que de quelques coups
au visage…
- Ne vous avisez pas de me l’abîmer, répliqua alors Nolan
pour ses sbires, semblant lire dans ses pensées.
Ils fondirent alors tous les trois sur elle. Sam tenta de se libérer
mais que pouvait-elle faire ainsi attachée. Ils la mirent à genoux
de force et leur chef s’avança, sortant de sa poche une
petite fiole. Ils l’obligèrent à ouvrir la bouche et la
jeune femme sentit bientôt un liquide âpre glisser dans sa gorge.
Elle secoua désespérément la tête pour se libérer
et recracher le produit, en vain. Sa dernière pensée consciente
fut pour Jolinar… Elle espérait que les résidus du symbiote
l’immuniseraient d’une façon ou d’une autre contre
cette drogue.
****************
Lorsque Daniel et Teal’c rejoignirent Jack, celui-ci les attendait patiemment
près de l’homme à terre. Jackson n’y jeta qu’un
rapide coup d’œil mais put constater qu’il était en
piteux état et il se détourna rapidement. Il y avait des choses
chez Jack, des parties sombres dans son comportement qu’il n’aimait
pas et qui le répugnaient même parfois… et cependant…
le sourire encourageant qu’arborait son ami lui redonna espoir et balaya
ses scrupules.
C’était Sam. C’était de la vie de Sam qu’il
s’agissait.
Teal’c de son côté ne daigna même pas vérifier
si l’homme à leurs pieds était encore vivant. O’Neill
semblait avoir obtenu les informations nécessaires, c’est tout
ce qui comptait.
- Qu’avez-vous appris ? commença-t-il, arrivé à sa
hauteur.
- Ils l’ont enlevé pour la vendre… A première vue,
les femmes aux yeux bleus ne courent pas les rues, ici.
Daniel acquiesça de suite.
- Oui, c’est ce qu’avaient sous-entendu les villageois.
- Quoiqu’il en soit, reprit Jack. Elle ne risque rien pour le moment.
Elle devrait être bien traitée.
- Savez-vous où ils l’ont emmenée ? demanda Teal’c.
- Il m’a donné l’emplacement de leur QG mais on n’aura
jamais le temps de s’y rendre avant le début de la vente…
Il vaut mieux foncer directement jusqu’au marché. On va donc se
séparer.
- Comment ça ? se récria de suite Daniel.
O’Neill leva les mains pour l’apaiser.
- Il faut simplement prévenir le SGC de ce qui se passe ici. La vente
aura lieu demain. Je fonce direct là-bas afin de repérer les lieux
et pendant ce temps, vous retournez à la Porte afin de contacter Hammond.
Vous lui expliquerez tout et lui direz de nous re-contacter régulièrement
tous les jours en ouvrant un vortex à… 10.00, poursuivit Jack en
regardant sa montre. Nous le tiendrons ainsi au courant de l’évolution
et pourrons demander des renforts en cas de problème.
Les deux hommes acquiescèrent, rassurés de voir qu’il avait
déjà tout prévu.
O’Neill prit ensuite le sac que Teal’c lui tendait avec quelques
affaires de survie puis, après leur avoir rapidement expliqués
le lieu de la vente, les trois hommes se séparèrent. Mais à
peine avait-il fait quelques pas que Jack se retournait en les hélant
:
- Eh, Daniel! Demandez au Doc de vous fournir des lentilles marrons et une autre
paire pour Carter… On ne sait jamais. Autant passer inaperçus.
- Très bien, acquiesça Jackson.
*********************
Tout était sombre, inquiétant et surtout inconnu. Tout. Absolument
tout. Le lieu où elle se trouvait. Les gens qui l’observaient avec
un mélange d’assurance et d’antipathie. Et même «
elle ». La femme qu’elle était supposée être.
Deux gardes l’aidèrent à se redresser et elle se laissa
faire, ne sachant trop pourquoi l’instant d’avant elle était
allongée par terre. Ils la mirent à genoux sans douceur et elle
posa un regard égaré sur l’homme lui faisant face. Celui-ci
avait le visage blessé, le regard étincelant, et la dominait de
toute sa taille.
- Tu te nommes Ilta, commença-t-il sans préambule. Tu es mon esclave
et tu me dois obéissance. Demain je vais te vendre. En attendant, mets
ces vêtements.
Il ponctua ces derniers mots en lui lançant des habits qu’elle
attrapa instinctivement au vol mais elle grimaça à ce simple geste.
Sa tête était douloureuse et, jetant un coup d’œil à
ses poignets, elle y découvrit des marques bleutées, signe qu’elle
avait été attachée. Elle prit cependant les vêtements
docilement mais leva de nouveau les yeux.
- Ne me regarde pas ! Une esclave ne doit jamais croiser le regard de son maître.
A ces mots, la jeune femme tiqua.
Devait-elle accepter l’autorité de cet homme ? Etait-elle vraiment
une esclave ? Etait-ce dans sa nature d’être soumise ? Si oui, pourquoi
avait-elle ces picotements au ventre, cette flamme de rébellion au fond
du cœur qui lui donnait l’envie de se lever et de faire face à
cette domination forcée ?
Non… Non, elle détestait cela. Le fait d’être à
genoux, le fait de devoir obéir à cet homme la révulsait.
Sa façon de la regarder, de la considérer comme quantité
négligeable lui était insupportable. Elle n’était
pas une esclave. On la trompait. On lui mentait.
Mais qui était-elle ? D’où venait-elle ?
Elle ne savait même pas où elle se trouvait. Que pouvait-elle faire
si ce n’était obéir et voir venir les choses… ?
Gardant la tête humblement baissée, elle regarda les quatre hommes
s’éloigner d’elle afin de la laisser se changer. Elle reporta
son attention sur les vêtements qu’elle tenait dans ses mains et
jeta un œil à ceux qu’elle portait. Un pantalon kaki, un haut
noir à manches courtes. Des chaussures noires à lacets.
Rien à voir avec les habits de ses geôliers faits de toiles grossières,
ni même ceux qu’on lui ordonnait de porter au tissu fin et peu pratiques.
Dans un soupir, la jeune femme se releva et commença à se changer,
se cachant le mieux possible des regards indiscrets des quatre hommes.
Tout en s’apprêtant, son esprit sembla s’égarer un
instant. Des flashs, des images lui parvinrent, lui faisant battre le cœur
plus vite. Des sentiments également… des sentiments très
forts pour un homme. Des yeux. Des yeux d’un bleu si pâles qu’ils
semblaient la transpercer… si pâles…et si bleus… A moins
que…En fait, non… Pas bleus mais bruns, chauds et tendres…
Et pourtant...
Serrant les dents, plus perdue encore, elle tenta de chasser ces images trop
brumeuses pour l’aider. Peut-être qu’avec le temps, tout deviendrait
plus clair.
*********************
Jack suivit avec précaution le chemin que lui avait indiqué le
dénommé Malik. Lorsqu’il parvint aux abords d’un village,
il le contourna afin de rejoindre l’entrée du marché. Caché
dans les fourrés, il se saisit de sa jumelle et observa les lieux.
La bâtisse était lourde, imposante et l’entrée soigneusement
protégée. Un monde fou s’agglutinait devant les gardes et
dans un grognement contrarié, O’Neill constata que tous étaient
scrupuleusement fouillés avant d’être autorisés à
pénétrer dans l’enceinte du marché.
Rangeant sa jumelle, il se redressa et s’éloigna. Quelques minutes
auparavant, il était passé à proximité d’une
maison où étaient étendus quelques vêtements en train
de sécher et notamment une longue robe de bure. C’était
tout à fait ce qu’il lui fallait.
Après l’avoir subtilisé le plus discrètement possible,
il retira cependant son gilet par balle avant de la passer par dessus son treillis.
Il se rapprocha ensuite du marché et choisit avec soin un endroit facilement
reconnaissable pour cacher ses affaires et notamment ses armes. Il prit cependant
le temps d’enlever les chargeurs et de mettre les crans de sûreté
afin d’éviter tout accident si jamais des personnes venaient à
les trouver. Ceci fait, il finit par sortir de sa cachette et se mélangea
aux habitants du village.
Avançant avec précaution, il parvint devant les gardes et attendit
son tour. L’homme qui se chargea de lui semblait passablement endormi
et il le fouilla rapidement à travers le tissu de sa robe. Finalement,
satisfait de ne rien trouver, il s’écarta et l’incita d’un
geste à entrer dans la salle des ventes.
L’odeur de fauve qui y régnait le prit aussitôt à
la gorge. Il grimaça pour la forme et suivit docilement la file des nouveaux
arrivants. Une grande estrade dominait la pièce et servait à la
présentation des esclaves.
Levant la tête, Jack découvrit à l’opposé et
cependant en hauteur, trois petits box aménagés pour recevoir
les hôtes d’honneur. Deux d’entre eux étaient déjà
occupés par des hommes richement vêtus. Pour le reste, la foule
était constituée de personnes extrêmement différentes,
mais tous, absolument tous étaient des hommes.
*************
Ilta, puisque tel était son nom aux dires de son maître Nolan,
marchait près de celui-ci, la tête baissée. Ils venaient
d’arriver au marché et entrèrent par la porte de derrière,
à l’instar de tous les vendeurs munis de leurs biens. Les gardes
les laissèrent passer, non sans détailler avec avidité
la jeune femme.
Ilta sera courageusement les dents, sentant leurs regards peser lourdement sur
elle. Mais ne devait-elle pas s’y habituer ? Après tout, la vente
serait bien pire.
Lorsque l’homme chargé de les escorter s’arrêta devant
une lourde porte métallique, Nolan laissa échapper un grondement
mécontent.
- Je refuse qu’elle soit enfermée avec les autres ! Il y a souvent
des rixes et je ne veux pas qu’on l’abîme !
- Désolé, M’sieur mais ce sont les ordres. Si vous’êtes
pas content…
Ilta observa son maître du coin de l’œil. Il semblait avoir
le plus grand mal à ne pas sauter à la gorge du garde.
- Très bien, finit-il par maugréer cependant avant de sortir quelques
pièces de sa poche. Je compte sur vous pour qu’il ne lui arrive
rien. Est-ce que c’est clair ?
L’homme prit aussitôt l’argent qu’il fit disparaître
sans attendre dans sa poche et inclina la tête en souriant.
- Pour sûr ! Elle ne risque rien !
Sans plus attendre, il ouvrit et entra dans la cellule, un lourd gourdin dans
la main.
- Le premier qui touche à celle-là, s’exclama-t-il en la
désignant, j’le tue !
Et sans un mot de plus, on la poussa à l’intérieur de la
pièce et la porte se referma bruyamment derrière elle.
Le ventre noué d’appréhension, Ilta fit quelques pas, sentant
de nouveau peser sur elle le regard des occupants. Il y avait environ une dizaine
de personnes, des femmes en majorité. Elles étaient toutes la
tête baissée, le visage défait et son cœur se serra
devant ce dramatique et pathétique spectacle.
Trois d’entre elles devaient se connaître car elles formaient le
seul groupe de l’assemblée. Quant au reste, ils étaient
tous loin les uns des autres, cherchant à s’isoler dans un coin
afin de ne pas attirer l’attention sur eux.
La salle était sombre, sale et froide. Le plafond était bas et
les murs faits de pierres apparentes. Un véritable cachot moyenâgeux.
L’endroit n’avait rien de rassurant… Mais l’homme à
quelques mètres d’elle qui s’agitait de plus en plus en gémissant
n’avait, lui non plus, rien de rassurant. La trentaine passée,
de grande taille, ses cheveux sals tombaient lourdement sur son visage exsangue.
Sa tête dodelinait de gauche à droite et son regard perçant
restait fixé sur l’une des jeunes femmes assise seule dans un coin
de la pièce. Il ne lui fallut que deux secondes pour faire les quelques
pas qui les séparaient et d’un geste brusque, il s’abattit
sur elle. Les cris paniqués de sa victime retentirent aussitôt
et Ilta s’élança de suite vers la porte en tambourinant
violemment dessus.
- Quelqu’un vite !! s’écria-t-elle à l’intention
du garde.
Celui-ci ouvrit aussitôt le volet de séparation afin de jeter un
œil à l’intérieur de la pièce.
- Quoi ?
- Une jeune femme est en train de se faire agresser !
Elle se poussa aussitôt pour permettre à l’homme d’observer
la scène mais, imperturbable, il se contenta de grogner avant de refermer
la fenêtre.
- C’est pas mes affaires !
Interloquée, Ilta resta sans voix un instant puis se retourna tandis
que les cris de la pauvre fille résonnait dans la salle close. Le bruit
d’un tissu qu’on déchire lui fit dresser les cheveux sur
la tête et d’un geste tremblant, elle se tourna vers les autres
occupants de la pièce. Ils avaient tous la tête basse, trop effrayés
pour réagir.
Et elle ? Que pouvait-elle faire, seule, face à ce
fou ?
- Il faut l’aider ! s’exclama-t-elle alors. A plusieurs, on peut
facilement en arriver à bout !
Personne ne réagit.
Les cris se transformèrent bientôt en larmes.
- Au secours !!! sanglota la jeune femme tout en continuant de se défendre,
bien que ses forces s’amenuisaient.
Alors, prise d’une soudaine impulsion, Ilta s’élança
sur l’homme et l’attrapa par les cheveux afin de le repousser loin
de sa victime. Un hurlement de rage s’échappa de la bouche de l’agresseur
et, l’espace d’un instant, ils se firent face. Lui, le visage convulsé
par la colère, elle, terrorisée à l’idée des
représailles.
Paralysée, son esprit se figea mais curieusement son corps prit le relais
de lui-même. Lorsque l’homme se jeta sur elle, le poing en avant,
Ilta évita le coup en glissant sur sa droite, noua ses doigts et abattit
violemment ses deux mains liées sur le dos de son adversaire déséquilibré
par son esquive. Il s’effondra lourdement au sol, laissant la jeune femme
dans une perplexité totale.
L’homme ne mit cependant que quelques secondes à se relever pour
lui faire de nouveau face. Se sentant brusquement plus sûre d’elle,
Ilta se prépara à la seconde attaque qui ne se fit pas attendre.
D’un geste souple, elle bloqua le bras lancé de son adversaire
sous son aisselle et le frappa violemment au visage. Puis le libérant,
elle le saisit aux épaules et l’incita à faire une rencontre
plus que douloureuse avec son genou. L’homme s’effondra aussitôt,
inerte.
Légèrement essoufflée, Ilta se redressa et parcourut la
salle du regard. Tous l’observaient, le même ahurissement au fond
des yeux et, il fallait bien l’admettre, elle-même n’en pensait
pas moins.
Elle se tourna vers la jeune femme à terre, qui rajustait sa robe d’une
main tremblante, des larmes plein les yeux. Elle voulut s’approcher d’elle
mais la pauvre fille sursauta violemment en s’écartant.
Dans un soupir, Ilta s’arrêta.
Ce n’était pas la reconnaissance qui l’étouffait.
Enfin… elle devait avoir eu la peur de sa vie… Elle était
peut être tout simplement en état de choc.
Un grincement assourdissant se fit brusquement entendre, signe que la porte
s’ouvrait, et Nolan pénétra dans la pièce.
- Allez, la vente va com…
Mais il se tut tandis que son regard accrochait l’homme à terre
puis le sang qui maculait à certains endroits les vêtements d’Ilta.
Dans un rugissement, il fit demi-tour et revint en poussant brutalement le garde
dans la pièce.
- Vous pouvez m’expliquer ça ? rugit-il en la désignant.
A la fois incrédule et effrayé, l’homme balbutia quelques
phrases incompréhensives mais Nolan n’en tint pas compte et s’approcha
de son esclave. Ilta redressa la tête tandis que son maître cherchait
la moindre trace de coups et blessures sur son visage, en vain. Il prit cependant
ses mains et les observa. Les phalanges de celle de droite semblaient légèrement
irritées mais la peau était plus épaisse à cet endroit,
à l’instar des hommes habitués à donner des coups.
Il plissa des yeux et leva la tête vers elle.
- C’est toi qui a battu cet homme.
- Oui.
Il l’observa encore un instant puis se détourna.
- Je vais te chercher des vêtements propres. La vente commence.
Et sans un mot, il sortit, laissant la jeune femme songeuse. Il ne semblait
pas la connaître si bien que cela, finalement. Etrange, puisqu’elle
était censée lui appartenir. De plus, comment expliquer qu’elle
soit parvenue à mettre à terre un homme plus fort qu’elle,
et ce, sans la moindre difficulté ?
Elle tenta de fouiller dans son esprit à la recherche du moindre souvenir…
sans résultat. C’était d’une frustration insupportable
! Cherchant à se calmer, elle essaya de rassembler tout ce qu’elle
avait appris sur elle depuis quelques heures, depuis qu’elle s’était
réveillée.
Lorsqu’elle avait repris conscience, elle était vêtue d’un
pantalon, comme un homme et, passant une main dans ses cheveux courts, une idée
lui traversa brusquement l’esprit.
Un pantalon, les cheveux courts… capable de battre un homme à mains
nues… Mais oui ! Elle avait été élevée comme
un homme ! Elle se faisait, peut-être même d’ordinaire, passer
pour une homme ! Nolan l’aurait découvert et aurait choisi de la
vendre… afin de se faire de l’argent, ou pour une autre raison…
Enfin, peu importait. Ce qu’elle venait de découvrir était
une piste à suivre…
***************
Jack attendait depuis quelques minutes déjà lorsque des coups
résonnèrent dans la salle bondée. Le silence se fit peu
à peu et un homme apparut sur la scène.
- Bonjour et bienvenus. Pour la première vente, voici une femme de trente
cinq ans…
A peine venait-il de prononcer ces mots que la dite femme apparut. Jack haussa
aussitôt les sourcils, surpris. Trente cinq ans ? Elle semblait en avoir
quinze de plus. Ses traits étaient tirés, son regard fatigué
et son corps avait perdu la fraîcheur de la jeunesse. S’attendant
à des protestations de la part des hommes l’entourant, il fut surpris
par leur silence.
Les années ne se comptabilisaient peut être pas de la même
façon que sur Terre… A moins que la dureté de la vie dans
ce monde faisait que les gens vieillissaient prématurément. Un
peu comme chez eux, quelques siècles auparavant.
D’un œil morne, Jack reporta son attention sur la pauvre femme qui
semblait plus perdue qu’autre chose et regardait la foule d’un œil
apeuré. Bientôt le claquement d’un maillet se fit entendre
et la vente prit fin, adjugé à un homme de forte corpulence à
quelques pas de lui.
Tout cela écœurait O’Neill au plus haut point.
Les ventes se succédèrent ainsi, assombrissant un peu plus son
moral à chaque fois. Des bruits commençaient à courir parmi
les acheteurs. Un certain Nolan possédait soi-disant « un morceau
de premier choix ». L’excitation augmentait et Jack devait à
présent jouer des coudes pour se faire respecter.
Enfin, le grand moment arriva.
Carter n’étant toujours passée, O’Neill en déduisit
facilement qu’elle était celle que tous attendaient. Songeant à
la façon humiliante dont les autres victimes de cette vente avaient été
traitées, il imaginait mal la jeune femme se laisser faire sans sourciller.
Il allait devoir la tempérer mais pour cela… encore fallait-il qu’elle
le voit parmi cette foule.
Dans un soupir, il commença la longue et périlleuse avancée
vers l’estrade. Au bout de quelques secondes, distribuant les coups le
plus discrètement possible, il arriva enfin à destination. Ce fut
ce moment que choisit le maître de cérémonie pour annoncer
la dernière vente de la journée… le clou du spectacle.
Et elle apparut… enfin.
***
Expirant profondément afin de calmer les battements désordonnés
de son cœur, Ilta s’avança sur la scène et s’arrêta
à l’endroit indiqué au sol. Des cris retentirent aussitôt,
des exclamations de surprise lorsqu’elle leva les yeux. Sans savoir exactement
où elle puisait la force de se tenir fièrement devant eux, la
jeune femme balaya la salle de son regard fiévreux.
Peut-être y avait-il quelqu’un ici qui la connaissait ? Elle chercha
désespérément un visage familier mais aucun ne retint son
attention. La seule personne qui l’interpella fut un homme au premier
rang. De grande taille, il dépassait la plupart des personnes autour
de lui. Ses cheveux très courts étaient poivre et sel, son visage
aux lignes dynamiques et régulières lui donnait un charme qui
ne pouvait qu’attirer l’attention et son regard brun semblait la
transpercer. Mais ce ne fut pas son physique agréable qui l’attira
de prime abord, non, mais son comportement. En effet, parmi cette foule bruyante
et agitée, il était le seul à rester immobile et silencieux.
Lorsqu’il croisa son regard, il hocha légèrement la tête
et lui lança un sourire qu’elle aurait pu définir comme…
encourageant. Mais rien de plus. Pas un geste. Pas un signe particulier. Rien.
Elle finit donc pas se détourner et attendit.
Les enchères montèrent rapidement pour atteindre des sommes qu’elle-même
ne pouvait comprendre, faute de connaître la valeur des choses. Lorsque
le montant sembla stagner, Nolan vint la rejoindre. Surprise, elle se tourna
vers lui et sursauta violemment lorsqu’il lui ôtait d’un geste
vif sa longue tunique.
Rouge de honte, elle se retrouva bientôt seulement vêtue d’une
brassière cachant à peine sa poitrine et d’une jupe légère
et fendue de chaque côté de ses cuisses, dévoilant ses interminables
jambes nues.
Les cris redoublèrent aussitôt et les enchères reprirent.
Serrant les dents, Ilta retint courageusement le sanglot qui manquait de s’échapper
de sa gorge et baissa la tête. Elle avait juste eu le temps de croiser
le regard de l’homme au premier rang. L’espace d’un instant,
elle y avait lu la même chose que dans les yeux des autres. Le même
désir. Et puis il avait fini par se détourner, la mâchoire
crispée et elle n’avait su pour quelle raison il semblait si gêné
et irrité à la fois.
Mais quelle importance. Ils étaient tous les mêmes, au fond d’eux.
*****************
D’un pas rageur, Jack parvint enfin à sortir de la salle. Il était
furieux ! Furieux contre tous ces types hystériques bavant sur Carter…
mais aussi et surtout furieux contre lui-même. Comme un imbécile,
il était resté scotché, les yeux écarquillés,
incapable de se détourner du spectacle qui s’offrait à lui
et lorsqu’il avait croisé le regard de Sam, jamais il n’avait
eu aussi honte de toute sa vie. Elle était en position de faiblesse et
il en avait rajouté.
Dans un soupir, il rejoignit sa cache et récupéra ses affaires.
Une chose cependant le tracassait. Elle avait semblé tellement perdue
et l’avait regardé d’une façon si impersonnelle, comme
si elle ne le reconnaissait pas… Certes, il s’agissait certainement
d’une stratégie afin d’éviter qu’il ne soit
repéré mais… son instinct lui disait qu’il en était
tout autre.
Un grésillement familier le sortit de sa torpeur. Il empoigna aussitôt
sa radio :
- O’Neill
- Jack ! On arrive. Vous êtes où ?
- Aux abords du marché, à l’Est de la ville.
- Avez-vous vu le Major Carter ? demanda Teal’c.
- Oui… Elle va bien. Mais il faut se dépêcher. La vente est
terminée et elle ne devrait plus tarder à sortir.
- Entendu. Terminé.
Quelques minutes plus tard, ils se rejoignirent et Jack tiqua légèrement
en croisant le regard brun de Daniel.
- Petit scarabée, le chocolat ne vous va pas du tout !
Imperturbable, le docteur Jackson rajusta ses lunettes mais ne releva pas. Tous
les trois cachés dans les fourrés, ils observèrent quelques
minutes l’agitation et les préparatifs du départ des pompeux
seigneurs.
- C’est lui qui a acheté Carter, déclara brusquement Jack
en désignant un homme dans la foule.
De taille moyenne, celui-ci était richement vêtu. La quarantaine
environ, les cheveux châtains, il dégageait une assurance et une
oisiveté dont la naissance était responsable en parti. Entouré
de sa cour, il se dirigea sans attendre jusqu’à son équipage
et disparut à l’intérieur.
- Il y a trop de monde pour pouvoir intervenir ici, O’Neill, déclara
Teal’c sans surprise.
- Oui, je sais… On va devoir attendre qu’ils sortent du village.
- Ils sont à cheval, Jack… Comment voulez-vous qu’on les
suive ?
Celui-ci grimaça.
Il y avait déjà songé. Il leur fallait des chevaux. Mais
le problème et pas des moindres, c’était que Teal’c ne savait
pas monter.
- Ne vous inquiétez pas pour moi, O’Neill, intervint le Jaffa semblant
lire dans ses pensées. Je saurai me débrouiller.
Jack hésita encore un instant puis acquiesça avant de se lever discrètement.
- Très bien. On trouve quatre canassons et on les suit !
Après s’être mis d’accord, les trois hommes se séparèrent.
Pendant que Teal’c et O’Neill recherchaient des chevaux, Daniel
faisait le guet près du marché en attendant la jeune femme. Quelques
minutes plus tard, le docteur Jackson actionna sa radio et attendit. En effet,
Sam faisait son apparition sous bonne escorte.
- O’Neill, répondit celui-ci au bout d’un instant.
- Jack, elle arrive.
- Ils l’ont mise où ?
- Attendez…
Daniel observa l’avancée de la jeune femme qui finalement fut installée
dans la voiture de son nouveau maître.
- Elle vient de monter avec le type qui l’a acheté.
- Ok… On arrive. Terminé.
Lorsque le Jaffa et Jack revinrent, en plus des chevaux qu’ils avaient
attachés un peu plus loin, ils portaient dans leurs bras des habits divers.
Désireux de passer inaperçus et de pouvoir se fondre dans le décor,
ils se changèrent rapidement et quelques minutes plus tard, l’équipée
se mit en branle. S’enfonçant dans les fourrés environnants,
les membres de SG1 finirent par se mettre en selle. Teal’c eut quelques
difficultés mais en homme plein de ressources, il n’eut aucun mal
à se familiariser rapidement aux rudiments de l’équitation.
Ils ne mirent pas longtemps à rejoindre le cortège mais restèrent
à distance raisonnable. Jack n’avait réussi à voler
que trois chevaux au lieu de quatre, ce qui ralentirait sérieusement
leur fuite en cas de problème. Il allait leur falloir beaucoup de patience
pour récupérer Carter et surtout une excellente occasion.
Or, la voiture où la jeune femme se trouvait était la mieux gardée...
*************
A peine venait-elle de monter dans le carrosse que l’homme à l’intérieur
prit sa main de force et l’attira à ses lèvres. Ilta accepta
ce baise-main avec docilité mais ne put réfréner un frisson
de dégoût.
- Je suis le Seigneur Aldraban, se présenta-t-il sans la lâcher
du regard un seul instant. Vos yeux sont absolument... magnifiques...
Il avait murmuré ces quelques mots en se rapprochant un peu plus et Ilta
eut un geste instinctif de recul. Loin de le surprendre, l’homme sourit
d’un air satisfait.
- D’où venez-vous ? C’est la première fois que je
vois une femme telle que vous.
Hésitante, elle déglutit péniblement sous le regard sombre
de son maître. Cet homme lui faisait peur. Il l’effrayait à
un point inimaginable. Et pourtant, de tels sentiments n’étaient
pas dus à une nature particulièrement mauvaise ou à un
vice qu’elle aurait lu dans ses yeux, non... mais simplement parce qu’il
avait tout pouvoir sur elle. D’un signe, d’un geste, d’un
caprice, il pouvait la mettre à mort sans que nul n’ait à
redire à cela. Elle lui appartenait, qu’elle le veuille ou non.
- Je ne sais pas d’où je viens... finit-elle par répondre.
Je ne me souviens de rien depuis que je suis réveillée.
L’homme acquiesça simplement.
- On vous a droguée, dit-il sans en paraître particulièrement
choqué, plongeant cependant la jeune femme dans la perplexité. Je serai
curieux de connaître votre véritable nature... Quoiqu’il
en soit, on a du vous donner un nom. Quel est-il ?
Ilta ouvrait déjà la bouche pour répondre lorsqu’un
prénom lui revint brusquement à l’esprit.
- Jolinar... répondit-elle alors. Je m’appelle Jolinar.
- Jolinar, répéta Aldraban en souriant. C’est un nom peu
courant. Je crois même ne l’avoir jamais entendu. Ce Nolan a beaucoup
d’imagination.
L’homme poursuit son monologue tandis que la jeune femme tentait de regrouper
méthodiquement les dernières données.
On l’avait droguée. Une drogue qui semblait lui avoir fait perdre
tout souvenir. De plus, elle était quasiment persuadée de s’appeler
Jolinar. C’était une grande découverte ! Maintenant, elle
connaissait son nom ! Et enfin... Aldraban semblait sous-entendre malgré
lui qu’elle venait d’un pays lointain, un endroit où, des
femmes portant ce nom lui étaient inconnues.
Bien... Peu à peu, les pièces du puzzle se mettaient en place.
Tout cela restait encore très flou mais dans quelques temps, tout finirait
bien par lui revenir.
****************
SG1 continuait leur lente avancée lorsque le Jaffa leur imposa d’un
geste l’arrêt.
- Qu’y a-t-il ? demanda Jack en s’approchant de lui.
- A couvert ! s’exclama Teal’c en descendant sans plus tarder de
sa monture pour se mettre à l’abri dans la forêt.
Ni une ni deux, ses deux compagnons firent de même et quelques secondes
plus tard un groupe assez conséquent d’individus se jetèrent
sur le cortège. Un combat acharné s’en suivit et O’Neill
y vit de suite une excellente occasion de récupérer Carter.
- Profitons-en !
D’un même mouvement, ils attachèrent leurs montures et prirent
leurs armes.
- N’utilisez vos Beretta qu’en cas d’extrême urgence.
Il n’est pas dit qu’on arrivera à sortir Carter de là.
Autant éviter de montrer toutes nos cartes dès maintenant.
- On fait comment alors ? demanda le docteur Jackson, perplexe.
- Vous avez un couteau, Daniel ! Utilisez-le.
Le jeune homme fit aussitôt la grimace. Il avait déjà tué
des hommes pour se défendre... mais jamais avec un couteau, toujours
à distance...
- Restez près de moi, Daniel Jackson, intervint alors le Jaffa.
- Merci Teal’c, répondit-il aussitôt, reconnaissant.
Et sans plus attendre, les trois hommes s’élancèrent dans
la forêt afin de contourner le champ de bataille et parvenir directement
jusqu’à la voiture de Sam.
Le bruit métallique des épées résonnait autour d’eux
et, tandis qu’ils plongeaient enfin dans la cohue, Jack et Teal’c
commencèrent à jouer des poings. La bataille était rude
et incertaine, leur avancée lente et périlleuse. Ils mirent plusieurs
minutes pour atteindre les abords bien gardés de la voiture.
- Couvrez-moi ! s’exclama alors Jack, avant de s’élancer
vers elle.
******************
Jolinar serrait les poings, aux aguets. Le bruit d’une bataille enragée
lui parvenait et le carrosse était sans arrêt ballotté de
droite à gauche sous les impacts de corps projetés contre lui.
Aldraban tenait dans sa main une épée et dans l’autre un
poignard, prêt à occire le premier maraud qui ouvrirait la portière
de la voiture.
- Monseigneur ! s’exclama alors une voix de l’extérieur.
Nous avons quelques difficultés à les repousser !
Dans un grognement rageur, Aldraban se tourna vers la jeune femme.
- Il faut tout faire soi-même ici ! Tenez ! dit-il finalement en lui tendant
le poignard. Pour vous défendre Madame.
Et sans un mot de plus, il sortit de sa voiture et son rugissement s’éleva
au-dessus de la cohue. Lorsque la portière fut refermée, Jolinar
observa l’arme dans ses mains, l’esprit en ébullition. C’était
sa chance ! Elle pouvait fuir !
Certes, elle risquait gros s’ils la rattrapaient mais une partie d’elle
se refusait à rester inactive, à attendre qu’un autre décide
de son sort. Le coeur cognant à se rompre dans sa poitrine, elle empoigna
le manche du poignard et ouvrit la portière à l’opposé
de celle par laquelle était sortit son maître. A peine venait-elle
de faire un pas que des cris lui parvinrent.
- Eh toi !!... Ilta !
Elle se tourna aussitôt et découvrit au loin plusieurs femmes qui
avaient été séquestrées avec elle au marché
et certainement vendues à Aldraban. Elles s’apprêtaient à
fuir.
- Viens ! Nous t’aiderons !
Hésitante, elle finit par se décider mais tomba brusquement nez
à nez avec un homme qu’elle reconnut aussitôt comme étant
l’inconnu de la vente.
- Carter ! s’écria-t-il en lui attrapant déjà le
poignet. Qu’est-ce que vous foutez !?
Dans la cohue, elle parvint facilement à se dégager et le repoussa
violemment. Incrédule, il resta immobile quelques instants, son regard
brun accroché au sien, puis sans crier gare, il s’avança
de nouveau vers elle. Alors, d ’un geste instinctif, Jolinar leva le bras et
lacéra le ventre de son agresseur du revers de son poignard.
Une myriade de sentiments déferla aussitôt sur le visage de l’homme
tandis qu’il reculait, les jambes soudain faibles, la main déjà
appuyée sur sa plaie ensanglantée. L’incompréhension
et la souffrance dominaient cependant. Jolinar sentit aussitôt son coeur
se serrer et une sueur froide glisser le long de son dos.
Elle venait de tuer un homme ! Elle l’avait tué ! Certes, il n’était
pas encore mort mais c'était tout comma...
La gorge nouée, elle lâcha le poignard et recula à son tour.
Puis son agresseur s’effondra en arrière et une
voix puissante retentit, couvrant le bruit assourdissant de la bataille.
- O’Neill !!
Soudain tremblante, Jolinar balaya le paysage de son regard perdu. Les femmes
qui l’avaient appelée s’enfuyaient déjà et
plusieurs hommes lui barraient à présent le passage. Elle était
bloquée. Dans un grognement frustré, elle se décida à
rebrousser chemin et pénétra de nouveau dans l’abri du carrosse,
insensible à l’homme à terre qui tentait en vain d’attirer
son attention.
- Carter...
***
Jack regarda son second disparaître à l’intérieur
de la voiture avec un mélange de stupeur et d’angoisse. Que
s’était-il passé ? Pourquoi avait-elle fait ça ?
Pourquoi ne semblait-elle pas le reconnaître ?
Instinctivement, il jeta un œil à sa blessure et grimaça
lorsque le tissu de sa manche se décolla de sa plaie ensanglantée.
C’est ce moment que choisirent Teal’c et Daniel pour parvenir à
sa hauteur.
- Jack ! s’exclama le jeune homme, une pointe de panique dans la voix.
- Ça va ! râla aussitôt O’Neill en cherchant à
se redresser. C’est pas profond, j’ai juste été surpris
et n’ai pas eu le temps d’esquiver totalement l’attaque.
Teal’c, le regard en mouvement, profita de la proximité d’un
homme un peu trop téméraire pour l’assommer sans ménagement
avant de se tourner vers son ami à terre.
- C’était bien le Major Carter qui vous a frappé, O’Neill
?
- Ouais… grogna Jack qui se mettait péniblement debout, refusant
avec humeur l’aide de Daniel.
Certes, il avait eu le temps d’éviter en partie le coup mais il
allait certainement avoir droit à quelques points de suture. Ce n’était
pas la première fois qu’il devait se recoudre au beau milieu d’une
mission mais ce n’était décidément pas ce qu’il
préférait !
- Qu’est-ce qui lui a pris ? demanda Daniel abasourdi.
Il n’avait pas vu l’attaque et ne s’était retourné
qu’en entendant le cri de Teal’c.
- Je ne sais pas… Elle n’a pas semblé me reconnaître.
Le Jaffa, toujours très réactif, assomma un nouvel audacieux et
fit fuir d’un regard son acolyte.
- Que fait-on ?
Au même moment, des cris se firent entendre à quelques mètres
d’eux.
- Les renforts arrivent ! s’exclama l’un des gardes du Seigneur
Aldraban.
Tous se tournèrent vers la colline qui surplombait la forêt et
en effet, quelques hommes à cheval se dirigeaient dans leur direction.
Ils n’étaient pas très nombreux mais feraient certainement
la différence dans ce combat incertain.
Jack pesa un instant le pour et le contre, sentant qu’il serait inutile
de tenter d’enlever Carter contre sa volonté, pas dans ces conditions
en tout cas. Finalement, se penchant en grimaçant, il attrapa une épée
qui traînait par terre et se tourna vers ses amis.
- On les aide.
Et sans un mot de plus, il s’élança sur le premier brigand
venu, le désarmant avec une dextérité étonnante
pour quelqu’un peu habitué à l’utilisation d’arme
blanche autre que le poignard, et commença à faire le tour du
carrosse pour rejoindre Aldraban. Ses deux amis le suivirent sans un mot.
Aidé de Teal’c, ils ne mirent pas longtemps à rejoindre
leur cible. O’Neill continua de se battre avec une fougue redoublée
et ce, malgré sa blessure qui continuait de saigner. Daniel lui jetait
de fréquents coups d’œil inquiets mais se taisait. Lorsque
Jack avait cette expression butée sur le visage, il valait mieux ne rien
lui dire.
Leur aide fut rapidement remarquée et appréciée par Aldraban.
O’Neill, voulant faire bonne impression, ne ménageait pas ses efforts,
quant au Jaffa, il abattait à lui seul le travail de plusieurs hommes.
Même Daniel parvint à se débarrasser de quelques gêneurs,
déjà passablement abîmés par Jack. Lorsque les renforts
arrivèrent, les brigands commençaient déjà à
fuir. Leur intervention avait renversé le cours des choses et donné
un sérieux avantage aux troupes de Aldraban.
O’Neill regarda avec soulagement les derniers assaillants disparaître
dans la forêt et, le souffle court, il planta son épée dans
le sol avant de se pencher en avant, cherchant à atténuer la douleur
qui lacérait son abdomen. Il savait que sa blessure n’était
pas grave mais elle saignait beaucoup et il se sentait brusquement vidé.
Percevant des pas se rapprochant de lui, il se redressa cependant tout en essuyant
son front du revers de sa manche, et tomba nez à nez avec Aldraban.
L’homme semblait être à peu près de la même
taille que Carter, mais ils étaient tous assez petits sur cette planète.
Jack hésita à se montrer humble mais balaya cette idée
en redressant les épaules. Il espérait au contraire que sa grande
taille attirerait son attention.
- Merci pour votre aide, étranger ! s’exclama Aldraban, un sourire
sur les lèvres, passablement échevelé par le combat.
Comment avait-il seulement deviné qui dirigeait l’équipe,
c’était un mystère… La couleur de Teal’c lui
faisait peut-être croire qu’il était un esclave et Daniel
n’étant pas le meilleur combattant, il en avait certainement déduit
qui était le meneur du groupe. Quoiqu’il en soit, Jack acquiesça
sobrement.
- Mais de rien.
Aldraban sourcilla légèrement devant le manque de courbette et
de titre pompeux mais il n’en prit pas ombrage. Il jeta un coup d’œil
sur les deux hommes qui se rapprochaient de Jack, et fut visiblement très
impressionné par la stature du Jaffa.
- Comment vous appelez-vous ? D’où venez-vous ?
Comme O’Neill semblait hésiter, Daniel prit le relais.
- Voici Jack, Teal’c et moi c’est Daniel. Nous venons d’une
contrée assez éloignée, dans le sud du continent, dit-il,
corroborant ainsi, sans le savoir, les spéculations de Aldraban au sujet
de Teal’c.
- Et nous cherchons du travail, rajouta Jack brusquement.
Daniel haussa les sourcils mais ne dit rien.
Le lord acquiesça, satisfait.
- J’ai perdu quelques hommes dans cette bataille et vous êtes les
bienvenus.
- C’est parfait, répliqua O’Neill, avant de rajouter à
contre cœur : Monseigneur.
Aldraban approuva cet effort d’un sourire et se détourna sans plus
de cérémonie afin de remonter dans sa voiture.
Les trois hommes se regardèrent un court instant puis partirent récupérer
leurs chevaux.
**************
Jolinar avait vite compris que la bataille tournait en la faveur de son maître
et lorsque la porte du carrosse s’ouvrit sur lui, elle serra les dents,
se sentant piégée. Elle observa avec inquiétude l’homme
pénétrer dans la voiture et s’asseoir en face d’elle,
l’air particulièrement satisfait. Cette bataille l’avait
mis de bonne humeur et peu importait qu’il ait perdu des hommes et même
ses nouveaux esclaves.
Il ne ressemblait plus au Lord propre sur lui et presque maniéré
qu’elle avait rencontré quelques minutes auparavant. Son visage
était à présent couvert de poussière et de sang,
ses habits déchirés à certains endroits et ses cheveux
en bataille lui donnaient un côté chien fou.
Il lui sembla brusquement moins dangereux… Plus abordable.
Un sourire sur les lèvres, Aldraban la détailla tranquillement
avant de hausser les sourcils.
- Qu’avez-vous fait de mon poignard ?
La jeune femme blêmit aussitôt, resongeant à l’homme
qu’elle avait tué ou, tout du moins, blessé.
- Je… Je m’en suis servie pour me défendre.
Surpris, il fronça les sourcils.
- Comment ont-ils pu entrer ? La portière de l’autre côté
était fermée de l’intérieur.
- J’ai entendu des cris de femmes et je l’ai ouverte quelques secondes
pour voir ce qui se passait… Je suis désolée, c’était
idiot de ma part… bredouilla-t-elle, préférant jouer les
sottes.
Aldraban se détendit.
- Vous avez bien fait d’utiliser mon arme. Mais la prochaine fois, en
espérant cependant que ça n’arrive jamais, restez dans la
voiture. Je ne voudrais pas qu’il vous arrive quelque chose.
D’un geste vif, il tapa deux coups à la paroi du carrosse et celui-ci
se mit en branle.
Les mains crispées sur ses genoux, Jolinar resongea de nouveau à
l’homme qu’elle avait frappé.
Etait-il mort ?
N’y tenant plus, elle ouvrit le volet de protection et tira le rideau
afin de jeter un œil dehors. Il y avait de nombreux hommes à terre.
Les gardes de Aldraban tentaient de rassembler leurs morts et blessés
afin de les ramener avec eux. Mais aucune trace de l’inconnu. Peut-être
s’en était-il sorti…?
Dans un soupir, elle releva les yeux et son cœur bondit brusquement dans
sa poitrine.
Il était là, juste à trois mètres d’elle,
monté sur un cheval qu’il tenait fermement par la bride afin de
rester à sa hauteur. Son regard brun était posé sur elle,
indéchiffrable et Jolinar resta hypnotisée par la virilité
incroyable qui se dégageait de ses traits. De tous les hommes qu’elle
avait rencontré depuis qu’elle s’était éveillée,
il était sans conteste le plus beau et surtout le plus… troublant.
Les yeux de la jeune femme glissèrent sur lui et s’arrêtèrent
sur sa tunique. Son cœur se serra en découvrant le vêtement
souillé par son propre sang. Et pourtant, il restait droit, menant sa
monture sans paraître le moins du monde gêné par sa blessure.
Lorsque leurs regards se croisèrent de nouveau, il n’avait pas
bougé d’un millimètre et continuait de l’observer
avec cette même expression indéchiffrable. Mal à l’aise,
Jolinar finit par détourner les yeux et rajusta le rideau avant de s’appuyer
de nouveau sur son siège.
Et s’il disait à Aldraban qu’elle avait voulu fuir ? Il faisait
parti de sa garde, il pourrait très bien la dénoncer.
Serrant les dents, elle sentit sur elle le regard pesant de son maître
et sa colère enfla brusquement. La jeune femme ne supportait plus d’être
détaillée ainsi, comme une bête de somme. Tous ces hommes
qui semblaient n’avoir qu’une envie, disposer d’elle sans
se soucier de son avis, lui étaient insupportables.
*********
Jack regarda la jeune femme disparaître dans le carrosse avec inquiétude.
Elle ne l’avait pas reconnu.
Que lui avaient-ils fait pour qu’elle ne se souvienne de rien ? Elle était
allée jusqu’à le poignarder sans état d’âme
et, sans ses réflexes, elle l’aurait même probablement tué.
La récupérer n’allait pas être une mince affaire.
Le faire déjà avec une Carter consentante n’était
pas simple mais si en plus elle refusait de les suivre, ils n’étaient
pas rentrés. S’il n’avait pas été aussi surpris
par son geste de défense tout à l’heure, il l’aurait
bien assommé illico pour l’emmener de force avec lui…
Mais bon, rien n’était perdu. Dès qu’ils en auraient
l’occasion, ils tenteraient de la sortir de là. Qu’elle le
veuille ou non !
Il n’aimait pas du tout la façon dont Aldraban regardait Carter.
Les femmes, et encore plus les esclaves, ne semblaient pas avoir leur mot à
dire. Comment réagirait ce type si elle s’opposait à lui
?
Et lui… Que ferait-il si, au contraire, elle ne s’y opposait pas
?...
Sentant l’appréhension et une jalousie mal venue lui nouer l’estomac,
Jack tenta de balayer cette idée de son esprit. Après tout, c’était
en voulant fuir qu’elle l’avait blessé. Elle ne voulait donc
pas rester avec Aldraban.
Avec agacement, O’Neill essaya de faire prendre à ses pensées
un tour moins dangereux et surtout plus professionnel.
Jetant un rapide coup d’œil sur la tâche grandissante de sa
tunique, il fouilla dans l’une des sacoches de sa monture et en ressortit
une chemise qu’il avait dérobée en plus des habits qu’il
portait à l’instant. Il fit une boule du vêtement et la pressa
durement contre son ventre afin de compresser sa plaie.
Il grimaça aussitôt sous la douleur.
Dès qu’elle aurait retrouvé la mémoire, il comptait
bien lui rappeler qu’il lui devait une nouvelle cicatrice et par la même
occasion qu’elle allait devoir se montrer très gentille avec lui
pour se faire pardonner !
Enfin, gentille… dans les limites de la légalité…
évidemment, songea-t-il dans un soupir.
**************
Après un voyage de près d’une heure à une cadence
un peu plus soutenue, des bruits divers se firent entendre, indiquant à
la jeune femme qu’ils arrivaient dans un village. Poussée par sa
curiosité, elle aurait bien voulu jeter un œil dehors mais elle
resta finalement les yeux fermés. Elle avait fait mine de s’assoupir
juste après la bataille afin de ne pas avoir à supporter la discussion
de son maître.
Lorsque la voiture s’arrêta, cependant, elle fut bien obligée
de se redresser.
- Nous voici arrivés, ma chère, indiqua aussitôt Aldraban
avant que la portière ne s’ouvre.
Il sauta hors du véhicule avec souplesse et tendit la main vers elle
afin de l’aider. Hésitante, elle finit cependant par l’accepter pour ne pas attirer
son attention. Dès qu’elle en aurait l’occasion, elle chercherait
un moyen de fuir. En attendant, autant lui faire croire à sa docilité.
A peine venait-elle de mettre un pied dehors que son regard accrocha de nouveau
celui de l’inconnu qui descendait de cheval. Elle crut le voir blêmir
légèrement mais son visage resta parfaitement de marbre. Et ses
yeux… ses yeux restaient obstinément fixés sur elle.
Dans un soupir tremblant, elle se détourna juste attend pour voir une
femme s’approcher de Aldraban et s’incliner avec grâce devant
lui. Elle avait à peu près le même âge que lui. Ses
longs cheveux noirs coiffés en un chignon souple adoucissaient son visage
et sa robe richement parée soulignait la finesse de sa silhouette gracile.
C’était une très jolie femme, assurément.
Aldraban s’avança vers elle et baisa sa main en souriant.
- Mon épouse. Comment allez-vous ?
- Très bien, mais vous, Monsieur ? demanda-t-elle, une pointe d’inquiétude
dans la voix.
Jolinar écouta d’une oreille distraite les explications de son
maître concernant l’attaque à laquelle ils avaient due faire
face.
Aldraban était marié ? Qu’allait-il donc faire d’elle
? Il ne comptait tout de même pas tromper sa femme sous son nez ?!
Au bout de quelques secondes, tandis que son époux se tournait vers son homme de main, le regard de la maîtresse des lieux se posa
sur elle et
Jolinar vit de la peur dans ses prunelles sombres. Mal à l’aise,
sentant que ses soupçons se vérifiaient, elle la regarda s’avancer
vers elle et lui faire signe de la suivre.
- Je suis Dame Elisée. Comment vous nommez-vous ?
- Jolinar, Madame, répondit-elle lui emboîtant le pas.
La jeune femme suivit sa maîtresse non sans un dernier regard vers l’inconnu
qui, à présent, lui tournait le dos et parlait avec deux autres
hommes, dont l’un d’eux avait la peau sombre et un étrange
tatouage doré sur le front. Agacée par l’intérêt
soudain qu’elle portait à ce garde, Jolinar se détourna.
Elle pénétra dans le château imposant et fut emmenée
dans une chambre à l’étage. La pièce était
agréable et richement décorée. Trop, pour une simple esclave,
songea-t-elle avec angoisse. Dame Elisée lui indiqua les quelques affaires
posées de ci de là et Jolinar fut surprise de constater qu’elle
était attendue. Un homme avait du être envoyé en avance
afin de prévenir de son arrivée.
Une multitude de questions tourbillonnait dans sa tête et, n’y tenant
plus, elle finit par s’adresser à sa maîtresse.
- Qu’attendez-vous de moi, Madame ? Je ne comprends pas.
La femme se tourna vers elle, l’observant un instant avant de répondre.
- Ce que j’attends de vous ? Mais rien du tout.
- Alors pourquoi suis-je ici ?
Dame Elisée posa l’étoffe qu’elle avait pris dans
ses mains l’instant d’avant et rejoignit la porte d’entrée.
- Vous êtes ici pour satisfaire mon époux. C’est à
lui que vous appartenez.
Et sur ce, elle sortit, laissant Jolinar plus angoissée encore.
***************
Les trois hommes regardèrent Carter disparaître à l’intérieur
du château puis se tournèrent vers Aldraban qui s’approchait
d’eux.
- Vous êtes blessé, Jack. Vous feriez bien de vous soigner rapidement
avant que vous ne perdiez davantage de sang. Nous avons une guérisseuse
très efficace. Un bon tisonnier et votre plaie sera vite refermée.
O’Neill grimaça à cette idée. Une guérisseuse
utilisant un tisonnier ? Charmant.
- J’ai ma propre façon de procéder, merci, Monseigneur.
- Comme il vous plaira. Je vais devoir quitter le château dès demain.
Un problème à régler dans un de mes fiefs. Restez ici le
temps que votre blessure guérisse. Je ne serai pas absent très
longtemps. Voyez votre solde auprès de Hulg. C’est lui qui gèrera
tout en mon absence.
Et sur ce, il s’éloigna de nouveau.
Le Hulg en question vint prendre le relais. Particulièrement méfiant,
à l’inverse de son maître, il leur interdit l’accès
du château et leur indiqua la salle commune d’un autre édifice
pour établir leurs quartiers. Ils récupérèrent les
affaires de quelques gardes morts lors de l’assaut et Jack put enfin s’asseoir
dans un coin pour s’occuper de sa blessure.
Accroupi à ses côtés, Daniel grimaça en même
temps que lui lorsqu’il retira la chemise souillée de sa blessure.
- Filez-moi la trousse de soin, demanda O’Neill en retirant comme il pouvait
sa tunique.
Le docteur Jackson fouilla dans l’une des sacoches et en extirpa la trousse
en question. Quelques secondes plus tard, Teal’c revint avec de l’eau,
un vieux torchon propre et une chemise.
- Merci.
- Vous voulez de l’aide ? proposa Daniel, bien que la vue d’entailles
lui était particulièrement déplaisante.
En sept ans, il ne s’y était toujours pas habitué et Jack
le savait parfaitement.
- Non ça va. Occupez-vous simplement de bloquer l’entrée
pour qu’on ne me voit pas.
- Très bien, O’Neill, répondit Teal’c en s’éloignant,
seul.
Prenant le linge propre, Jack nettoya rapidement sa plaie puis fouilla dans
la trousse à la recherche d’une seringue et de l’anesthésiant.
La plaie n’était pas profonde mais s’étendait sur
une bonne longueur et il n’était pas masochiste au point de se
recoudre à vif, surtout lorsqu’il avait de quoi se soulager.
Malgré son aversion, Daniel le regarda désinfecter sa plaie et
commencer sa couture avec une attention particulière.
- On dirait que vous avez fait ça toute votre vie, murmura-t-il tandis
que Jack enfonçait pour la cinquième fois l’aiguille dans
sa chair.
- Plus ou moins, oui…
Le docteur Jackson l’observa encore un moment, hypnotisé, puis
finit par soupirer.
- Qu’allons-nous faire pour Sam ?
- Je vais tenter de l’approcher et lui expliquer qui elle est. Vous, vous
essaierez de savoir comment une femme peut perdre la mémoire du jour
au lendemain sur cette foutue planète.
- Elle s’est fait assommer lorsqu’ils l’ont enlevée.
C’est peut-être dû à un simple traumatisme crânien.
Jack coupa le fil avec une paire de ciseaux et attrapa une compresse. Sous sa
demande implicite, Daniel prit une bande et commença à l’enrouler
autour de son ventre.
- Serrez bien, grogna O’Neill avant de poursuivre : De toute façon,
il faut la persuader de nous suivre de son plein gré. Aldraban n’est
pas là pendant quelques jours, autant en profiter… En espérant
qu’il la laisse tranquille ce soir.
Il avait rajouter ces quelques mots dans un murmure mais suffisamment fort cependant
pour que Daniel l’entende. Celui-ci redressa aussitôt la tête,
les yeux exorbités.
- Vous croyez que… ? demanda-t-il avant de s’interrompre de lui-même.
- Je ne sais pas...
Et sans un mot, Jack se redressa en grimaçant.
- Je vais faire un tour, rajouta-t-il en mettant la chemise par-dessus son bandage.
Allez donc voir cette guérisseuse, Daniel.
Celui-ci regarda son ami rejoindre Teal’c à l’entrée
et d’un geste lui indiquer de ne pas le quitter des yeux. Le Jaffa acquiesça
tandis que Jack s’éloignait déjà.
*************
Jolinar s’observait dans le miroir depuis plusieurs minutes déjà.
Son visage lui semblait curieusement… étranger. Mais ses yeux surtout
retinrent son attention. Ces yeux qui semblaient tant plaire à son entourage.
Oui, ils étaient bleus. Bleus comme ceux de l’homme qu’elle
voyait parfois dans des flashs que son esprit ne parvenait pas à contrôler.
Si bleus, si clairs, si doux. Presque trop, en fait. Trop doux, trop tendres.
Si différent des yeux bruns de cet inconnu.
Réalisant le tour que prenaient ses pensées, Jolinar serra les
dents, essayant de retrouver le visage de l’homme au regard bleu, fouillant
dans sa mémoire brumeuse à recherche d’un nom.
- Pantoufle ? murmura-t-elle avec incrédulité.
Non, ça ne pouvait pas être Pantoufle…
Agacée, elle sentit son crâne devenir de plus en plus douloureux.
Massant nerveusement ses tempes, la jeune femme s’écarta à
contre cœur du miroir et s’approcha de la fenêtre ouverte.
Elle se trouvait à près de sept mètres du sol. Une gigantesque
cour s’étendait à ses pieds où soldats, fermiers
et serviteurs vaquaient à leurs occupations. Au delà de la muraille
protectrice, elle apercevait les toits de chaume d’un petit village prospère
et certainement accueillant pour quiconque avait la chance d’être
libre.
Quoiqu’il en soit, pour fuir, il faudrait qu’elle parvienne à
traverser cette cour, baisser le pont-levis et couper à travers le village…
le tout sans se faire voir.
Non, décidément, elle ne savait vraiment pas comment elle allait
se sortir de là…
Balayant le terrain en contre-bas, le regard de la jeune femme fut inexorablement
attiré par le bel inconnu qui traversait la cour d’un pas vif.
Il avait changé de vêtements et semblait bien se porter. Elle n’avait
pas du le blesser si durement que cela.
Il s’arrêta près d’un groupe d’hommes avec qui
il entama très vite la discussion. A plusieurs reprises, des rires gras
s’élevèrent du groupe, mais lui restait parfaitement stoïque,
se permettant seulement un sourire à l’occasion. Finalement, l’un
des soldats pointa un doigt dans sa direction et tous levèrent les yeux
vers elle.
Et « lui » aussi.
Elle se recula aussitôt dans la pièce afin de se cacher, maudissant
son cœur qui tambourinait de façon assourdissante dans sa poitrine.
Cet homme avait un peu trop de pouvoir sur elle. Et elle détestait cela
!
Des coups frappés à la porte de sa chambre la firent brusquement
sursauter. Elle n’eut même pas le temps de répondre que Aldraban
entrait dans la pièce d’un pas conquérant. Il avait pris
un bain, changé de vêtements et Jolinar retrouva aussitôt
en lui l’homme plein d’assurance et de manières qui lui avait
tant fait peur. Elle sentait parfaitement qu’il pouvait se montrer aussi
aimable que violent et cruel. Elle ne savait pas exactement comment elle pouvait
en être si sûre mais, son instinct lui criait de rester sur ses
gardes.
- Ma chère… lui dit-il en s’arrêtant devant elle.
Prenant ses mains délicates dans les siennes, il les porta à ses
lèvres pour y déposer un baiser. Jolinar se força à
ne pas laisser transparaître son profond dégoût et observa
du coin de l’œil des servantes qui installaient un tub dans sa chambre.
- J’ai pressenti qu’un bon bain vous ferait envie. Ai-je eu tord
?
- Du tout, Monseigneur, répondit-elle sincèrement. Je vous remercie.
Un éclair de contentement brilla aussitôt dans les prunelles sombres
de Aldraban. Il la détailla de nouveau sans vergogne et d’un claquement
de doigt, fit apparaître une autre servante tenant dans ses bras une robe.
Elle déposa le vêtement sur le lit et ressortit aussitôt
tandis que d’autres femmes se relayaient pour mettre de l’eau dans
le tub.
- Non pas que je n’aime pas cette tunique mais j’apprécierais
beaucoup que vous portiez cette robe. Elle n’est certes pas à votre
taille mais je ferai appeler dès demain une couturière pour vous
confectionner des habits sur mesure.
Il leva une main et caressa la joue de la jeune femme avec douceur.
- Vous êtes très grande… Vraiment différente…
et si belle… murmura-t-il tandis que son regard semblait s’assombrir
de plus en plus et qu’une angoisse sourde étreignait brusquement
le cœur de Jolinar. Vraiment très belle…
Ses doigts continuèrent à courir sur sa joue et du pouce, il vint
caresser ses lèvres, faisant gémir la jeune femme de frayeur.
Hélas, il ne prit pas ce soupir pour de la peur, bien au contraire et
sa voix retentit brusquement.
- Sortez !
Jolinar sursauta violemment et regarda avec crainte les servantes se ruer dehors
et refermer doucement la porte derrière elles. A peine se retrouvèrent-ils
seuls que Aldraban fondait sur elle, cherchant ses lèvres avec avidité.
La jeune femme s’écarta aussitôt et fut bientôt accolée
à la fenêtre ouverte.
Surpris, l’homme se redressa, les sourcils froncés.
- Je peux savoir ce qu’il vous prend ? demanda-t-il d’une voix presque
menaçante.
Jolinar posa ses mains crispées sur le rebord, mordant sa lèvre
inférieure avec nervosité.
- J’ai été surprise… Je suis désolée.
Il se radoucit aussitôt et un sourire vint étirer sa bouche charnue.
Il s’avança de nouveau vers elle et la jeune femme se détourna.
Cherchant de l’aide, ses yeux se posèrent sans savoir pourquoi sur l’inconnu
dans la cour qui semblait ne plus vouloir la quitter du regard. Il dut lire
la peur sur son visage car ses sourcils se froncèrent aussitôt.
Elle se trouvait trop en hauteur pour qu’il puisse voir autre chose qu’elle,
penchée au rebord de la fenêtre. Et qu’aurait-il pu faire
de toute façon ? Il était rattaché à la garde de
son maître…
Fermant les yeux, se sentant piégée, Jolinar sursauta violemment
lorsqu’une main vint soudainement se poser sur son épaule, la forçant
à se retourner.
- Vous semblez avoir peur.
Elle leva les yeux vers Aldraban et inclina la tête.
- Je ne vous connais pas, Monseigneur… Oui. Vous m’effrayez.
Il haussa les sourcils, extrêmement surpris.
- La boisson qu’on vous a fait boire pour vous faire perdre la mémoire
est également censée vous rendre docile et inhiber vos craintes…
Je ne comprends pas.
Jolinar se redressa aussitôt, enregistrant cette nouvelle donnée.
- Vous dites que je ne suis pas comme les autres. Peut-être est-ce pour
cela ?
Aldraban sourit de nouveau.
- Oui, vous êtes différente…
A la surprise de la jeune femme, il s’écarta d’elle et leva
les bras.
- Eh bien quoi ? Que suis-je censé faire ? Vous êtes à moi
! Je peux disposer de vous comme bon me semble !
Serrant nerveusement ses mains l’une contre l’autre, Jolinar acquiesça.
- En effet, c’est le cas. Mais ne préférez-vous pas que
je me donne à vous de mon plein gré ?
Le regard de Aldraban se fit soudain plus sombre.
- Un peu de violence ne me déplait pas.
La jeune femme déglutit aussitôt, le cœur au bord des lèvres.
- Cela dit, poursuivit-il. Vous n’êtes pas comme les autres…
Vous dompter pourrait être amusant. Mais sachez que je ne suis pas très
patient.
Jolinar s’inclina de suite.
- Je saurai me montrer reconnaissante, Monseigneur.
- Je l’espère bien !
Et sans rajouter un mot de plus, il sortit de la pièce.
Les jambes tremblantes, la jeune femme laissa un soupir de soulagement s’échapper
de ses lèvres et s’appuya sur le rebord de la fenêtre. Instinctivement,
ses yeux cherchèrent l’inconnu mais il semblait avoir disparu…
*******************
Jack pénétra dans le château par une porte non gardée,
et longea les murs avec application. Lorsqu’il avait vu la main se poser
sur l’épaule de Carter, il avait de suite compris pourquoi elle
avait peur et qui était avec elle dans la chambre.
Tout son corps lui avait aussitôt hurlé d’agir, de s’élancer
dans la cour et de monter la rejoindre et ce, peu importait les conséquences…
Et pourtant, il avait hésité. Il avait hésité à
intervenir, sa raison reprenant rapidement le dessus.
En faisant cela, il risquait la vie du reste de son équipe, leur vie
à tous pour aider Carter. Mais était-il vraiment impartial lorsqu’il
s’agissait d’elle ?
Alors il avait tenté d’oublier que c’était elle, là-haut
et c’était sa raison qui lui avait cette fois-ci dicté de
faire quelque chose. Il fallait qu’il aide son second. Il ne pouvait pas
rester inactif pendant que l’un de ses hommes se faisait agresser.
Le château était grand et il lui était difficile de se diriger
tout en restant discret mais il finit par trouver un escalier et commença
à monter à l’étage. Il était à mi-parcours
lorsqu’une voix retentit derrière lui.
- Que faites-vous ici ? Je vous avais interdit d’entrer.
Jack s’arrêta aussitôt, la mâchoire crispée et
se retourna lentement pour faire face à Hulg. Cet homme au corps fluet
ne lui sembla pas un adversaire dangereux mais la méfiance était
de mise. Posant discrètement sa main dans son dos, là où
son couteau se trouvait, O’Neill attendit qu’il s’approcha
de lui. Mais au moment où il s’apprêtait à se débarrasser
du gêneur, une autre voix résonna dans le couloir étroit.
- Eh bien ! Vous en faites une tête, Hulg ! s’exclama Aldraban qui
descendait les marches d’un pas vif.
- Monseigneur, salua humblement le serviteur. Cet homme n’a rien à
faire ici. Je lui avais interdit l’accès au château.
Le Lord se tourna aussitôt vers Jack, les sourcils dressés. Celui-ci
l’observait avec une certaine perplexité. Apparemment, Carter avait
su se débrouiller toute seule.
- Eh bien ? Que répondez-vous à cela ?
- Je cherchais votre guérisseuse, Monseigneur, répondit-il aussitôt.
On m’a dit que je la trouverais à l’étage.
- Ah ! Oui, votre blessure, répondit Aldraban avant de se tourner vers
son homme de main. Vous voyez ! Vous êtes trop méfiant !
Il descendit encore quelques marches et leva la main vers Jack avec nonchalance.
- Retournez dans la cour, Hulg viendra vous y rejoindre dans un instant.
O’Neill acquiesça aussitôt et commença à s’éloigner.
Il eut cependant le temps d’entendre Aldraban ordonner à son serviteur
:
- Que Dame Elisée vienne me rejoindre tout de suite dans ma chambre.
- … Très bien, Monseigneur.
Jack sortit du château en soupirant. Il ne savait pas trop comment elle
était parvenue à se débarrasser de Aldraban et pour tout
dire cela le surprenait énormément. Il n’était pas
le genre d’homme à accepter un refus. Et compte tenu de sa frustration
évidente, c’était un véritable miracle.
Quelques minutes plus tard, Hulg vint le rejoindre dans la cour et Jack dut
le suivre afin de trouver la guérisseuse. Lorsqu’ils arrivèrent,
Daniel se trouvait déjà à ses côtés.
- Ah ! Vous l’avez trouvée, s’exclama O’Neill en s’approchant.
On m’avait dit qu’elle était au château.
Le docteur Jackson se tourna aussitôt vers lui et, apercevant Hulg derrière
lui et comprenant le sous-entendu de son ami, acquiesça avec promptitude.
- J’ai suivi une autre piste. Je m’apprêtais à vous
faire appeler.
L’homme de main observa les deux hommes pour juger de leur honnêteté
puis finit par s’éloigner en marmonnant qu’il avait du travail.
Jack et Daniel se concertèrent du regard et échangèrent
un sourire entendu.
La guérisseuse ne leur apprit pas grand-chose et ils avaient évité
de se montrer trop direct afin de ne pas attirer l’attention sur eux.
De toute façon, plus rien ne pressait puisque Aldraban avait décidé
de laisser Carter tranquille jusqu’à son retour… Et O’Neill
comptait bien ne plus être là lorsqu’il reviendrait.
************
Jolinar avait choisi de rester dans sa chambre pour le dîner. On lui apporta
un plateau repas qu’elle ne toucha quasiment pas, tant elle se sentait
stressée. Jusqu’au bout, elle avait craint que Aldraban ne changea
d’avis et vienne la rejoindre, et ce fut avec un soulagement non feint
qu’elle vit les premiers rayons de soleil illuminer sa chambre. Epuisée,
elle finit par sombrer dans un sommeil réparateur.
Ce fut un concert de cris divers qui la réveilla quelques heures plus
tard, annonçant le départ du Seigneur des lieux.
Elle comptait bien profiter de son absence pour s’enfuir et ce, à
n’importe quel prix.
Après avoir grignoté quelques restes de la veille, elle s’habilla
et sortit, désireuse de savoir jusqu’à quel point elle était
libre de ses mouvements. Jolinar tenta de faire abstraction des regards curieux et, après avoir
fait le tour du château, décida de repérer l’extérieur
du bâtiment.
Le temps était ensoleillé, comme la veille. La large cour était
encombrée de nombreuses charrettes, tonneaux et autres objets pouvant
parfaitement faire office de cachette. Insensible à l’attention
que la jeune femme soulevait sur son passage, elle poursuivait sa petite investigation,
longeant les remparts, faisant le tour du château, fouillant chaque recoin
à la recherche d’une porte dissimulée ou d’une bâtisse
pouvant l’aider dans son entreprise.
Au bout de près d’une heure, elle n’avait vu que la moitié
Est du fort et poursuivait ses recherches dans un coin calme, non loin d’une
grange délabrée à priori abandonnée. Le bois était
noir de suie et personne ne semblait y avoir mis les pieds depuis bien longtemps.
Ce fut en passant la tête à l’intérieur qu’elle
sentit brusquement une main se poser sur sa bouche, un bras autour de son ventre
et une voix chaude résonner à son oreille.
- Du calme, je ne vous veux aucun mal, dit l’inconnu en la poussant sans
ménagement à l’intérieur de la bâtisse avant
de la relâcher.
Jolinar se retourna aussitôt et avisa son agresseur. Ses joues s’empourprèrent
de suite et elle recula, troublée malgré elle, par « cet
homme ». Il leva aussitôt les mains, cherchant à l’apaiser.
- Il faut que je vous parle… Je veux juste discuter un peu.
La jeune femme redressa la tête, un peu plus sûre d’elle.
Il ne semblait pas particulièrement dangereux et surtout, il n’avait
pas prévenu Aldraban de sa tentative de fuite. Elle pouvait bien lui
laisser le bénéfice du doute.
- Que me voulez-vous ? demanda-t-elle, d’une voix sèche.
- Je m’appelle Jack O’Neill et vous, vous êtes Samantha Carter,
répondit-il sans attendre. Vous n’êtes pas de ce monde. Vous
faites partie de l’équipe SG1 et par je ne sais quel procédé
on vous a fait perdre la mémoire.
Jolinar plissa les yeux, surprise, l’espoir au ventre.
Qui était cet homme ? Il la connaissait ? …
- Samantha Carter ? répéta-t-elle, désireuse de savoir
si ce nom lui était familier.
Non, ça ne lui disait absolument rien. Elle s’appelait Jolinar.
De cela, elle en était absolument certaine. Cet homme lui mentait forcément.
Mais pourquoi ?
- Oui, acquiesça cependant le dénommé Jack. Vous êtes
le Major Samantha Carter et…
- Major ? l’interrompit la jeune femme, sans comprendre.
O’Neill sembla perdu quelques secondes puis balaya cette question d’un
geste de la main.
- Oui, c’est un grade dans l’armée. Vous êtes sous
mes ordres. Je suis Colonel et…
Mais à ces mots, Jolinar sentit la colère affluer en elle.
Evidemment. Elle aurait du s’en douter !
S’avançant vers lui, elle le repoussa violemment et sortit de la
grange. Elle aperçut un peu plus loin deux hommes faisant le guet et
ne prêta qu’un intérêt léger à l’un
d’eux qui s’était retourné dans leur direction. En
effet, une main venait d'agripper son bras, la stoppant dans son élan
et retenant ainsi toute son attention.
- Carter ! Ecoutez moi jusqu’au bout !
La jeune femme fit face à Jack et se libéra d’un geste brusque.
- Je ne m’appelle pas Samantha Carter. Et je ne suis sous les ordres de
personne ! Je ne suis pas une esclave !
Sur ce, elle voulut partir de nouveau mais il tenta de la retenir en posant
une main sur son épaule.
- Non, vous n’êtes pas une…
Il n’eut hélas guère le temps de poursuivre, passablement
assommé par le violent coup de poing qu’elle venait de lui asséner
en pleine figure. Abasourdi, il la regarda disparaître au détour d'un bâtiment, sous les yeux écarquillés de Daniel et le sourcil dressé de Teal'c.
Jack leva une main et la passa sur sa lèvre endolorie. Lorsqu’il
vit le sang sur ses doigts, le peu de calme qu’il était parvenu
à retrouver depuis sa corvée de nettoyage de l’étable,
fondit comme neige au soleil !
Daniel, insensible au regard meurtrier de son ami, ne put se retenir d’en
rajouter.
- Votre charme a du mal à opérer sur Sam en ce moment ! s’exclama-t-il
en riant.
- La ferme, Daniel ! rugit Jack aussitôt.
D’un pas rageur, il s’éloigna de ses amis en grommelant.
Au moins, il n’avait pas fini la gorge tranchée… Elle se
radoucissait, finalement.
Il ne mit pas longtemps à la rattraper mais resta cependant à
bonne distance de la jeune femme. Elle se trouvait à présent dans
un endroit grouillant de monde et poursuivait son petit tour des lieux avec
cependant, l’esprit ailleurs. Elle était même très
agitée.
Elle avait beau avoir perdu la mémoire c’était malgré
tout bien elle. La même façon de glisser une main dans ses cheveux,
signe évident de sa nervosité. Et son regard aussi, toujours en
mouvement, trahissait son trouble.
Ses paroles n’étaient donc pas restées sans effet. Peut-être
qu’à la prochaine entrevue, il pourrait espérer éviter
de se faire cogner dessus, songea-t-il, un brin cynique.
Depuis ce matin, rien n’allait. Sa blessure lui faisait un mal de chien
malgré les calmants qu’il prenait et Hulg, insensible à
son état, lui avait fait nettoyer quelques stalles de fond en comble.
Pour l’amour du ciel ! Il n’était pas payé pour jouer
les hommes d’écurie !... Et encore moins pour se faire passer à
tabac par son second !
Quoiqu’il en soit, il allait rapidement devoir trouver un moyen de faire
entendre raison à la jeune femme. Sa patience avait des limites et ce
coup de poing les lui avait définitivement fait atteindre ! Pressant le pas, il parvint à la rejoindre près des cuisines et
la tira avec brusquerie derrière un petit baraquement, à l’abri
des regards.
- Bon ça suffit maintenant ! Vous allez m’écouter !
La jeune femme tenta aussitôt de le frapper mais il para le coup et l’immobilisa
contre le mur.
- Vous ne m’aurez pas deux fois de suite ! dit-il, un sourire entendu.
Comme elle se calmait et que ses joues prenaient une étrange couleur
cramoisie, il la relâcha brusquement. Se coller à elle contre un
mur n’était pas vraiment très indiqué pour sa tranquillité
d’esprit.
- Ecoutez ! Vous êtes sous mes ordres mais ça n’implique
pas que vous soyez mon esclave. Je suis simplement votre supérieur hiérarchique
mais vous êtes libre de faire ce que vous voulez… Enfin… pas
tout à fait. Pas en mission, tout du moins mais…
Comme il s’enfonçait lamentablement dans ses explications, la jeune
femme croisa les bras devant elle, soulevant sa poitrine d’un geste dont
Jack eut bien du mal à faire abstraction.
Elle était vraiment magnifique dans cette robe… et ça ne
faciliterait pas ses explications laborieuses.
- Enfin bref, finit-il par conclure, préférant mettre un terme
rapidement à ses éclaircissements douteux. Vous n’êtes
pas mon esclave et vous êtes libre de faire ce que vous voulez.
Son air dubitatif lui fit perdre patience. Et son silence aussi.
- Pour l’amour du ciel ! Faites moi un peu confiance !
- Confiance ? répéta-t-elle brusquement avec une pointe d’ironie.
Comment voulez-vous que j’aie confiance en vous ! Je ne vous connais pas
et vous me regardez comme les autres !
Perplexe, Jack haussa les sourcils, levant les bras en signe d’incompréhension.
- Pardon ?
- Vous avez envie de moi, je le vois parfaitement ! s’exclama-t-elle en
le pointant du doigt.
A ces mots, il faillit s’étrangler. Perdant brusquement de sa superbe,
O’Neill recula de quelques pas, le cœur cognant à se rompre
dans sa poitrine. Il passa une main nerveuse sur sa nuque, maudissant son soudain
manque de réparti.
Il n’avait pas prévu que la perte de mémoire de Carter le
confronterait à ce genre de propos ! Ce genre de propos qu’il évitait
comme la peste, surtout lorsqu’il était question d’eux !
- Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez, finit-il par déclarer
de mauvaise foi.
- Oh je vous en prie ! Vous me dévorez des yeux !
- Je vous quoi ? bredouilla Jack, de plus en plus embarrassé.
La fuite… Il fallait qu’il fuie!
Sans rien rajouter, il battit lamentablement en retraite et s’extirpa
de leur cachette.
Comment allait-il se sortir de cette histoire ! songea-t-il en marchant à
vive allure comme s’il avait le feu aux fesses ! Peut-être devrait-il
laisser Daniel se charger de la convaincre ! Avec lui, tout se passerait bien.
Quelques secondes plus tard, il parvint à la grange où il avait
laissé ses amis en plan mais soupira en découvrant qu’ils
étaient partis.
- Je vous trouve bien lâche de fuir comme ça ! s’exclama
brusquement une voix derrière lui, le faisant sursauter.
Il n’avait même pas entendu Carter le suivre, tant il était
chamboulé par leur discussion !
Raaahhh ! Se maudissant copieusement, il ferma les yeux afin de se reprendre
et finalement, au bout de quelques secondes, il se rapprocha d’elle, la
mine fermée.
- Vous vous appelez Samantha Carter.
- Non ! Ce n’est pas mon nom !
O’Neill plissa aussitôt les yeux.
- Parce que vous vous souvenez de votre nom ?
- C’est l’une des seules choses que je me rappelle, en effet !
- Ok… grommela Jack, réfléchissant rapidement. Bon alors
peut-être… Elisabeth ! C’est votre second prénom !
La jeune femme croisa de nouveau les bras, amusée malgré elle
par le visage de cet homme soudain si transparent et un brin comique. Il semblait
tellement sincère…
- Non !
- Bon sang ! grogna-t-il tandis qu’il se détournait, très concentré.
Depuis tout à l’heure, le cœur de Jolinar ne semblait plus
vouloir ralentir. Elle se sentait totalement partagée. Une partie d’elle, sa raison, lui dictait de se méfier. Il était
comme les autres, la regardait avec cette même convoitise qui la répugnait.
Et pourtant… Elle devait admettre qu’il lui plaisait. Il y avait
quelque chose chez lui qui lui tiraillait le ventre, qui l’attirait terriblement.
Alors voilà ! Elle était parvenue à se débarrasser
de lui et n’avait pu s’empêcher de le suivre afin de poursuivre
leur discussion ! C’était totalement irrationnel !
- Je sais ! s’exclama-t-il alors en se tournant vers elle. Jolinar !
A ces mots, la jeune femme sursauta violemment, abasourdie.
- C’est ça, hein ! continua Jack avec plus d’assurance. Vous
vous souvenez de Jolinar ! Et vous vous souvenez peut-être de Martouf
! Un type aux yeux bleus délavés… Taille moyenne, poids
moyen… Assez quelconque.
Martouf… ça ressemblait beaucoup à Pantoufle… C’était
peut-être lui !
- L’homme dont je me souviens était tout sauf quelconque ! corrigea
cependant la jeune femme.
Jack haussa les épaules, la mine fermée.
- Oui, enfin ça… C’est une question de goût.
Jolinar l’observa un instant, en silence. Elle ne se souvenait pas du
nom de Martouf. En revanche, il lui avait décrit, certes succinctement,
l’homme qu’elle voyait parfois en flash. Cela dit, il aurait très
bien pu imaginer tout cela, espérant que ça corroborerait l’un
de ses souvenirs. Puisqu’elle avait les yeux bleus, il en avait simplement
déduit qu’elle devait connaître des hommes comme elle.
Il valait mieux qu’elle reste méfiante !
- Ce que vous me dites ne prouve rien. Vous avez très bien pu entendre
mon prénom dans la bouche du Seigneur Aldraban.
- Je n’ai pas le droit de rentrer dans le château ! Je vous dis
qu’on se connaît ! Nous sommes même amis !
A ces mots, Jolinar haussa les sourcils, encore plus perplexe.
- Nous deux ? Amis ?
- Oui.
- Alors ça, j’en doute sérieusement ! s’exclama-t-elle
aussitôt.
- Et pour quelle raison ? soupira Jack passablement fatigué.
- Parce que vu votre désir pour moi et… votre physique, il est
impossible qu’il y ait le moindre sentiment amical entre nous.
Un sourire amusé vint étirer les lèvres de la jeune femme
tandis qu’elle ajoutait :
- A moins que vous ne soyez impuissant !
Jolinar vit avec une pointe de satisfaction le visage de Jack se transformer.
- Eh oh ! se récria-t-il aussitôt, outragé. Absolument pas
! Cela dit… Vous aimez mon physique ?… enfin peu importe ! Ecoutez
! On se…
- Non, j’en ai suffisamment entendu, le coupa-t-elle en levant les mains.
Il commençait vraiment trop à la troubler. La lueur qui était
apparue dans ses yeux lorsqu’elle avait sous-entendu qu’il lui plaisait,
lui semblait dangereuse. Certes, jusqu’ici, il était resté
extrêmement correct… mais son regard, lui, parlait davantage que
ses actes.
Elle voulut s’écarter mais il la devança et lui barra le
passage. Jolinar redressa la tête, la mâchoire crispée.
- Vous savez que je peux vous mettre à terre en un tour de main ? dit-elle
avec assurance.
- Je sais. Mais ce que vous ne savez pas c’est que moi aussi, je le peux,
répondit-il, un sourire sur les lèvres.
Sans se démonter, la jeune femme leva brusquement la main mais Jack para
son coup avec aisance et parvint même à le retourner contre elle.
En effet, il tenait à présent son poignet serré dans sa
paume. Surprise, elle tenta une nouvelle attaque mais il la détourna
avec la même facilité, bloquant son autre poignet.
Ils étaient à présent l’un en face de l’autre,
si proche que Jack réalisa de suite l’inconvenance de la situation.
Cette soudaine proximité était vraiment trop pour lui. Ce n’était
pas ce qu’il avait recherché, vraiment pas. Mais cette petite bataille
l’avait ramené quelques jours auparavant, tous les deux en salle
de sport.
Elle lui manquait. Les « Mon Colonel » lui manquaient. Il détestait
la voir le regarder comme s’il était un parfait inconnu.
- Je vous connais par coeur, Carter. Je peux prévoir chacun de vos gestes,
murmura-t-il, cherchant vainement le moyen de se rappeler à elle.
- Vraiment ? répondit-elle sur le même ton. Et vous pouviez prévoir
ceci ?
…
PAF !
D’un mouvement vif de la tête, elle le frappa en plein visage, l’obligeant
à la lâcher dans un grognement de douleur. Déséquilibré
par le coup, les larmes aux yeux, Jack frotta aussitôt son nez endolori.
- Pour l’amour du ciel, Carter ! rugit-il alors, le regard mauvais. Je
vous jure que lorsque vous aurez retrouvé la mémoire vous vous
en mordrez les doigts !
Mais elle n’attendit pas la suite et courut se mettre à l’abri.
Il a vraiment la tête dure ! songea-t-elle en se massant le front.
************
Jolinar passa le reste du temps dans sa chambre à tenter de « le
» sortir de ses pensées, sans parvenir à comprendre pourquoi
elle songeait à « lui » encore et toujours.
Une couturière lui tînt cependant compagnie une bonne partie de
la journée et en fin d’après-midi, la jeune femme s’allongea
sur son lit, harassée. Elle s’assoupit rapidement et des images
vinrent aussitôt la hanter. Toujours cet homme au regard bleu, au sourire
doux et tendre… et des sentiments si forts, si envahissants… mélangés
à un sentiment profond de frustration.
Etait-ce des sentiments pour lui ? Pour cet homme au regard pâle ? Pour
cet homme… Ce… Ce…
« Martouf ! »
Elle se réveilla en sursaut, ce nom résonnant encore
dans son esprit.
« Martouf »
Le dénommé Jack O’Neill ne lui avait donc pas menti. Il
la connaissait ! Il la connaissait et voulait l’aider !
Son cœur s’emballa furieusement avant qu’une angoisse sourde
la prenne à la gorge.
Mais acceptera-t-il de l’aider après ce qu’elle lui avait
fait ? Elle l’avait presque tué… Enfin tué.. Pour
un homme presque mort, il semblait plutôt… alerte… songea-t-elle
tandis que son image s’imposait de nouveau à son esprit.
Désireuse de ne pas laisser ses pensées dévier vers des
émotions qu’elle ne parvenait pas à identifier ou même
contrôler, la jeune femme se leva et sortit de sa chambre.
La nuit venait de tomber et la lumière diffuse des torches donnait à
l’atmosphère un côté magique et inquiétant.
La cour était en partie vide et des rires gras mêlés au
raclement d’écuelles s’échappaient du bâtiment
qui faisait office de cantine. La plupart des hommes mangeaient et Jolinar rejoignit
facilement l’édifice juste en face, là où elle espérait
trouver Jack O’Neill. Hélas l’obscurité des lieux
la fit rapidement déchanter. Dans un soupir désespéré,
elle ressortit et longea les murs, prête à le chercher dans tout
le fort, s’il le fallait. Elle parvint finalement jusqu’aux écuries
et sa voix grave vint résonner délicieusement à son oreille.
Son cœur s’emballa aussitôt.
S’approchant à pas de velours, elle s’apprêtait à
pénétrer dans le bâtiment lorsqu’une masse sombre
et imposante lui barra le passage.
Elle sursauta violemment et son regard croisa celui plus noir que jamais du
grand homme à la peau basanée.
- Major Carter, salua-t-il cependant d’une voix douce.
Il s’inclina devant elle et un gentil sourire vint se dessiner sur ses
lèvres charnues. D’un geste de la main, il l’incita à
le suivre. Passablement inquiète, elle accepta de se laisser guider uniquement
parce qu’il semblait vouloir l’amener à celui qu’elle
désirait voir. Elle pénétra donc dans l’écurie.
- Pour l’amour du ciel, Daniel ! J’apprécierais que vous
évitiez d’en mettre sur mes bottes !
- Oups, Désolé… s’excusa platement le jeune homme
en jetant un œil par dessus le box qu’il était en train de
nettoyer.
Apercevant Teal’c du coin de l’oeil, il se redressa rapidement et
croisa le regard de la jeune femme.
- Sam ! s’exclama-t-il avec entrain.
A peine venait-il de prononcer ce nom que Jack se levait à son tour,
apparaissant de derrière une cloison. Il l’observa en silence et
Jolinar grimaça en découvrant sa lèvre fendue et le bleu
qui ornait son nez. Malgré tout, il était toujours aussi séduisant,
ne put-elle s’empêcher de noter.
- Que nous vaut l’honneur de votre visite, Jolinar de Malkshur ? demanda-t-il
légèrement grinçant.
Elle s’arrêta aussitôt, répétant dans sa tête
la totalité de ce nom.
Jolinar de Malkshur…
Plus de doutes, il la connaissait bel et bien.
- Je me souviens de Martouf.
O’Neill haussa négligemment un sourcil avant de reprendre sa fourche
en main. Il se remit au travail avec une ardeur renouvelée.
Martouf… Evidemment.
- Génial, on est ravi de le savoir. Vous m’excuserez si je ne saute
pas de joie.
Puis jetant un œil vers le Jaffa, il rajouta :
- Vous l’avez fouillée au moins, Teal’c ? J’ai pas envie
de finir en hachis parmentier !
- Je ne suis pas armée, Monsieur, répondit-elle, les mains nerveusement
serrées devant elle. Je voudrais vous parler, s’il vous plait.
- Eh bien allez-y, je vous écoute, grogna-t-il sans lâcher son
labeur des yeux.
Elle fixa les deux hommes qui ne semblaient pas vouloir la quitter du regard
et se racla la gorge.
- A vous seul, précisa-t-elle donc.
Jack soupira en se redressant. Il se tourna de nouveau vers elle et l’observa
d’un air méfiant. Elle mit dans ses yeux le plus de sincérité
possible et le vit s’adoucir peu à peu. Finalement il lâcha
sa fourche en grommela une chose que lui seul put entendre et s’approcha
de Daniel.
- Vous finirez pour moi, dit-il en lui tapant le dos.
- Eh !! s’exclama le jeune homme outré, observant le couple disparaître
à l’extérieur de l’écurie.
Il se tourna donc vers le Jaffa mais celui-ci haussa de suite un sourcil circonspect.
- N’y pensez même pas, Daniel Jackson !
*************
Ils se dirigèrent le plus discrètement possible vers la grange
en partie brûlée. Jack avait appris dans la journée que
tous la croyaient hantée. En effet, une vieille femme, « sorcière
» de profession, y avait trouvé la mort et depuis, personne n’osait
s’en approcher. Une véritable aubaine pour eux !
- Après vous, dit-il en s’effaçant pour la laisser entrer.
Elle se glissa à l’intérieur et se retourna tandis qu’il
refermait la porte derrière lui.
Le toit en partie éventré permettait aux rayons de la lune d’éclairer
d’une lueur douce l’intérieur de l’édifice.
Le cœur cognant à se rompre dans sa poitrine, elle tentait d’apercevoir
Jack qui restait obstinément près de la porte, dans le coin le
plus sombre de la grange. Elle percevait à peine sa haute silhouette,
si inquiétante alors et si désespérément…
masculine. Finalement, il fit quelques pas et son visage apparut enfin devant
elle, la lueur bleutée de la lune accentuant ses traits rudes et d’une
virilité troublante.
- Alors… ? demanda-t-il d’une voix douce, la faisant invariablement
trembler.
Comment pouvait-on désirer autant un homme qu’on venait à
peine de rencontrer ?
- Je vous crois, murmura-t-elle tentant de retrouver ses esprits. Je vous crois
lorsque vous dites que vous me connaissez.
Jack plissa des yeux.
- Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ? Martouf ?
- Oui… Je ne me souvenais pas de son nom et lorsqu’il s’est
imposé à moi dans mon sommeil, j’ai compris que vous ne
me mentiez pas.
Il acquiesça simplement, un soupir de soulagement s’échappant
de ses lèvres.
- Voilà qui va faciliter les choses. Je me voyais mal essayer de
vous sauver malgré vous.
Ils échangèrent un sourire et la jeune femme sentit son cœur
tressaillir.
- Bien… Et donc… Je m’appelle Samantha Carter, c’est
cela ?
- Oui.
- Pourquoi est-ce le nom de Jolinar qui m’est venu à l’esprit
en premier.
Jack grimaça en levant les bras.
- Eh bien… C’est assez compliqué. Vous avez pendant quelque
temps partagé votre corps avec une sorte de… d’extraterrestre
et son esprit s’est mélangé au votre. Vous avez hérité
de ses pensées et de ses souvenirs… Martouf était le compagnon
de Jolinar, crut-il bon de rajouter. Pas le vôtre.
Samantha se sentit troublée par ces propos. Pour un peu, elle l’aurait
cru jaloux.
- Un extraterrestre ? demanda-t-elle cependant, ne voulant pas s’appesantir
davantage.
- Oui, enfin… C’est vraiment compliqué… Mais bon. Moi,
ce que j’aimerai savoir c’est comment vous avez perdu la mémoire.
- Ça je le sais ! s’exclama-t-elle aussitôt. On m’a
drogué.
Jack fronça les sourcils, l’inquiétude se lisant sur son
visage.
- Une drogue ? Et c’est dangereux ?
- Non. Je devrais retrouver la mémoire dans quelques jours.
Il acquiesça aussitôt soulagé et un nouveau sourire se dessina
sur ses lèvres.
- Parfait ! Content de l’apprendre… Suffit juste de trouver un moyen
de vous sortir de là maintenant.
Samantha l’observa en silence. Depuis son réveil chez ce Nolan,
la peur ne l’avait pas quittée un seul instant. La crainte de ne
rien savoir sur elle, de n’avoir aucun repère, de devoir uniquement
se fier à elle l’avait épuisée psychologiquement.
Et voilà que cet homme arrivait et lui disait qu’il allait l’aider,
qu’il trouverait « un moyen de la sortir de là ». Rien
que sa présence lui faisait un bien fou.
- Nous nous connaissons depuis longtemps ? demanda-t-elle brusquement.
- Sept ans, lui répondit-il. Nous travaillons ensemble depuis sept ans
maintenant.
- Nous travaillons ensemble, répéta-t-elle en inclinant la tête
sur le côté. Et il n’y a jamais rien eu entre nous.
Elle le vit de suite grimacer d’embarras.
- Euh… Non. Nous sommes seulement des amis. Mais on a déjà
eu cette conversation, Carter. J’aimerais autant éviter qu’on
la reprenne.
- Pourquoi ? Je ne comprends pas.
Il soupira aussitôt et frotta nerveusement sa nuque.
- Parce qu’on ne parle jamais de ça… Et qu’il n’y
a rien à dire, conclut-il avant de s’éloigner.
Mais Samantha n’en avait pas fini… Elle le suivit et l’obligea
à se tourner vers elle.
- Je ne saisis pas. Je vous plais, je le vois bien. Et il est évident
que j’ai des sentiments pour vous.
Il se figea aussitôt, soudain plus immobile qu’une statue. Le cœur
de Jack s’était mis à battre des records de vitesse. Ses
joues s’empourprèrent violemment et il remercia le ciel de se trouver
dans l’obscurité de la nuit.
- Je croyais que vous aviez perdu la mémoire… parvint-il enfin
à murmurer.
- C’est vrai mais ce que je ressens pour vous, ça je m’en
souviens.
L’espace d’un instant, il voulut croire à ces propos et laissa
bêtement son imagination vagabonder allègrement mais il se reprit
très vite.
- Ce que vous ressentez sont les sentiments de Jolinar pour Martouf.
- Non, répondit-elle avec une assurance qui le surprit.
- Et qu’est-ce qui vous fait croire l’inverse ?
- La frustration.
Jack déglutit péniblement. Il savait qu’il aurait du depuis
un moment déjà mettre un terme à cette discussion surréaliste…
Et pourtant, il en était incapable. Ses pieds semblaient soudés
au sol et lui restait bêtement suspendu à ses lèvres. Il
avait rêvé un nombre incalculable de fois cette conversation. Il
l’avait espérée même il y a trois ans, en vain. Et
voilà…
Maintenant qu’il avait tiré un trait sur elle, ou du moins tenté
de tirer un trait sur elle, elle le replongeait dans les méandres d’un
amour impossible en lui balançant en pleine figure d’obscurs sentiments.
- Vous m’avez dit que Jolinar et Martouf formaient un couple ? rajouta-t-elle
tandis qu’il acquiesçait machinalement, hypnotisé. Alors
jamais elle n’aurait pu ressentir de la frustration pour lui. Mais Samantha
oui. Pour vous.
Elle s’arrêta quelques secondes en s’approchant un peu plus.
Si près… Trop, songea-t-il, incapable de bouger. Beaucoup trop.
- Ce que je ressens, les sentiments que j’éprouve sont pour vous.
C’est de vous que je me souviens. Uniquement de vous.
Jack eut la sensation étrange que son cœur allait exploser. C’était
sa voix, c’était son visage, c’était ses mots.
« Uniquement de vous »
Oui, c’était de lui et il en ressentit une fierté et une
joie indescriptible. De tous les hommes qu’elle connaissait, de toutes
les personnes qui avaient traversé sa vie c’était de lui
qu’elle se souvenait en premier.
Elle dut lire la satisfaction sur son visage car un sourire doux apparut sur
ses lèvres.
- Dites-moi ce qui nous empêche d’être ensemble ?
Jack redescendit aussitôt sur Terre.
- Le règlement… entre autre…
- Je ne comprends pas.
Il soupira et fit un geste agacé de la main.
- Deux soldats dans la même chaîne de commandement ne peuvent avoir
de relation.
Elle acquiesça avant de redresser la tête.
- Et vous suivez ce règlement à la lettre.
Il grimaça aussitôt avec embarras.
- Pas toujours non…
- Alors pourquoi cette règle-ci ?
Elle vit sa mâchoire se crisper, ses hésitations dans sa nervosité
soudaine… Mais, finalement, il leva son visage vers elle et plongea un
regard sombre dans le sien.
- Parce que ça ne dépend pas que de moi !
Et sans attendre sa réponse, il s’éloigna vers la porte
d’entrée.
- On fait un point demain à la même heure, ici, dit-il cependant
avant de sortir.
Il fit claquer le battant derrière lui, la laissant seule.
***
Jack s’éloigna d’un pas rageur. Il détestait se mettre
à nu et c’est ce qui venait d’arriver à l’instant.
Autant avoir un écriteau autour du cou « Ici homme désespéré,
raide dingue de son second ! »
Certes, le fait qu’elle soit amnésique rendait ça moins…
gênant, surtout qu’elle sous-entendait ressentir quelque chose pour
lui, mais… elle retrouverait inévitablement la mémoire et,
compte tenu de leur situation actuelle, rien ne pourrait être plus humiliant
pour lui.
Et pourtant…
Ce qu’elle lui avait dit, ces sentiments qu’elle semblait éprouver…
si seulement elle pouvait se les rappeler lorsqu’elle recouvrerait enfin
tous ses souvenirs.
- Si seulement, soupira-t-il, la gorge soudain serrée.
****************
Samantha rejoignit sa chambre dans un état second.
Elle ne pouvait pas se tromper. Ce qu’elle ressentait au plus profond
de son être, ces émotions brûlantes étaient pour lui,
Jack O’Neill… Alors pourquoi ? Pourquoi le refusait-elle, puisqu’il
n’attendait que cela ?
Elle avait beau chercher, elle ne comprenait pas. Mais peut-être pourrait-elle
remédier à cela maintenant. Tout lui semblait si limpide. Son
esprit pratiquement vierge lui faisait ressentir avec plus de force encore l’importance
d’aller vers lui. Cette frustration dévorante lui semblait plus
insupportable que jamais.
Peut-être que leurs vies les empêchaient d’être ensemble…
Sûrement même. Alors ne devait-elle pas profiter de cette perte
de mémoire momentanée qui finalement simplifiait tout… pour
elle tout du moins. Si elle l’aimait à ce point, qu’importait
le reste ? En sautant le pas avec lui, peut-être en prendrait-elle enfin
conscience.
Demain, elle tenterait sa chance. Demain…
Ce fut avec cette pensée qu’elle se coucha, un sourire sur
les lèvres.
*****************
Le lendemain, elle se leva avec entrain et s’habilla en toute hâte.
Comme les matins précédents, un plateau repas se trouvait sur
la commode. Samantha n’avait quasiment pas croisé Dame Elisée
depuis que son époux était parti. A croire qu’elle l’évitait.
Manger dans sa chambre était beaucoup plus pratique pour la jeune femme
mais montrait à quel point la maîtresse de maison désirait
l’ignorer un maximum.
Mais ça n’était pas pour déplaire à Samantha,
bien au contraire.
Ouvrant la fenêtre, elle se pencha par dessus la rambarde et observa les
hommes travailler dans la cour. Quelques minutes plus tard cependant, elle
la referma déçue. Il n’était pas là.
Sortant de la chambre d’un pas alerte, elle descendit jusqu’au rez-de-chaussée
mais s’arrêta dans son élan en entendant le babillage de
deux jeunes servantes. Elles parlaient d’un grand marché qui se
déroulerait dans quatre jours et qui attirerait les trois comtés
avoisinants. La présence de nombreux Seigneurs et de Dames de la noblesse
était le principal sujet de leur conversation mais tout ceci n’intéressait
que passablement Samantha. Elle avait juste besoin d’une petite information.
Sortant de l’ombre, elle s’approcha des servantes.
- S’il vous plait ?
Les deux femmes se retournèrent aussitôt comme prises en faute
mais retrouvèrent toute leur superbe en découvrant Samantha.
- Oui ? répondit l’une des servantes d’une voix dédaigneuse.
La jeune femme sentit aussitôt la moutarde lui monter au nez mais parvint
à garder son calme.
- Pourriez-vous me dire où aura lieu ce fameux marché ?
- … Dans la cour du château. Il devrait y avoir foule si le temps
est avec nous.
- Je vous remercie.
Et sans attendre, indifférente aux remarques désagréables
des deux femmes, elle sortit dans la cour.
Voilà une nouvelle plus qu’intéressante. Avec autant de
monde, difficile de contrôler le passage d’un si grand nombre de
personnes. Déguisée, elle pourrait parfaitement se fondre dans
la foule et sortir du château sans être découverte. Il fallait
absolument qu’elle voit Jack pour lui parler de ce plan… et d’autre
chose.
Elle le chercha quelques minutes dans la cour, en vain.
Un nombre toujours grandissant de gardes s’amassait aux abords du pont-levis
et l’espace d’un instant, elle crut que Aldraban était de
retour… Mais elle fut vite rassurée. Ils allaient simplement faire
le tour du fief, sous le commandement de Hulg.
Se dirigeant discrètement vers l’écurie où elle espérait
trouver Jack, elle fut bientôt percutée de plein fouet par un homme
de haute stature qu’elle ne mit pas longtemps à reconnaître.
Il passa aussitôt un bras autour de sa taille afin de l’empêcher
de tomber et la serra contre lui. Les mains de la jeune femme avait instinctivement
agrippé les pans de sa chemise et lorsqu’elle redressa la tête
vers lui, ils n’étaient qu’à quelques centimètres
seulement l’un de l’autre. Son regard brun accrocha un instant le
sien, avant de glisser vers ses lèvres. Le cœur de Samantha
s’emballa aussitôt, et ses doigts se crispèrent un peu plus
sur la chemise.
A peine eut-elle le temps de reprendre ses esprits qu’il s’écartait
d’elle, le visage indéchiffrable. Reprenant contenance, la jeune
femme remarqua qu’il tenait son cheval par la bride, prêt à
rejoindre l’attroupement dans la cour.
- Vous partez ? demanda-t-elle, le cœur lourd.
Jack fronça les sourcils et observa un instant son second, surpris par
son air bouleversé. Décidément, la voir si expressive et
surtout si attachée à sa personne n’était vraiment
pas, pour lui, le meilleur moyen de l’oublier…
- Oui, répondit-il simplement, en se détournant.
Elle se mordit la lèvre, les mains serrées devant elle.
- Je… J’avais quelque chose à vous dire.
Il eut aussitôt un geste d’agacement mais elle le rassura.
- J’ai trouvé le moyen de sortir d’ici.
Pour seule réponse, un appel retentit brusquement et Jack tourna la tête
vers l’attroupement. Ils partaient.
Dans un soupir, il passa la bride par dessus la tête de sa monture et
se hissa sur son dos avec souplesse. Ajustant ses étriers, il finit par
se tourner vers la jeune femme.
- Voyez ça avec Daniel. Je reviens dans la soirée. Il me fera
un rapport.
Et sans attendre, il talonna sa monture qui s’élança à
la suite des autres cavaliers.
************
Jack passa la journée à courir à droite à gauche
et éprouva un immense soulagement de pouvoir enfin sortir Carter de ses
pensées. Cette promenade était une bénédiction !
Depuis deux jours, elle était devenue beaucoup trop… dangereuse.
La notion de grade, de hiérarchie militaire ayant déserté
la jeune femme, chacun de ses gestes, chacun de ses regards avait revêtu
une signification évidente. Et ça… il n’arrivait absolument
pas à le gérer. Passer sept ans à ses côtés
avait été rendu supportable par la distance qu’eux-mêmes
avait pris soin d’instaurer. Mais cette transformation chez elle changeait
la donne. Il n’était plus protégé.
Et Dieu sait qu’il en avait besoin...
Plusieurs heures plus tard, lorsque Hulg décida enfin de rentrer, Jack
avait retrouvé tout son sang froid et, l’espérait-il, son
professionnalisme. Il avait pris la décision de laisser Daniel s’occuper
de Carter, du moins jusqu’à ce qu’elle ait de nouveau toute
sa tête. Même s’il pensait être redevenu comme avant,
il ne voulait prendre aucun risque.
Cette chevauchée forcée l’avait épuisé et
ce, dans le bon sens du terme. Il se sentait libéré de toute pensée
ambiguë et dangereuse. Il n’était plus que le Colonel O’Neill
et ça lui convenait parfaitement.
Talonnant sa monture, il fit les quelques mètres qui le séparaient
du château dans un galop tranquille et pénétra dans la cour
avant de tirer doucement sur les rênes pour stopper son cheval. Jetant
un œil autour de lui, Jack mit pied à terre en grimaçant.
Il n’était pas habitué à monter aussi longtemps et
son corps se rappelait douloureusement à lui, sans parler de sa blessure
au ventre. A croire que Hulg faisait exprès de lui imposer tout ça
!
Enfin… Au moins, il dormirait comme un bébé cette nuit…
Teal’c vint aussitôt le rejoindre et lui prit les brides des mains.
- Tout va bien, O’Neill ? demanda-t-il, une lueur d’inquiétude
dans le regard.
- Oui, oui… Ca tire un peu sur les coutures mais ça va.
Il fit quelques pas aux côtés du Jaffa avant de poursuivre.
- Hammond a appelé ?
- Oui, comme prévu, à 10h00 précise.
- Vous lui avez exposé l’idée de Carter ?
- Quelle idée, O’Neill ? demanda Teal’c en haussant un sourcil.
Jack s’arrêta aussitôt, une main ferme posée sur le
bras de son ami.
- Elle n’est pas allée voir Daniel pour lui parler ?
Teal’c se tourna vers lui, imperturbable.
- Non. Nous ne l’avons pas vue de la journée.
O’Neill ferma les yeux afin de calmer la colère qu’il sentait
enfler en lui.
- Et dire que je ne pourrais même pas lui passer un savon lorsque tout
sera rentré dans l’ordre, maugréa-t-il avant de se remettre
en marche.
Regardant sa montre, il contint difficilement un soupir en découvrant
l’heure déjà avancée. Le rendez-vous prévu
ce soir n’allait plus tarder… Comment allait-il se tirer de ce mauvais
pas… ?
************
Samantha se redressa brusquement sur son séant.
Enfin ! s’écria-t-elle intérieurement tandis que résonnaient
le bruit sourd des sabots sur la terre battue.
Elle avait attendu son retour toute la journée. Cela dit, il devait être
passablement fatigué après une telle équipée, elle
n’allait pas lui sauter dessus de suite.
La jeune femme savait parfaitement qu’il n’allait pas lui faciliter
la tâche, bien au contraire. Elle l’avait de suite compris le matin
même. Mais elle ne laisserait pas tomber. Il fallait au moins qu’ils
parlent.
Samantha ne savait pas très bien si la boisson qu’on lui avait
forcée à prendre était responsable des interminables siestes
qu’elle faisait dans la journée… mais elles avaient au moins
un avantage. A chacune d’entre elle, il lui revenait des images, parfois
floues mais bien présentes, preuve que sa mémoire lui serait bientôt
rendue. Mais pour l’heure, toutes étaient reliées à
Jack O’Neill. Absolument toutes. Il hantait littéralement son sommeil.
A croire que sa vie, son univers ne tournait qu’autour de lui.
Mais une chose était sûre, c’était sa frustration
qui ressortait le plus. En effet, la plupart de ses souvenirs se rapportait
à des sourires, des gestes, des accolades… des images volées.
Lui en train de dormir.
Lui en train de s’étirer.
Lui torse nu…
Lui et encore lui.
Elle pouvait à présent dire avec exactitude où se situaient
les cicatrices qui recouvraient par endroit sa peau délicieusement bronzée.
Bien que ses rêves restaient flous, elle voyait chaque détail de
son corps avec une précision étonnante. A croire qu’elle
avait fait volontairement travailler son esprit pour tout mémoriser…
Comment avait-elle pu supporter de vivre si longtemps avec ce sentiment de manque
alors qu’il semblait disposer à vivre quelque chose avec elle ?
C’était à n’y rien comprendre…
Au bout de quelques minutes, n’y tenant plus, elle prit un châle
qu’elle posa négligemment sur ses épaules et sortit afin
de rejoindre le lieu de rendez-vous. Une fois sur place, elle dut attendre encore de nombreuses minutes avant qu’un
pas étouffé ne lui parvienne. Déjà tendue, la jeune
femme sentit son cœur s’affoler violemment à l’idée
d’être de nouveau seule avec lui. Serrant ses mains nerveusement devant
elle, Samantha se tourna vers la porte à l’instant même où
celle-ci s’ouvrit.
- Sam ?
La déception fut telle qu’elle mit quelques instants à retrouver
ses esprits. Elle resta immobile, regardant le jeune homme s’avancer vers
elle, un sourire sur les lèvres.
- Vous allez bien ?
Déglutissant avec difficulté, elle acquiesça avant de lui
répondre.
- Que faites-vous là ? Où est Jack O’Neill ?
- Il était trop fatigué pour venir, expliqua-t-il négligemment,
inconscient du désespoir que ces mots provoquaient en elle. Il m’a
dit que vous aviez trouvé un moyen de partir d’ici ?
Elle mit quelques secondes avant de répondre.
- Oui… Mais je n’en parlerai qu’à lui, dit-elle avec
hauteur.
Daniel haussa les sourcils, surpris.
- Mais… Vous pouvez me faire confiance.
- Là n’est pas la question. C’est avec lui que je veux parler.
Je n’en démordrai pas.
Il observa la mine résolue de la jeune femme puis acquiesça à
son tour en haussant les épaules.
- Comme vous voulez. Je vais le chercher.
- Merci.
Et il sortit.
Samantha soupira, le souffle tremblant.
Son absence était-elle vraiment due à sa fatigue… ?
***
Jack s’étira et ramena ses deux mains sous sa tête. Allongé
sur sa paillasse de fortune, il ne pouvait s’empêcher de songer
à Carter avec une pointe de regret. Elle devait en ce moment même
s’entretenir avec Daniel et lui donner des précisions sur le moyen
de la sortir de là.
Il était satisfait d’avoir éviter une longue confrontation
avec elle mais une partie de lui semblait ne pas en être totalement heureux…
Et pour cause… Elle avait réveillé quelque chose en lui.
Quelque chose qu’il avait tenté d’enfouir bien profondément,
à défaut de pouvoir le détruire totalement.
- Fichu espoir… soupira-t-il avant de cacher ses yeux clos sous l’un
de ses avant bras.
Des pas vinrent le sortir de sa torpeur.
Il leva la tête et croisa le regard de Daniel.
- Alors ? demanda-t-il.
- Alors rien. Elle ne veut rien me dire. Vous allez devoir vous déplacer.
- Quoi ? s’exclama-t-il en s’asseyant.
Le docteur Jackson leva les bras d’impuissance.
- Elle ne doit pas me faire suffisamment confiance… Je sais pas.
Jack sentit une sourde appréhension lui enserrer le cœur.
Que cherchait-elle, exactement ? Pourquoi voulait-elle absolument le voir «
lui » ?
- Très bien, grogna-t-il en se levant. Mais vous venez avec moi.
Daniel haussa les sourcils, surpris.
- Euh… On parle de Sam, là… Vous avez peur de vous prendre
un autre coup de poing en pleine figure ?
- … Si seulement, répondit Jack, plus énigmatique que jamais.
Et sans rien rajouter, il fit signe à son ami de le suivre. Le jeune
homme ne se fit pas prier. Le comportement étrange des ces deux-là
avait exacerbé sa curiosité. Ils croisèrent le Jaffa à
l’extérieur, qui faisait le guet sans même qu’on le
lui ait demandé.
- Vous voulez Teal’c en renfort ? ne put s’empêcher de plaisanter
Daniel, ce qui lui valut aussitôt un regard noir.
- Un problème, O’Neill ?
- Non. Restez ici, lâcha-t-il sans s’arrêter.
Il fit les quelques mètres qui le séparaient de la grange avec
nervosité. Il avait parfaitement conscience qu’il était
ridicule de requérir la présence d’un tiers pour aller parler
avec son second, mais il n’avait plus confiance en lui. Le peu de sang
froid qu’il était parvenu à retrouver dans la journée
semblait s’être soudainement évanoui.
Il s’arrêta quelques secondes, la main sur le battant et ne se décida
à entrer qu’en percevant la question muette de Daniel qui commençait
à s’impatienter.
Alors dans un soupir, il repoussa la porte et pénétra dans la
grange.
Samantha leva la tête.
Son cœur s’affola aussitôt en croisant le regard sombre de
Jack mais ses yeux furent brusquement attirés par un mouvement derrière
lui.
Il n’était pas venu seul…
Serrant les dents, elle se redressa vaillamment.
- Alors ? demanda Jack sans préambule, décidé d’en
finir au plus vite.
Il s’arrêta à quelques mètres d’elle et soupira
avec agacement lorsqu’il voulu mettre ses mains dans ses poches et que
celles-ci ne rencontrèrent que du vide. Il n’arrivait pas à
s’habituer à son accoutrement. A défaut, il croisa les bras
sur son torse, la mine sombre.
- Je souhaiterais vous parler seule à seul, répondit la jeune
femme, apparemment peu intimidée.
La mâchoire de Jack se crispa et il contint difficilement une envie de
secouer violemment la jeune femme pour la contraindre à parler.
- Pour l’amour du ciel, Carter ! Je suis crevé et j’aimerais
vraiment aller me coucher !
- Eh bien vous savez ce qu’il vous reste à faire, répliqua-t-elle
du tac au tac.
A ces mots, O’Neill passa une main lasse sur son visage, s’imposant
des gestes lents afin de ne pas montrer le trouble que cette situation engendrait
en lui. Compte tenu de l’obstination inébranlable de la jeune femme,
il allait évidemment devoir céder.
- Vous voulez qu’on vous sorte de là ou pas ? grogna Jack, désireux
de ne pas abandonner de suite.
- … Dans le pire des cas, je devrais être capable de le faire toute
seule.
Il soupira de nouveau.
Pour un peu, il l’aurait planté là : « Eh bien faite
! On se rejoint à la Porte ! »… Mais… Tout ça
n’était pas un jeu. Il y avait un risque réel. Jetant un
regard noir vers Carter, il finit par se tourner à contre cœur vers
Daniel :
- Vous pouvez y aller.
Depuis le début de ce curieux échange, le jeune homme observait
ses deux compagnons avec intérêt. Jamais il n’avait vu une
telle tension entre eux. Il hésita un instant à sortir et laisser
Sam seule avec Jack. Il avait vraiment l’air remonté. La pauvre
allait vite comprendre qu’il valait mieux éviter d’imposer
quoique ce soit à leur ami lorsqu’il était de mauvaise humeur.
Haussant finalement les épaules, Daniel finit par se retourner.
- Vous savez où me trouver…
Et quelques secondes, la porte se refermait sur lui.
Un silence pesant s’instaura entre eux tandis qu’ils se jaugeaient,
lui d’un œil mauvais et elle d’un regard plein d’assurance.
Il finit par lâcher une exclamation étouffée et écarta
les bras.
- Alors ?! On est seuls maintenant !
Samantha acquiesça et Jack sentit son estomac se crisper lorsqu’il
perçut le tremblement de ce simple geste. Ainsi donc, elle n’avait
fait que feindre son assurance. A cette pensée, la logique aurait
voulu qu’il se sente en position de force… mais bien au contraire.
La voir troublée était bien loin de le rassurer.
- J’ai entendu des servantes parler d’un marché qui aura
lieu dans la cour du château dans quatre jours. Plusieurs comtés
vont venir jusqu’ici pour l’occasion. Autant dire qu’il y
aura foule…
Jack l’écouta attentivement et se détendit un peu. Parler
boulot. Voilà qui le rassurait.
- S’il y a autant de monde que ça, nous pourrons nous fondre dans
le décor plus facilement, approuva-t-il aussitôt. Il faudra juste
vous trouver des vêtements d’homme. Habillée comme ça,
vous n’irez pas très loin…
- Oui, c’est pour ça que j’ai besoin de vous. Je ne vois
pas trop comment je pourrais me procurer ces habits.
O’Neill acquiesça, l’esprit ailleurs.
- Je suis surpris de ne pas avoir entendu parler de ce marché…
murmura-t-il en fronçant les sourcils.
- J’ai le sentiment que Hulg ne vous aime pas beaucoup. Peut-être
a-t-il donné des ordres pour que les autres gardes ne se mélangent
pas trop avec vous.
- … Oui… C’est possible… Il me cherche des poux depuis
que je suis ici.
Sa grimace lui valut un sourire et Jack le lui rendit machinalement avant de
se rembrunir.
- Il y a un truc qui me gêne… ça m’étonnerait
que Aldraban organise ce marché chez lui sans être là.
- J’y ai pensé aussi.
Jack frotta sa nuque douloureuse et fit quelques pas dans la grange.
Le problème, c’était qu’il n’avait aucun autre plan.
Le seul moyen de sortir du château était de passer par le pont-levis.
Or, chaque personne entrant et sortant était scrupuleusement fouillée.
De plus, tenter une sortie de front était du suicide. Même avec
leurs armes, ils ne pourraient jamais passer les remparts trop bien gardés.
Ils finiraient en moins de deux le corps transpercé de flèches.
Non, Carter avait trouvé le seul moyen de sortir de là sans trop
de risques. Si ce marché rassemblait tant de monde que ça, les
gardes ne pourraient jamais vérifier l’identité de tous.
Se faufiler parmi la foule serait un jeu d’enfant.
Le seul réel problème à ce plan était Aldraban.
- Vous savez quand il doit rentrer, exactement ? demanda-t-il en se tournant
vers la jeune femme.
- Non. Je sais qu’il devait s’absenter quelques jours mais personne
ne sait combien précisément.
Jack soupira sombrement.
- C’est trop risqué. On doit trouver autre chose. Il faut absolument
qu’on parte avant.
- Il n’y a pas d’autres moyens et vous le savez, sinon, nous serions
déjà dehors depuis longtemps, lui dit-elle en souriant, rassurante.
- Je crois que vous me surestimez. C’est vous qui avez les bonnes idées
d’habitude.
C’est à cet instant précis qu’il remarqua leur proximité.
Juste au moment où le sourire de la jeune femme lui semblait soudain
si… radieux.
Oui, ils étaient proches… Vraiment trop proches, songea-t-il avec,
cependant, l’incapacité de faire le moindre geste pour s’éloigner.
- Rappelez-moi pourquoi on ne peut pas être ensemble ? demanda-t-elle
brusquement d’une voix douce.
Jack sentit son cœur se figer avant de repartir à coups redoublés.
Le front brûlant, il mit quelques secondes avant de pouvoir esquisser
le plus petit mouvement. Il ferma finalement les yeux et serra les poings.
Comme il ne répondait pas, elle fit un pas vers lui et posa une main
légère sur son torse. Il sursauta aussitôt en s’écartant.
- Jack… commença-t-elle avant de se taire en croisant le regard
glacial de celui-ci.
- C’est « Mon Colonel » pour vous, Carter. Est-ce que c’est
clair ?
Mais au lieu de la faire reculer, ces paroles lui firent esquisser un sourire…
taquin.
- « Mon » Colonel ? répéta-t-elle en faisant un nouveau
pas dans sa direction.
Jack retint sa respiration, hypnotisé par ce visage si proche.
- J’ai rêvé de vous cette nuit… murmura-t-elle alors.
A ces mots, un gémissement s’échappa des lèvres serrées
d’ O’Neill.
- J’ai des images qui me reviennent sans arrêt, des sensations.
Nous nous sommes déjà embrassés, n’est-ce pas ?
Il fronça aussitôt les sourcils d’inquiétude lorsque le baiser de la boucle lui revint en mémoire. Mais il ne lui fallut
qu’un millième de seconde pour se remémorer les deux autres…
dans le vestiaire.
Il déglutit péniblement, le regard attiré par les lèvres
désespérément appétissantes de la jeune femme. A
cet instant précis, il se maudit de ne pas avoir perdu lui aussi la mémoire.
Au moins, il aurait eu une bonne excuse pour enfreindre le règlement.
- Ecoutez… Carter… Vous n’êtes pas vous-même.
Vous avez perdu la mémoire…
- Non, répondit-elle aussitôt avec fermeté. J’ai certes
oublié beaucoup de choses mais le principal, je m’en souviens.
Et le principal, c’est vous.
Jack serra un peu plus ses poings crispés. Comment devait-il réagir
à ça ? Que pouvait-il répondre alors que tout en lui n’aspirait
qu’à la croire.
- Ce n’est pas si simple…
- Au contraire. Ça l’est. Tout est tellement évident. Tout
m’apparaît si limpide. Je vous aime, c’est aussi simple que
ça.
Il était à présent plus figé qu’une statue,
les yeux exorbités, une légère sueur perlant sur son front.
Ces paroles résonnaient indéfiniment dans sa tête…
et leur signification aussi.
Son cœur se serra douloureusement.
Elle profita de cette immobilité pour faire un nouveau pas vers lui et
se retrouva si près qu’ils se frôlaient.
- Rien de ce que vous pourrez me dire ne changera ça...
Mais ce qu’elle lut alors dans son regard brun la fit se figer à
son tour.
De la douleur. C’était de la douleur qui brillait dans ses yeux.
Elle leva aussitôt une main vers son visage. Il ne bougea pas, ne se défila
pas mais sa voix résonna dans la grange.
- Ne faites pas ça… Vous le regretteriez plus tard.
Samantha hésita un instant avant de poser la paume de sa main sur sa
joue. Les muscles de sa mâchoire se crispèrent sous ses doigts.
- Alors dites-moi… murmura-t-elle, avançant son visage jusqu’au
sien.
Leurs souffles brûlants se mêlèrent, leurs regards étaient
ancrés l’un à l’autre. Ils se rapprochèrent
imperceptiblement et Jack se pencha vers elle sans même en prendre réellement
conscience.
- Dites-moi ce qui nous sépare… ? fit-elle dans un souffle.
Ces paroles nécessitaient une réponse… car réponse
il y avait. Mais il était trop tard. Beaucoup trop tard pour lui.
Il combla lentement la courte distance qui les séparait et caressa tendrement
les lèvres offertes de la jeune femme. Elle gémit contre sa bouche
mais il étouffa rapidement ce soupir en approfondissant leur baiser.
Samantha s’accrocha à sa chemise, l’attirant vers elle avec
force, enroulant sa nuque de ses bras, le serrant contre son corps. Elle sentit
ses larges mains glisser sur son dos frêle, descendre vers le creux de
ses reins tandis que sa langue forçait le barrage de ses lèvres.
Dieu seul savait qu’il n’avait pas prémédité
ce qui arrivait. Il s’était même battu comme un fou pour
l’en empêcher ; et pas seulement pendant ces quelques jours, mais
surtout durant ces sept longues années. Toutes ces nuits d’insomnie
à tourner en rond dans son lit. Toutes ces soirées passées
seul chez lui à faire la liste de ce qui les empêchait toujours
et encore d’être ensemble. Et toute en haut de cette liste, il y
avait un nom… : Samantha Carter.
Eh oui. Est-ce que ça n’était pas franchement hilarant !
La femme dans ses bras, celle-là même qui l’attirait vers
un lit de paille à la propreté douteuse était le seul rempart
à une relation qu’il espérait depuis sept interminables
années…
Enfin, le seul… Plus tout à fait, maintenant,
c’était vrai.
Alors comment expliquer ses propos si dissemblables à ses actes ? Pourquoi
agissait-elle d’ordinaire en parfait désaccord avec ses sentiments
?
Mais ces questions fondamentales qui auraient du l’interpeller et peut-être
même le faire réagir, n’avaient fait que l’effleurer.
Pour l’heure, rien d’autre ne comptait que la peau de Carter sous
ses lèvres, la courbe douce de son épaule sous sa paume…
Allongé sur elle, il fit glisser son bustier d’une main fiévreuse,
dévoilant la blancheur de sa gorge, dénudant sa poitrine au galbe
parfait. Dans un grognement sourd, il posa sa tête sur le cœur de
la jeune femme, frottant avec une douceur bouleversante son visage contre ses
seins tendus.
Samantha sentit des larmes embuer soudainement ses yeux. Les mains dans les
cheveux de son amant, elle le serra contre elle avec force.
Ce qu’elle ressentait était trop fort, beaucoup trop fort. Le désir
de « Lui » conjugué aux émotions bouleversantes que
chacun de ses gestes provoquait en elle lui donnaient la sensation d’étouffer.
Et pourtant, pour rien au monde, elle n’aurait voulu mettre un terme à
cette étreinte. Elle avait besoin de lui, elle avait toujours eu besoin
de lui. De cela, elle en était absolument certaine.
Lorsque les mains de Jack rejoignirent ses hanches, elle se cambra afin de lui
faciliter la tâche. Il fit glisser le tissu de sa robe, dénudant
totalement la jeune femme, déposant des baisers brûlants sur son
passage. Elle gémit de frustration lorsqu’il frôla son intimité
avant de descendre plus bas, caressant ses cuisses, ses mollets joliment galbés
pour enfin la libérer totalement.
Jack se redressa légèrement et étendit le vêtement
à côté de la jeune femme puis l’aida à s’y
installer. Samantha sentait peser sur elle son regard dévorant à
chacun de ses gestes et lorsqu’elle fut de nouveau allongée, il
la recouvrit de son propre corps, fondant sur ses lèvres avec une ardeur
décuplée. Ses mains brûlantes ne cessaient de parcourir
chaque parcelle de sa peau, attisant toujours plus son désir.
Alors, les doigts tremblants, elle tira sur la chemise de Jack, l’incitant
à l’ôter implicitement. Il ne se fit pas prier et arracha
plus qu’il ne retira le vêtement qui s’envola dans la pièce.
L’odeur virile de sa peau emplit l’air, troublant un peu plus la
jeune femme. Attirée par ce délicieux parfum, elle posa ses lèvres
sur son torse ferme, redessinant la courbe anguleuse de ses muscles, savourant
le goût de sa chair… et lorsqu’il gémit, ce son rauque
provoqua en elle le désir fou de le sentir.
- Jack… supplia-t-elle en glissant une main fébrile sur son ceinturon.
Repoussant doucement la jeune femme, il se chargea lui-même d’ôter
ses derniers habits et quelques secondes plus tard, il était nu à
son tour, pesant de tout son poids sur elle, l’incitant à s’ouvrir
à lui. Haletante, elle se cambra, les joues brûlantes, prête
à le recevoir enfin… lorsque sa voix grave résonna à
son oreille :
- Dis le moi encore…
Pantelante de désir, elle mit quelques secondes à reprendre ses
esprits.
- … Te dire quoi ? soupira-t-elle tandis qu’il se pressait un peu
plus contre elle.
- Que tu m’aimes.
Samantha gémit sous la pression toujours grandissante de ses reins contre
les siens. Elle posa cependant une main sur la joue de son amant et caressa
tendrement sa peau.
- Je t’aime, Jack.
Celui-ci resta figé quelques secondes, écoutant les battements
assourdissant de son propre cœur… puis il posa ses lèvres
sur celles de la jeune femme dans un baiser d’une douceur extrême.
Alors seulement, il plongea en elle, leur arrachant à tous deux un long
gémissement de plaisir, avant de se mouvoir au rythme de leur simple
envie.
Pendant d’interminables minutes, leurs mains se nourrirent inlassablement
de l’autre dans une danse érotique parfaite. Le mouvement de leurs
deux corps faisait écho à leur soif insatiable, à cette
volonté brûlante de rattraper ces sept années passées
à s’observer de loin, à se désirer secrètement…
Des vagues de plaisir de plus en plus puissantes déferlaient en eux,
les incitant à s’étreindre avec toujours plus de passion,
à s’embrasser, à se caresser avec une fièvre particulière
jusqu’à atteindre enfin le point de non retour. Bientôt leurs
cris de jouissance résonnèrent dans la grange abandonnée,
les libérant de cette attente insoutenable, avant de s’éteindre
peu à peu, laissant place à un silence apaisant.
***
- Qu’est-ce qui vous tourmente, Daniel Jackson ?
Le jeune homme redressa la tête et sourit à son ami.
- Ca fait longtemps que je les ai laissé… Si vous aviez vu Jack…
Je ferais peut-être mieux d’aller voir.
- Je vous le déconseille.
- Pourquoi ? demanda Daniel surpris.
Mais le Jaffa ne répondit pas. Haussant les épaules, n’en
faisant toujours qu’à sa tête, le jeune homme se leva et
marcha d’un pas vif jusqu’à la grange abandonnée.
Il ne savait pas trop s’il devait s’inquiéter pour Sam ou
au contraire pour Jack. Après tout, elle avait bien failli le tuer !
Il fit les derniers pas qui le séparaient du bâtiment avec une
légère appréhension.
- Tu es ridicule, maugréa-t-il cependant en s’arrêtant devant
la porte.
Mais posant la main sur la poignée, il se figea brusquement.
L’espace d’un instant, il avait cru entendre un long gémissement...
Il écouta encore quelques secondes mais ne perçut plus que du
silence. Et pourtant, il n’avait pas rêvé…
Le cœur cognant plus vite, il repoussa le plus silencieusement possible
le battant et passa la tête à l’intérieur de la grange.
La pénombre lui rendait la tâche difficile mais il perçut
de suite la silhouette unique d’un couple allongé sur la paille
à plusieurs mètres de lui.
Encore incapable de croire qu’il s’agissait de ses amis, il attendit
que l’homme se redresse légèrement et reconnut sans peine
le large dos de Jack. Bouche bée, il se recula aussitôt et referma
doucement la porte.
Immobile devant l’édifice, il lui fallut plusieurs secondes pour
assimiler l’information.
Jack et Sam… Jack et Sam…
Non pas qu’il ne l’ait jamais espéré mais… pas
dans ces conditions… pas comme ça, alors qu’elle n’était
pas consciente de tout ce que cela impliquait…
Encore incapable de savoir si ce qu’il venait de découvrir était
une bonne ou une mauvaise chose, Daniel s’éloigna d’un pas
lourd, absorbé par ses pensées.
*********
Jack resta un long moment sur elle, le visage niché dans le cou de la
jeune femme, attentif à leur respiration qui peu à peu retrouvait
un rythme normal. Lorsqu’il ouvrit les yeux, la peau de son cou gracile
l’attira comme un aimant. Dans une caresse légère, il la
frôla de ses lèvres, glissant doucement jusqu’à la
courbe douce de son épaule. Il l’entendit soupirer de plaisir et
paradoxalement, son malaise s’accentua.
En effet, à peine avait-il repris ses esprits qu’une sourde appréhension
avait remplacé le désir toujours plus grand que leur étreinte
avait fait naître en lui.
La peur… non. L’angoisse… L’angoisse lui broyait les
entrailles.
Désireux d’atténuer la douleur, il se redressa et croisa
le regard de la jeune femme. Si seulement il pouvait ressentir cette paix, ce
bien-être qui aurait du être également le sien. Si seulement…
Se détournant, il roula sur le côté, la libérant
de son poids mais la jeune femme le suivit et un bras vint bientôt encercler
son torse. Elle nicha sa tête dans le creux de son épaule et Jack
baissa son visage vers elle, humant le parfum de ses cheveux, glissant les doigts
dans ses boucles blondes.
Comment pourrait-il se passer d’elle maintenant ? Comment pourrait-il
supporter de la perdre ?
Son ventre se noua un peu plus, le faisant presque suffoquer. Elle se redressa
aussitôt sur un coude pour le regarder mais il détourna les yeux,
la mâchoire crispée.
- Qu’est-ce que tu as ? demanda-t-elle avec appréhension.
Jack s’écarta d’elle le plus doucement possible et se leva,
jetant un œil autour de lui à la recherche de ses vêtements.
- Tu regrettes, c’est ça ? insista-t-elle.
A ces mots, il se tourna vers elle et vit son regard glisser sur lui avec un
trouble évident. Mais il n’eut même pas la satisfaction de
se sentir flatté. Dans un soupir, il prit son caleçon et son pantalon
avant de s’en revêtir à la hâte.
S’il restait trop longtemps ici, nul doute qu’il aurait rapidement
des difficultés à partir.
- Dis quelque chose ! s’exclama-t-elle alors en se redressant à
son tour, remettant pudiquement sa robe devant elle.
Jack finit par se tourner complètement, sa chemise à la main.
Il hésita, ne sachant trop quoi répondre… Tout était
si compliqué…
- Je ne sais pas… J’imagine que des excuses ne serviront à
rien pour le moment.
Humiliée, elle lui tourna le dos et enfila sa robe d’une main tremblante.
Les yeux de Jack glissèrent sur le corps de la jeune femme et son cœur
se serra de nouveau devant une telle perfection. Une perfection qui ne lui appartenait
pas.
Lorsqu’elle lui fit de nouveau face, elle croisa ses bras sur sa poitrine,
la mine fermée.
- Des excuses ? Je ne veux pas d’excuses.
- … Pour le moment, répéta-t-il simplement avant de revêtir
sa chemise.
- Je ne regrette pas, et ne le regretterai jamais.
Jack acquiesça, un sourire amer sur les lèvres.
- On en reparlera dans quelques jours.
- Tu n’as donc pas confiance en moi ? demanda-t-elle en s’approchant
de lui.
Il balaya ces propos d’un geste agacé de la main. Bien sûr
qu’il avait confiance en elle, là n’était pas la question.
- Je n’ai jamais réussi à vous comprendre, Carter…
C’est ça le problème.
- Ah.
Le retour au vouvoiement l’avait apparemment ébranlée.
Jack se maudit aussitôt. La dernière chose qu’il voulait
était la blesser. Il en avait assez fait comme ça.
- Ecoutez… soupira-t-il avant de se reprendre... Ecoute. Je pense qu’on
devrait mettre tout ça de côté, le temps que tu retrouves
complètement la mémoire.
Samantha resta silencieuse. Elle se tenait devant lui droite et immobile, le
visage d’une pâleur inquiétante. Il sentit son cœur
se serrer devant la tristesse et la soudaine fragilité qui se dégageait
de tout son être… Elle semblait prête à tout accepter
pour lui.
Oh et puis merde ! Pourquoi ne profiterait-il pas de ces instants que la providence
lui avait offerts. Le mal était fait après tout. Maintenant, plus
rien ne pourrait effacer ce qui s’était passé… Et
franchement… tout plutôt que voir la peine assombrir ce visage-là,
songea-t-il en levant une main vers elle, caressant doucement sa joue.
Elle ferma les yeux et Jack crut un instant voir des larmes briller sous ses
longs cils. Dans un grognement sourd, il attira la jeune femme à lui
et elle vint aussitôt se nicher dans ses bras. Il la serra contre lui
alors que ses lèvres s’ouvraient déjà pour lui dire…
lui expliquer pourquoi ils ne pouvaient continuer comme ça… Mais
sa gorge était si nouée qu’aucun son ne franchit sa bouche.
Alors il se tut. Et il se détesta pour ça.
Longtemps.
Allongé sur son lit de camps, dans l’obscurité de la salle
qui lui faisait office de chambre, il gardait les yeux grands ouverts…
l’image de Sam flottant devant lui.
- Je t’attendrai ici, demain. Si tu peux, rejoins-moi, avait-elle murmuré
à son oreille avant qu’il ne s’écarte pour partir.
Et il n’avait rien dit. Encore une fois.
Il n’avait pas pu lui dire qu’ils devaient arrêter…
Il n’avait pas pu lui dire qu’en temps normal, elle se serait refusée
à lui… Il s’était tu parce qu’il avait eu peur
de la perdre, peur de ne plus jamais revivre ça. Il savait pourtant qu’il
ne faisait que retarder l’inévitable et que les choses seraient
bien pires s’ils poursuivaient cette liaison. Pires et beaucoup plus impardonnables
que d’avoir perdu la tête lors d’une seule et unique fois.
Et pourtant il ne se sentait pas la force de la repousser. Même l’idée
de sa colère et de sa déception ne parvenait pas à lui
ôter le désir de la revoir. Même ça… Il voulait
la tenir encore dans ses bras avec l’envoûtante sensation d’être
aimé d’elle. Juste revivre ça, encore une fois. Cette illusion
merveilleuse d’être à elle… et elle à lui.
A lui… et pas à « l’autre ».
***********
Daniel entendit son soupir résonner dans la salle mais se retint de
lui parler. Plus il pensait et repensait à la situation, et plus l’appréhension
le prenait à la gorge.
Comment Jack avait-il pu faire ça ? Comment et surtout pourquoi ? Pourquoi
maintenant ?
Elle avait enfin trouvé un certain équilibre auprès de
Peter Shanahan et voilà qu’il venait tout chambouler.
Bien sûr, en temps normal, il aurait été le premier à
sauter de joie de les voir, Jack et elle, ensemble… mais là, non.
Elle n’était plus elle-même, bon sang ! Comment avait-il
pu l’oublier !?
Evidemment, il connaissait suffisamment Jack pour savoir qu’il n’était
certainement pas le seul fautif et qu’il avait dû lutter comme un
forcené pour éviter ça… En y réfléchissant,
il comprenait mieux la réticence de son ami à aller voir Sam.
Il savait qu’il risquait de déraper. Et c’était ce qui était
arrivé.
Mais après… ?
Comment réagirait-elle en recouvrant la mémoire ?
Fermant les yeux, Daniel se retint de soupirer à son tour. Il n’osait
imaginer les tensions que cette situation allait engendrer entre ses deux amis…
et les voir malheureux allait lui être insupportable.
Finalement, il aurait mieux fait d’écouter la voix de la sagesse…
celle de Teal’c en l’occurrence… et de rester sagement à
attendre Jack sans bouger.
Foutue curiosité !
****************
La journée, Jack la passa en s’abrutissant de travail. Il était
volontaire pour la moindre corvée, désireux de chasser son second
de ses pensées. Désireux d’oublier qu’elle l’attendait,
seule dans cette grange isolée. Il sentait le regard de ses deux
amis peser sur lui avec une gravité inquiétante mais aucun ne
vint lui poser la moindre question… Même pas Daniel, ce qui n’en
était que plus inquiétant encore.
Il n’avait pas croisé la jeune femme de la journée et ne
savait même pas si elle était encore là-bas. Teal’c
l’avait vu passer le matin même en direction de la grange…
Et il faisait maintenant presque nuit...
Epuisé physiquement et moralement, Jack se laissa glisser lourdement
contre le mur de l’écurie. Fermant les yeux, des images s’insinuèrent
aussitôt dans son esprit. Des images qu’il avait tenté de
repousser encore et encore avec succès… jusqu’ici. Mais cette
fois-ci il n’eut pas la force de les chasser.
Carter… Carter.
Il passa une main lasse sur son visage et ne releva la tête que lorsqu’il
perçut une ombre à travers ses paupières closes. Ouvrant
les yeux, il croisa le regard de Daniel et ne réussit même pas
à donner le change. Mais curieusement le jeune homme ne dit rien et lui
tendit une coupelle remplie d’eau. Jack le remercia en acquiesçant
et but une partie du contenu avec empressement, avant de s’asperger le
visage. Il rendit la coupe à son ami qui l’observait avec une douceur
suspecte et un silence inhabituel. O’Neill attendit qu’il prenne
la parole mais le jeune homme se contenta de lui sourire tristement avant de
s’éloigner.
Il sentit son cœur se serrer.
Il savait. Il savait forcément.
Honteux, Jack cacha son visage dans ses mains blessées par des heures
de labeur acharné. Comment parviendrait-il à gérer ça
? Comment parviendrait-il à gérer leur affection alors qu’il
se sentait si coupable. Coupable de ce qu’il avait fait. Et coupable de
ce qu’il s’apprêtait à faire.
Dans un soupir, il se releva et évita soigneusement le regard de ses
amis lorsqu’il passa près d’eux afin de rejoindre la jeune
femme.
Il voulait juste la voir. Juste la sentir contre lui. Etait-ce donc un crime
?
Jack s’arrêta cependant, la main posée sur la poignée
de la porte, l’appréhension de découvrir la grange vide
le clouant sur place. La bouche de nouveau sèche, il finit par repousser
le battant et entra.
Il la vit aussitôt, debout au centre de la pièce. Elle avait du
entendre ses pas.
Il referma machinalement la porte derrière lui, les yeux rivés
aux siens. Le regard de la jeune femme était si grave, si douloureusement
incertain. Comment avait-il pu la faire attendre si longtemps avant de venir
?
Il resta cependant incapable de parler pendant plusieurs longues secondes et
Samantha se contenta de le regarder, suspendue à ses lèvres.
Jack ferma les yeux, les poings crispés.
Juste la sentir…
Juste...
…
Il s’approcha doucement d’elle et la prit dans ses bras, cachant
son visage dans ses boucles blondes, la serrant contre lui avec une ardeur désespérée.
- Sam… gémit-il avant de la pousser lentement jusqu’à
ce lit de paille qui les avait accueillit la nuit dernière.
Il la fit basculer sous lui, sentant son cœur battre de nouveau sous ses
caresses et ses baisers. Et alors que ses pensées le ramenaient inlassablement
vers l’impossibilité d’une vie sans elle, il repoussa loin
de son esprit tout ce qui n’était pas elle.
Plus d’obstacles, plus de limites…
C’était à lui qu’elle faisait l’amour. C’était
à lui qu’elle soupirait des mots tendres. C’était
à lui qu’elle était. Enfin… et pour quelques précieuses
heures.
…
Lorsqu’il rouvrit les yeux, elle était encore devant lui, attendant
docilement qu’il décide pour eux.
- Carter. Je suis désolé mais hier soir était une erreur,
dit-il froidement, fermant son visage.
Il la vit vaciller et son cœur se déchira.
- Nous devons nous concentrer sur votre évasion, poursuivit-il cependant.
Le reste… n’a aucune importance. Demain je viendrai vous donner
les vêtements que Daniel a récupérés.
Et sans un mot de plus, il se détourna.
- Jack ! appela-t-elle aussitôt.
Le désespoir dans sa voix lui coupa le souffle. Il s’immobilisa
malgré lui, respirant avec difficulté tant son cœur lui faisait
mal.
- C’est « Mon Colonel » pour vous, Carter, dit-il sèchement.
Et il sortit.
*******************
A peine venait-il de partir que Samantha sortit à son tour. Trop de souvenirs
se rattachaient à ce lieu.
Elle rejoignit sa chambre dans un état second et s’effondra sur
le lit. Elle avait attendu toute la journée, déchirée entre
l’espoir et l’appréhension de ne pas le voir la rejoindre.
Jamais une journée ne lui avait parue aussi longue. Lorsqu’elle
avait enfin entendu son pas, elle s’était redressée, se
sentant comme un condamné attendant le verdict des jurés.
Et le verdict était tombé…
« Carter. Je suis désolé mais hier soir était une
erreur »
Samantha plongea son visage baigné de larmes dans l’oreiller de
plumes, étouffant des sanglots qui peu à peu la submergeaient.
Epuisée, elle se laissa finalement aller…
Demain serait un nouveau jour. Elle n'abandonnerait pas. Mais pour l’heure,
sa peine était beaucoup trop grande pour qu’elle parvienne à
la contenir.
Elle pleura une bonne partie de la nuit et finit par s’endormir, totalement
vidée.
Lorsqu’elle s’éveilla quelques heures plus tard, le soleil
était déjà haut et son petit déjeuner l’attendait
déjà sur la table de chevet. Incapable d’avaler quoi que
ce soit, elle se lava, se changea et finit par ouvrir la fenêtre. Elle
parcourut la cour du regard et le découvrit un peu plus loin, s’entraînant
au maniement des armes avec ses compagnons. Elle l’observa un long moment,
le cœur si lourd qu’il lui était douloureux de respirer.
Que voulait-il exactement ? Que lui cachait-il ? Pourquoi un comportement aussi
incohérent ?
Et le pire dans tout ça, était qu’elle avait la désagréable
impression qu’il faisait tout cela pour elle !
Fermant les yeux quelques secondes, elle finit par se détourner en soupirant.
Visiblement, il souhaitait attendre qu’elle retrouve la mémoire
et appréhendait même sa réaction. Et franchement, ce n’était
pas en la rejetant qu’elle allait lui pardonner ! Mais s’il tenait
à lui battre froid, elle n’allait pas jouer les femmes éplorées
! Ce n’était pas dans sa nature… Elle souffrait, certes,
mais rien n’était perdu. Lorsqu’elle aurait enfin retrouvé
la mémoire, elle lui ferait comprendre que ses hésitations étaient
ridicules. Une bonne fois pour toute !
************
Les jours suivants, les seules paroles qu’échangèrent Jack
et Sam furent d’ordre purement pratique. Ils s’organisèrent
afin de préparer l’évasion de la jeune femme et la veille
du marché, tout était prêt. Les marchands installaient déjà
leurs stands et la cour fut bientôt totalement occupée.
Dans la matinée, O’Neill fut contraint de suivre Hulg pour faire
de nouveau le tour du fief de Aldraban et ne revint qu’en soirée.
Il n’avait quasiment pas rencontré Carter pendant ces deux derniers
jours et il avait été soulagé de la voir accepter docilement
cette distance. Bien sûr, il avait parfaitement conscience qu’elle
lui en voulait.
Et ça ne faisait que commencer… soupira-t-il intérieurement.
Mais après tout, ce n’était pas ce qu’il appréhendait
le plus. Non. Il redoutait avant tout qu’elle retrouve la mémoire
au beau milieu de leur évasion. L’idée qu’elle puisse
risquer sa vie en étant troublée par sa trahison le terrifiait.
Car il l’avait bel et bien trahi. Il avait trahi sa confiance…
Demain, si tout se passait comme prévu, ils seraient de retour au SGC.
De retour chez eux. Et elle apprendrait qu’elle entretenait une relation
sérieuse avec un autre homme.
Lui, il n’avait pas même pas été foutu de le lui avouer.
Sa lâcheté le dégoûtait.
Serrant les dents, Jack lança sa monture et partit devant, indifférent
à l’appel désapprobateur de Hulg n’appréciant
visiblement pas se genre d’initiative. Mais quelle importance ? Il poussa
son cheval et passa en trombe le pont-levis avant de tirer sèchement
sur les rênes, la peur au ventre. A peine avait-il mis un pied par terre
que Daniel et Teal’c le rejoignirent.
- Quand est-il arrivé ? demanda Jack, d’une voix blanche, le regard
rivé sur la voiture du maître des lieux.
- Il y a deux heures environ, O’Neill.
- Et Carter ?
- Nous surveillons sa fenêtre depuis tout à l’heure mais
nous ne l’avons pas vue.
Jack acquiesça et tendit les rênes de son cheval à Daniel
qui, trop inquiet pour broncher, s’empressa de les lui prendre.
- Je vais voir. Préparez nos affaires au cas où.
- Très bien, répondit Teal’c sobrement avant de s’éloigner,
Jackson sur ses talons.
Jack traversa la cour d’un pas vif à l’instant même
où l’escorte de Hulg passait le pont-levis. Le bruit assourdissant
fit lever la tête d’O’Neill vers la fenêtre ouverte
de son second et quelques secondes plus tard, la jeune femme apparut, le
cherchant du regard. Soupirant intérieurement, il ralentit l’allure
et partit s’installer sur un petit muret à l’écart.
Au bout de quelques minutes, elle le trouva enfin et Jack haussa la tête
dans une question muette. Elle lui répondit de façon négative
avant de disparaître de nouveau à l’intérieur de sa
chambre.
Au bout d’un moment, Daniel et Teal’c le rejoignirent.
- Tout est prêt, O’Neill.
- Bien. J’ai vu Carter. Aldraban n’est pas encore venu la voir.
- Qu’allons-nous faire si jamais il tente quelque chose contre elle ?
demanda le Docteur Jackson avec inquiétude.
Jack resta silencieux un instant, sachant parfaitement ce qu’il ferait,
lui.
- Je m’en occuperais, répondit-il simplement.
*****************
Il faisait nuit depuis plus d’une heure, mais Jack n’avait toujours
pas bougé de son poste de surveillance. Teal’c et Daniel se relayaient
à ses côtés afin que sa présence continuelle ne devienne
pas suspecte. Il se trouvait en compagnie du Jaffa lorsque Sam réapparut
à la fenêtre. En contre-jour, il lui était impossible de
voir l’expression de son visage mais la tension qui se dégageait
du moindre de ses gestes suffit à Jack.
Elle n’était pas seule.
***
Samantha se retourna vivement et sentit l’appréhension la gagner.
Dès qu’elle avait compris qui était derrière sa porte,
elle s’était rapprochée de la fenêtre afin de prévenir
le Colonel O’Neill de la présence de Aldraban. Elle espérait
juste qu’il l’avait comprise.
Le maître des lieux pénétra sa chambre sans qu’elle
le lui ait autorisé et la jeune femme redressa la tête.
- Ma chère… salua-t-il, un sourire assuré sur les lèvres,
une lueur inquiétante dans le regard. Vous m’avez manqué.
J’avais hâte de vous revoir…
Samantha s’inclina légèrement devant lui mais ne répondit
pas. L’expression de Aldraban lui faisait froid dans le dos. Il était
arrivé depuis plus de cinq heures et elle avait été très
surprise qu’il ne la rejoigne pas plus tôt. Avait-il attendu Hulg
pour faire le point sur elle ?
- On m’a dit que vous étiez très solitaire et qu’on
ne vous avait vu parler qu’à quelques personnes seulement, confirma-t-il
involontairement.
Le ventre de la jeune femme se noua un peu plus.
- Toujours les mêmes personnes, poursuivit-il le regard soudain plus froid.
Ou plutôt, la même personne.
Elle silla à peine mais sentit son cœur se glacer. Elle se retourna
et jeta un œil dans la cour éclairée. Jack était toujours
là mais seul, la tête levée dans sa direction. Le mouvement
discret de plusieurs hommes à quelques mètres de lui retint brusquement
l’attention de Samantha. Cinq gardes lourdement armés s’approchaient
de sa position. Les mains crispées sur l’appui de la fenêtre,
elle ouvrit la bouche pour le prévenir mais il secoua doucement la tête
et se leva. Elle le regarda s’éloigner d’un pas tranquille
en direction des écuries et disparaître à l’intérieur.
- Je n’aime pas qu’on se moque de moi… susurra soudain une
voix à son oreille, la faisant sursauter.
Elle se retourna vivement et étouffa un cri lorsque la main de Aldraban
vint enserrer son cou. Elle agrippa aussitôt le poignet de son agresseur
afin de l’écarter mais sa poigne était beaucoup trop solide.
- Je ne comprends pas… ce que vous dites… parvint-elle à
bredouiller, le souffle court.
D’un geste brusque, il la repoussa vers le lit où elle s’effondra
en massant son cou endolori. Elle n’eut cependant que quelques secondes
de répit. Déjà il la couchait de force sous lui, son visage
à quelques centimètres du sien.
- On va voir si tu cries aussi fort sous mes caresses…
Pesant de tout son poids sur elle, il la força à lever son visage
vers lui et posa sa bouche sur la sienne. Elle tenta de le repousser mais il
était beaucoup trop lourd. Enfonçant ses ongles dans sa chair
pour le faire lâcher prise, il lui répondit en mordant violemment
sa lèvre inférieure, lui arrachant un gémissement de douleur.
Mais c’est à cet instant que son instinct reprit le dessus.
D’un mouvement vif, elle agrippa le visage de son agresseur et enfonça
ses pouces dans ses yeux clos. Il protesta en grognant et s’écarta
légèrement. Ce fut largement suffisant pour la jeune femme. Inclinant
la tête en arrière, elle la redressa prestement et le frappa violemment
au nez. Un cri de rage et de douleur s’échappa de sa gorge et il
roula sur le côté, tenant son visage ensanglanté entre ses
mains.
- Garce !! s’exclama-t-il tandis que Samantha se précipitait
vers la porte de sa chambre.
D’une main tremblante, elle l’ouvrit et tomba nez à nez avec
deux gardes à la mine patibulaire. Surprise, elle s’arrêta
et entendit la voix de Aldraban résonner dans son dos.
- Amenez-la moi !
Les deux hommes la saisirent aussitôt par le bras mais elle frappa violemment
le premier du poing, avant d’envoyer son pied dans les parties sensibles
de l’autre. Repoussant le corps massif des deux gardes, elle s’apprêtait
à passer lorsqu’une violente douleur à la tête la
fit s’effondrer. Quelques secondes plus tard, Aldraban la tirait sans
ménagement par le bras avant de l’allonger de nouveau sur le lit.
En partie assommée, elle eut l’impression que sa tête allait
exploser lorsqu’il la frappa en plein visage, et il lui fallut quelques
secondes pour comprendre que le bruit de tissu qu’on déchire était
celui de sa robe. Reprenant en parti ses esprits, elle tenta de le repousser
par des gestes dramatiquement faibles mais son poing s’abattit de nouveau
sur elle, annihilant toute possibilité de fuite.
- Sortez ! Laissez-moi seul avec elle, l’entendit-elle rugir à
ses gardes avant que la porte ne se referme sur eux.
***
Jack pénétra dans la grange et empoigna la fourche que lui tendait
un Teal’c lourdement armé. Se positionnant de l’autre côté
de la porte, ils s’abattirent tous deux sur les cinq hommes, ne leur laissant
aucune chance. Quelques secondes plus tard, croisant le regard de Hulg parmi
les victimes, O’Neill se pencha sur lui et le prit violemment au col.
- Qu’avez-vous dit à Aldraban ?!
L’homme de main se contenta de cracher par terre, le visage obstinément
fermé mais Jack sourit durement.
- Vous tenez vraiment à me mettre en colère ? demanda-t-il, frappant
brutalement la blessure de Hulg, lui arrachant un cri rapidement étouffé
par la main de Teal’c posée sur sa bouche.
Comme il ne répondait toujours pas, O’Neill recommença plusieurs
fois sans état d’âme jusqu’à ce que l’homme
secoue la tête, le visage luisant de sueur. Le Jaffa ôta légèrement
sa main afin de permettre à Hulg de parler.
- Je vous ai vus… grogna-t-il avec difficulté. Jolinar et vous
dans la grange maudite… Je le lui ai dit…
Jack serra les dents, la peur au ventre et cependant troublé par les
images envahissantes de cette fameuse journée... Il n’osait imaginer
la colère de Aldraban …
- Elle doit en ce moment même s’en mordre les doigts… reprit
Hulg, un sourire mauvais sur les lèvres.
Pour seule réponse, il reçut un violent coup de poing en plein
visage. Massant ses doigts endoloris, Jack se redressa et tira le corps inerte
de l’homme dans un coin de l’écurie avant de se charger des
quatre autres avec l’aide de Teal’c. Il était inutile de les attacher. Pour
ce qu’ils avaient à faire, ce n’était plus nécessaire.
- Que fait-on, O’Neill ? demanda finalement le jaffa, suivant son ami
qui se dirigeait déjà vers la sortie.
- Daniel et vous, vous sortez d’ici. Avec un peu de chance, les gardes
à l’entrée ne sont pas encore au courant que Aldraban veut
notre peau… déclara Jack, marchant d’un pas vif jusqu’à
leurs quartiers. Vous rejoignez la Porte des étoiles et prévenez
le Général de la situation.
Une main vint alors le stopper dans son élan, lui agrippant le bras afin
de le forcer à s’arrêter.
- Et vous ? demanda Teal’c, inquiet.
- Je vais chercher Carter.
Et d’un geste sec, il se libéra de la poigne de son ami.
- O’Neill, insista cependant le jaffa. Vous n’avez aucune chance.
- C’est un ordre, Teal’c.
Plantant son regard déterminé dans celui de son compagnon, Jack
lui fit ainsi comprendre qu’il ne changerait pas d’avis et le jaffa
du s’incliner.
Quelques secondes plus tard, ils étaient avec Daniel et rassemblaient
leurs affaires. O’Neill se changea, revêtit son treillis et gilet
par balle avant d’empoigner son P90. Teal’c lui tendit un Zat mais
il le refusa d’un geste.
- Si je ne m’en sors pas, je ne veux pas risquer que Aldraban l’utilise
n’importe comment.
Le jaffa acquiesça mais Daniel haussa les sourcils.
- Je pige pas, là… Et nous ?
- Vous, vous partez prévenir Hammond, ré-expliqua Jack, un brin
agacé.
Le jeune homme s’apprêtait à répondre mais il le fit
taire d’un regard noir et sans un mot de plus, il sortit, les deux hommes
sur ses talons.
O’Neill eut bien du mal à inciter Daniel à partir mais Teal’c
lui rappela sèchement que plus ils perdaient de temps, plus la vie du
Major Carter était en danger. Finalement, le docteur Jackson s’inclina
et les deux hommes passèrent le pont-levis, prétextant une visite
à la taverne du village.
La nuit était sombre et la faible lueur des lanternes cachait l’avancée
de Jack. Mais lorsqu’il parvint près du château, il dut finalement
se découvrir. Son but n’était pas de tuer mais d’arriver
à temps dans la chambre de Carter. Et ce, à n’importe quel
prix.
***
Samantha n’avait plus la force de repousser Aldraban. La douleur lancinante
de son crâne l’empêchait de réfléchir et le
goût métallique de son sang lui donnait la nausée. Il fallait
pourtant qu’elle l’arrête !
Lorsqu’il releva le pan de sa robe, introduisant une main entre ses cuisses,
elle fit glisser sa jambe entre les siennes et, rassemblant toutes ses forces,
envoya son genoux dans les parties intimes de son agresseur. Elle regarda avec
un plaisir non feint ses yeux soudain exorbités et d’une main molle
parvint à le faire rouler sur le côté. Elle se releva en
titubant, cherchant du regard de quoi l’assommer définitivement.
Elle ne savait pas exactement ce qu’elle ferait après mais pour
l’heure, elle devait se débarrasser de lui.
Les jambes faibles,
Samantha rejoignit la table de chevet et prit un vase entre ses mains mais fut
violemment projetée contre le mur par un Aldraban rendu furieux par sa
souffrance. Son dos heurta un meuble et la douleur la paralysa. Une plainte
s’échappa de sa gorge tandis qu’elle glissait au sol, réalisant
soudain qu’elle venait de perdre tout espoir de s’en sortir.
- Jack…murmura-t-elle avant de s’effondrée, à peine
consciente.
Elle sentit dans un état second le corps lourd de son agresseur peser
de nouveau de tout son poids sur elle, la colère rendant douloureux le
moindre de ses gestes. Cherchant à faire abstraction de ses mains viles, de sa sueur écœurante,
Samantha détourna la tête et ferma les yeux.
C’était un cauchemar… Ce qu’elle vivait depuis plusieurs
jours était un véritable cauchemar sans fin… Elle flottait
dans le noir complet, mis à part le souvenir toujours plus fort de cet
homme autour duquel toute sa vie semblait tourner. Ses idées restaient
floues bien que des images affluaient en elle comme à l’instant,
rendues plus précises par la violence des évènements. Des
images de guerre, de combats qu’elle aurait livrés. Elle perçut
alors au loin des cris et un son qui lui semblait étrangement familier.
Trop occupé à déchirer les restes de sa robe en poussant
des gémissements de bête affamée, Aldraban n’en tint
pas compte. Les bruits se rapprochaient pourtant, inexorablement, et Samantha
sut aussitôt qu’il s’agissait de « Lui ».
Au bout de quelques secondes, les hurlements toujours plus proches attirèrent
enfin l’attention du maître des lieux qui se redressa en sursautant.
Les tirs avaient cessés mais les cris résonnaient encore et encore.
Soudain, la porte s’ouvrit en grand, claquant violemment contre le mur.
Jack apparut sur le seuil, recouvert de sang, un couteau dans la main. Il avait
abandonné son P90 rendu inutilisable par le manque de balles et poursuivit
sa route avec comme seule arme son cran d’arrêt. Lorsque ses yeux
croisèrent ceux de la jeune femme, il fit un dernier pas vers elle, enregistrant
sa quasi-nudité et son regard empli de détresse.
- Carter… murmura-t-il… avant de s’effondrer lourdement au
sol.
Samantha retint son souffle, les yeux rivés sur le corps inanimé
de Jack. Plusieurs tâches sombres zébraient ses vêtements
d’où s’échappait son propre sang.
***
Daniel et Teal’c parvinrent rapidement aux abords du village. Afin d’éviter
les soupçons des gardes à l’entrée du château,
ils n’avaient pas pris de chevaux et rejoindre la Porte allait leur prendre
plusieurs heures.
- Daniel Jackson, intervint le Jaffa en attrapant le bras de son ami qui s’élançait
déjà sur la route.
Celui-ci s’arrêta en se retournant.
- Quoi ?
- Je vais y aller seul. J’irai beaucoup plus vite. Vous, restez ici, aux
abords du village. Le Colonel O’Neill parviendra peut-être à
les faire sortir d’ici.
Daniel lui répondit d’un regard dubitatif mais acquiesça
avant de partir se cacher dans les fourrés. Teal’c observa attentivement
les environs puis s’élança au pas de course dans la forêt
avoisinant le chemin de terre. Il ne voulait surtout pas risquer de tomber nez
à nez avec une patrouille...
***********************
Jack se réveilla avec la désagréable impression de se noyer…
Dans un geste machinal de survie, il se mit à tousser afin d’évacuer
l’eau de sa gorge et ouvrit péniblement les yeux. Son regard accrocha
aussitôt celui de Hulg qui tenait un seau maintenant vide entre ses mains
noueuses. Un sourire satisfait barrait son visage couvert d’ecchymoses.
Le corps de Jack se contracta aussitôt mais ses poignets et chevilles
enchaînés lui interdirent tout mouvement de protection. Il avait
les bras reliés au-dessus de sa tête et un dérangeant sentiment
de vulnérabilité le prit à la gorge. Il détestait
cela.
Serrant les dents, il observa attentivement sa cellule sombre et humide, ne
découvrant qu’une petite lucarne à sa gauche en plus de
la porte de sa geôle. Le reste n’était que murs de pierres
gris et suintants… Pour l’heure, seul Hulg se trouvait dans la pièce
avec lui et Jack sentit l’appréhension lui nouer l’estomac.
- Monseigneur ne va plus tarder… lui indiqua l’homme de main avec
satisfaction.
L’état des blessures qui recouvraient son corps lui apprit qu’il
ne s’était écoulé que peu de temps entre son intrusion
dans la chambre de Carter et son réveil, ce qui le rassura en partie.
Son but n’avait pas été de sortir la jeune femme de là.
Compte tenu du nombre de gardes à passer pour y parvenir, c’était
tout simplement impossible. Non… Il avait simplement voulu attirer l’attention
de Aldraban sur lui. Il n’avait donc pris qu’un seul chargeur et
vidé toutes ses munitions sur ce qui se mettait en travers de son chemin.
Son gilet par balles ne l’avait protégé qu’un moment
des représailles de ses ennemis mais il était tout de même
arrivé à temps. Du moins, c’était l’impression qu’il
avait eue…
La porte s’ouvrit quelques minutes plus tard faisant place au maître
des lieux. Son visage sombre était blessé, ce qui laissait sous-entendre
que Carter n’était pas restée inactive.
Il s’avança dans la pièce et s’arrêta à
quelques pas de lui, son P90 dans la main.
- Qui es-tu ?
- Colonel Jack O’Neill, Air Force, répondit-il avec froideur.
L’homme plissa les yeux, sans comprendre.
- Tu n’es pas de cette planète, n’est-ce pas ? Pourquoi es-tu
venu ici ?
Jack soupira.
Il avait soif, ses blessures saignaient et le faisaient souffrir… Il savait
que ça n’était pas très grave mais s’il perdait
trop de sang, ça pouvait rapidement le devenir. Autant lui répondre
avec honnêteté.
- Mon équipe et moi sommes de pacifiques explorateurs...
- Pacifiques ? Tu as pourtant tué plusieurs de mes gardes, rugit Aldraban
en levant le P90 d’un geste vif.
Cet éclat n’impressionna pourtant pas Jack.
- Vous reteniez l’un de mes hommes.
Le Seigneur fronça les sourcils, perplexe.
- De qui parles-tu ?
- Du Major Samantha Carter, dit-il avant de rajouter puisqu’il ne semblait
pas comprendre : Jolinar.
Abasourdi, Aldraban perdit un peu de son agressivité.
- Jolinar ? L’un de vos… hommes ? Mais c’est une femme !
- … qui se bât comme un homme et qui est dix fois plus intelligente
que vous et moi réunis…
Comme son geôlier restait coi, Jack poursuivit :
- Nous voulons juste rentrer chez nous tous les quatre. Relâchez-nous.
- J’ai acheté Jolinar.
- Elle n’était pas à vendre.
- Ce n’est pas comme ça que ça marche ici.
- Je m’en contre-fous. Libérez-nous !
- Sinon… ?
O’Neill ouvrit la bouche mais se retint à temps. Il y avait de
grandes chances qu’Hammond leur envoie du renfort et Jack n’avait
pas très envie de voir l’équipe de secours tomber dans une
embuscade.
- Nous ne vous obéirons jamais. « Elle » ne vous obéira
jamais.
Ces quelques mots rappelèrent à Aldraban la raison de ses griefs
envers lui.
- Parce qu’à toi, elle obéit, n’est-ce pas ?
Jack ne répondit pas. Il regrettait suffisamment comme ça ce qui
s’était passé entre Carter et lui. S’il n’y
avait rien eu, ils seraient peut-être sur le point de s’enfuir à
l’heure qu’il était…
Insensible aux remords de son prisonnier, Aldraban s’avança et,
du canon du P90, lui redressa la tête afin de plonger ses yeux dans les
siens.
- Jolinar est à moi et je vais te faire passer l’envie d’utiliser
ce qui m’appartient…
***
Samantha tournait en rond dans sa chambre depuis plusieurs heures déjà.
Ses maux de tête s’étaient apaisés d’eux-mêmes
et quelques hématomes étaient apparus sur son visage blême.
Sa robe étant partiellement déchirée, elle en avait revêtue
une autre dès que ses jambes l’avaient de nouveau portée.
Elle s’était ensuite effondrée sur le lit, attendant de
reprendre des forces, la peur au ventre.
Lorsqu’elle avait vu Jack à terre, elle n’avait rien pu faire,
trop assommée par la douleur. Aldraban s’était alors levé
et des gardes avait pris le Colonel par les bras afin de le sortir de la pièce.
Le gémissement qui s’était échappé de sa gorge
l’avait heureusement rassurée. Il était vivant… Mais
pour combien de temps…
La pâle lueur des premiers rayons du soleil vint bientôt éclairer
sa chambre et Samantha éteignit les chandelles devenues inutiles.
Il fallait qu’elle trouve un moyen de les sortir de là.
S’avançant vers la fenêtre, elle l’ouvrit et regarda
les plus courageux installer les produits de la vente sur leur étalage.
Le marché allait ouvrir dans quelques minutes et d’ici une heure
ou deux la cour grouillerait de monde.
Penchée sur la rambarde de bois, elle sursauta violemment lorsque la
porte de sa chambre s’ouvrit. Elle se retourna aussitôt et fut surprise
de découvrir une jeune servante, un plateau dans les mains avec son petit
déjeuner… Celle-ci l’observa du coin de l’œil
mais ne la salua pas. Après tout, Samantha n’était rien
d’autre qu’une esclave. Une servante avait au moins un semblant
de liberté et dans la hiérarchie, ce « détail »
avait son importance.
Jetant un œil sur la porte qui se refermait doucement, elle eut juste le
temps d’apercevoir un garde sur le seuil. Un seul…
Une chance à ne pas manquer !
S’avançant doucement vers la jeune femme qui déposait le
plateau sur sa table de chevet, elle attendit qu’elle se retourne pour
l’assommer violemment d’un coup de poing. Le bruit de sa chute attira
évidemment le garde mais Samantha avait déjà attrapé
une chaise et l’abattit sur l’homme dès qu’il franchit
le pas de la porte. Le bruit retentissant que fit cette attaque résonna
douloureusement à son oreille mais personne ne se déplaça
pour voir d’où il provenait. Le château était encore
en partie endormi.
Prenant les lambeaux de sa robe déchirée, elle en fit des lanières
solides et attacha ses deux victimes solidement avant de les bâillonner.
Puis, fouillant sous son matelas de plûmes, elle en ressortit les vêtements
d’homme que Jack lui avait donnés quelques jours auparavant. Une
fois habillée, un bonnet de laine grossière sur la tête
pour cacher ses boucles blondes, elle ouvrit la petite boîte qu’il
avait rajoutée à ce déguisement et prit entre ses doigts
les lentilles de contact marron. Lorsqu’elle se regarda dans le petit
miroir, c’était une autre personne… et pourtant. Son visage
était sans conteste trop féminin, sa peau trop blanche et laiteuse
malgré les hématomes… Jetant un œil désespéré
autour d’elle, elle finit par se rapprocher de la cheminée, prit
de la suie et se salit volontairement. Lorsqu’elle s’observa de
nouveau dans le miroir, un sourire satisfait éclaira son visage.
***
Jack soupira bruyamment en entendant enfin la porte de sa cellule se refermer
derrière son tortionnaire. Il y avait de nombreux moyens de torturer
une personne, plus ou moins sophistiqués et il avait craint le pire,
compte tenu de l’époque moyenâgeuse dans laquelle ils évoluaient.
Heureusement, Aldraban ne voulait visiblement pas sa mort. Du moins, pour le
moment. Il ne s’était donc pas fait éventré, ni écartelé…
Et juste avant le départ de ses geôliers, on lui avait même
donné un peu d’eau afin d’étancher sa soif. C’était
vraiment du quatre étoiles, ici.
Il avait bien vu la surprise du maître des lieux devant sa résistance.
Comment aurait-il pu deviner que son prisonnier était déjà
mort torturé près d’une trentaine de fois en sept ans ?
Le bruit d’un léger raclement attira soudain son attention. Il
redressa la tête avec difficulté et croisa le regard brun d’un
jeune homme à travers la petite lucarne. Il ne lui fallut bien sûr
qu’un millième de seconde pour comprendre son erreur.
- Carter…
- Colonel, soupira Samantha, les doigts soudés aux barreaux qui les séparaient.
L’ouverture dans le mur ne faisait que trente centimètres de hauteur
et seul le visage et les mains de la jeune femme couchée au sol étaient
visibles. Dans un geste désespéré compte tenu de l’épaisseur
impressionnante des barreaux, elle tenta d’en jauger la solidité
mais ne parvint même pas à les faire osciller.
- Allez-vous en, Carter, chuchota-t-il avec fermeté.
- Non ! répondit-elle sur le même ton. Je vais trouver un moyen
de vous sortir de là.
- Il n’y en a pas. Les cellules sont trop bien gardées. En plus,
votre disparition va vite être découverte. Vous devez partir maintenant
!
Mais elle secoua la tête, les sourcils froncés.
- Je refuse de vous laisser !
- Ecoutez, Carter ! Teal’c et Daniel sont dehors partis chercher des renforts.
Rejoignez les et vous reviendrez me récupérer plus tard, lorsque
vous aurez une chance. Pour l’instant, c’est impossible.
Il la sentit ébranlée et renforça ses propos par une tonitruant
:
- C’est un ordre, Major !
Il croisa son regard blessé mais elle finit par acquiescer docilement.
De cela aussi, elle commençait à se souvenir. Des ordres qu’elle
recevait de lui et de son obéissance. Cette notion de hiérarchie
lui était dorénavant familière.
- Je reviendrai, Colonel.
Jack se permit alors un sourire.
- Je sais.
***
Samantha se redressa avec précaution, le regard sans arrêt en mouvement.
Quelques minutes auparavant, lorsqu’elle était arrivée près
des cachots, elle avait vu Aldraban en ressortir, Hulg à ses côtés.
Bénissant ce départ, elle avait vérifié par chaque
lucarne les cellules avant de trouver celle où Jack était enfermée.
Le voir, ainsi attaché, la tête tombant mollement sur son torse
en partie dénudé et couverts d’ecchymoses l’avait
bouleversée. Il avait subi tout cela pour elle.
Revenant à la réalité, Samantha reporta son attention sur
le décor environnant. Elle devait partir tout de suite, le Colonel avait
raison. Aldraban n’allait pas tarder à découvrir sa fuite.
Essayant de se fondre dans le paysage, elle se faufila parmi les tonneaux et
caisses entreposés de ci de là et rejoignit d’un pas faussement
calme les abords du pont-levis.
Un nombre grandissant de villageois affluait en direction du château et
les vigiles ne les fouillaient plus que très sommairement. Personne ne
fit donc attention au jeune homme qui, à l’inverse de la plupart
des gens, sortait tranquillement de la forteresse. Lorsque le pont-levis fut
passé, Samantha pressa un peu plus le pas et fit les derniers mètres
qui la séparaient de l’entrée du village en courant. A peine
venait-elle de s’élancer sur le chemin de terre qu’une ombre
s’abattit sur elle.
- Sam !
La jeune femme réfréna un cri de surprise et le coup qu’elle
s’apprêtait à lancer en découvrant le docteur Jackson.
- Où est Jack ? demanda-t-il inquiet.
- Il a été fait prisonnier ! Il faut absolument le délivrer
!
Daniel acquiesça en la tirant cependant vers les fourrés pour
se remettre à l’abri.
- Teal’c est parti chercher du secours. Il ne devrait plus tarder. Espérons
qu’il ramènera plus qu’une équipe SG…
*****
Quelques dizaines de minutes après le départ de Carter, des voix
furieuses résonnèrent derrière la porte de sa cellule.
Jack se permit une grimace tandis qu’apparaissait un Aldraban blême
de rage.
- Où est-elle ?! rugit-il avant de s’arrêter à quelques
centimètres seulement de lui.
- Qui ça ? demanda O’Neill avec une outrecuidance évidente.
Il reçut aussitôt un violent coup de poing en plein visage le faisant
grimacer de nouveau, mais cette fois-ci de douleur.
- Où est-elle ?
- … Pas ici, visiblement…
Aldraban leva de nouveau son poing mais Jack s’empressa d’ajouter
avec agacement :
- Comment voulez-vous que je le sache ! Je suis enfermé ici depuis plusieurs
heures !
L’homme abaissa son bras, la rage défigurant son visage.
- Elle est à moi, vous entendez ! cracha-t-il avec colère.
- Oui, enfin… à première vue, elle est partie, répondit
Jack avec un sourire satisfait... et certainement loin à l’heure
qu’il est.
Le second coup ne fut pas une surprise. Il encaissa comme il put, sentant de
nouveau le goût métallique du sang dans sa bouche.
Du coin de l’œil, il vit Aldraban se tourner vers un Hulg stoïque.
- Préparez l’échafaud ! On verra s’il rira encore
lorsqu’on lui ouvrira le ventre !
Jack sentit l’angoisse vriller tout son corps mais il ne broncha pas,
le même sourire ironique sur les lèvres. Ce n’était
pas la première fois qu’on le menaçait de finir en petits
morceaux. Il espérait juste que ce n’était pas la dernière…
*****
Daniel et Samantha ne réalisèrent leur présence que lorsqu’ils
furent entièrement cernés. Dans un soupir de soulagement, le jeune
homme s’avança vers Teal’c accompagné de SG3 et 5
sous le commandement du Colonel Reynolds. Pas de doute, ils étaient très
forts dans l’art de s’infiltrer en milieu hostile.
Le jaffa inclina la tête vers ses deux amis avant de poser lourdement
par terre un sac aussi large que lui. Daniel avisa le lance roquette qu’un
sergent portait en bandoulière. Hammond avait apparemment déclaré
la guerre à Lord Aldraban…
- Major Carter, quelle est la situation ? demanda Reynolds en s’avançant
vers elle.
La jeune femme fronça les sourcils mais les mots franchirent tous seuls
le barrage de ses lèvres.
- Le Colonel O’Neill est retenu dans un cachot aux abords du château…
Elle poursuivit d’un ton atone, décrivant avec moult détails
les lieux et le nombre d’ennemis. Teal’c et Daniel la regardèrent
faire avec un sourire soulagé sur le visage. Ils auraient besoin de toutes
les compétences de Sam pour faire sortir Jack de là.
Finalement, au bout de quelques minutes, Teal’c ouvrit son sac et donna
des vêtements réglementaires à ses deux compagnons. Une
fois habillés, la jeune femme prit le P90 qu’on lui tendait puis
d’un geste habile emboîta le chargeur et ôta le cran de sûreté
avant de redresser la tête, troublée. Ses souvenirs affluaient
en elle avec une rapidité déconcertante. Peut-être était-ce
du à l’imminence du danger ou simplement à la drogue qui
ne faisait quasiment plus effet ? Quoiqu’il en soit, ses réflexes
retrouvés, son instinct militaire de nouveau opérationnel, elle
avait à présent tout en main pour aider efficacement le Colonel
à s’échapper.
Une cloche se mit alors à retentir, faisant se tourner vers le château
les onze terriens. Il n’était pas encore midi et Samantha fronça
les sourcils, inquiète.
- Ce n’est pas normal.
A peine venait-elle de murmurer cela que les hommes travaillant aux champs arrêtèrent
toute activité et se dirigèrent avec entrain vers le château.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda Reynolds.
- Je n’en ai pas la moindre idée.
D’un geste autoritaire, le Colonel incita tout le monde à se taire
et s’avança seul vers le chemin. Quelques secondes plus tard, il
revint vers eux, tenant fermement par le bras un villageois terrorisé.
- Que se passe-t-il ? demanda de nouveau Reynolds en le faisant tomber à
ses pieds afin de l’intimider un maximum. Pourquoi vous dirigez-vous
tous vers le château ?
- … Les cloches… C'est un appel au spectacle.
- Au spectacle ? répéta Daniel sans oser comprendre. Comment cela
?
- Une exécution.
Un silence significatif se fit aussitôt puis Teal’c prit
la parole.
- Quand cela doit-il avoir lieu ?
- Dans quelques minutes... Comme ce n’était pas prévu, ils
vont certainement faire ça rapidement…
Sans en attendre davantage, Reynolds se tourna vers l’un de ses hommes
en désignant le prisonnier.
- Attachez-le solidement et n’oubliez pas de le bâillonner. On attend
que les villageois soient tous parvenus jusqu’au château et on attaque.
- Il y a beaucoup de personnes innocentes parmi la foule, Colonel, intervint
Daniel.
L’homme se tourna vers l’archéologue, le regard froid.
- Eh bien nous éviterons d’arroser à tout va. Mais ma mission,
Docteur Jackson, est de ramener le Colonel O’Neill en un seul morceau.
C’est tout ce qui m’importe.
Daniel se tourna machinalement vers Sam, cherchant son soutien, mais la jeune
femme détourna le regard.
Jack O’Neill passait en priorité.
*****
La cour était bondée lorsqu’on le força à
sortir de son cachot. L’installation de l’échafaud avait
été beaucoup plus rapide qu’il ne l’avait pensé.
Une foule immense l’encerclait et Jack sentit l’appréhension
le prendre à la gorge.
Trop de monde. Beaucoup trop. Si les renforts étaient arrivés,
jamais ils ne parviendraient jusqu’à lui.
On le poussa sans ménagement jusqu’à une estrade et il monta
les quelques marches sous les cris enjoués des villageois. Il ne comprenait
pas et n’avait en fait jamais compris comment des hommes pouvaient éprouver
du plaisir à un tel spectacle. Des hommes et des enfants, songea-t-il
en croisant le regard d’un garçon au visage poupin. Celui-ci l’observait,
un sourire sur les lèvres, hissé sur les épaules vigoureuses
de son père.
S’arrachant à cette vision désolante, il parcourut des yeux
les alentours à la recherche de ses hommes, en vain. Aldraban apparut
alors, le rejoignant sur l’estrade.
- Alors ? On éprouve moins l’envie de rire ?
- Si vous aviez un tant soit peu d’honneur, on se battrait à la
loyale au lieu de jouer au médecin, répliqua Jack, abattant sa
dernière carte.
Mais l’homme, fort de son pouvoir, fit un geste au bourreau qui l’empoigna
afin de l’attacher à la roue. Il se laissa faire, jetant un œil
machinal vers le pont-levis et sentit son cœur bondir dans la poitrine
lorsque l’un des gardes disparut subrepticement, rapidement suivi par
un autre. Comme tous les regards étaient rivés sur l’échafaud,
personne ne semblait faire attention à ce qui se passait à l’entrée.
Désireux de ne pas attirer l’attention sur eux par son insistance,
Jack se tourna vers Aldraban. Plus tard ils seraient découverts, mieux
ils pourraient se placer pour intervenir.
- Et maintenant quoi ? Quelle est la suite du programme ? demanda-t-il d’une
voix nonchalante.
L’homme tiqua devant cette assurance désarmante mais il reprit
vite ses esprits.
- Que préférez-vous ? Etre écartelé ou éventré
?
Jack fit mine de réfléchir.
- Ma foi… Choix difficile. Les deux me semblent vraiment très attrayants.
Incrédule, Aldraban l’observa en silence avant de faire un geste
de la main au bourreau.
- Allez-y. Il est à vous.
Puis sans un mot, il descendit de l’estrade afin de rejoindre un point
surélevé et plus éloigné.
Lorsque Jack vit le bourreau s’approcher avec dans ses mains un couteau
incurvé, il regretta de ne pas avoir proposé l’écartèlement.
Il retint sa respiration lorsque l’arme passa sous son tee-shirt déjà
en partie déchiré avant de couper celui-ci en deux.
- C’est quand vous voulez, les gars… maugréa-t-il entre ses
dents, observant le bourreau d’un œil mauvais.
Celui-ci prenait visiblement un malin plaisir à écarter tranquillement
les pans de son vêtement afin de dégager un maximum son ventre.
De quoi lui donner des cauchemars pendant un bon moment…
S’il s’en sortait.
Ce fut lorsque le couteau s’approcha dangereusement de son estomac
que le premier coup résonna. Un silence total s’en suivit, aussitôt
troublé par la chute tonitruante du bourreau. Jack le suivit du regard,
observant le minuscule trou au milieu du front.
Superbe tir.
Des cris s’en suivirent aussitôt mais une explosion fulgurante se
chargea de faire définitivement paniquer la foule. Tous se précipitèrent
vers le pont-levis, piétinant sans état d’âme les
pauvres bougres ayant malencontreusement chuté. Jack redressa la tête,
tirant sur ses liens dans l’espoir un peu naïf de se libérer.
Le bruit de tirs résonnait à présent autour de lui et il
chercha du regard ses compagnons. Il vit Teal’c au loin, Daniel à
ses côtés, zatant tout ce qui bougeait. Reynolds fendait la foule,
coordonnant l’attaque avec efficacité. Mais pas de traces de Carter…
songea-t-il avec angoisse.
Son attention fut brusquement attirée par Aldraban qui s’avançait
vers lui, le visage congestionné par la rage. Jack vit tout de suite
le couteau dans sa main et se remit à tirer sur ses liens avec énergie.
Hélas, le bourreau avait bien fait son travail. Jetant des coups d’œil
autour de lui, il finit par appeler le soldat le plus proche.
- Reynolds !!!
L’officier se tourna aussitôt dans sa direction mais étant
positionné au même niveau que Aldraban, il lui était impossible
de le voir parmi la foule. Il fut alors attaqué par plusieurs gardes
et dut se détourner quelques secondes. Ce fut cet instant que choisit
le Seigneur des lieux pour monter les quelques marches avant de lever bien haut
son couteau.
Jack se crispa instinctivement, prêt à recevoir le coup mais son
agresseur fut violemment tiré en arrière, éloignant une
nouvelle fois la mort de lui.
- Mon Colonel…
O’Neill sentit son cœur s’emballer en croisant le regard de
son second. Son second qui l’appelait pour la première fois depuis
plusieurs jours « MON Colonel ».
***
Ce fut lorsque le bourreau leva son couteau au-dessus de Jack
que tout lui revint. Absolument tout. Et ses sentiments pour lui
furent aussitôt étouffés, voilés
par tout ce qui les séparait.
Le règlement.
Ces sept années à s’ignorer, ou tenter de s’ignorer.
Les non-dits.
L’indifférence, vrai ou fausse.
Et Pete.
Pete dont elle ne s’était souvenue qu’en dernier. Pete qu’elle
avait trompé, certes inconsciemment mais…
Et Jack…
Jack. Alors que, pendant plusieurs jours, ses sentiments lui avaient semblé
proche de la perfection, ils étaient à présent avilis par
la réalité, par ces questions incessantes.
Elle voulait se remémorer chaque instant afin de comprendre comment cela
avait pu déraper. Comment Jack O’Neill avait pu perdre le contrôle.
Mais ce n’était pas le moment. Plus tard…
Armant son P90, Sam avait alors fendu la foule avec un aisance particulière,
connaissant les lieux mieux que personne, et très vite, était
arrivée aux abords de l’échafaud. C’est en entendant
le « Reynolds !!! » retentissant de son supérieur qu’elle
avait vu Aldraban parmi la foule. Jouant des coudes, assommant sans état
d’âme tout villageois l’empêchant d’atteindre
son but, elle était parvenue à repousser l’agresseur au
dernier moment. L’agrippant violemment par l’arrière du col,
elle l’avait vivement projeté hors de l’estrade avant de
se tourner vers Jack avec inquiétude.
- Mon Colonel…
Au regard qu’il lui lança, elle sut de suite qu’il avait
deviné. Gêne, malaise, angoisse bataillaient ferme dans ses yeux
bruns et elle se détourna vivement avant de sortir son couteau pour couper
les liens. Elle sentait pourtant ses coups d’oeil incessants mais refusait
de s’appesantir sur cela pour le moment. Et surtout… elle ne se
sentait pas le courage de le regarder en face. Pas après tout ce qu’elle
lui avait dit.
- Carter !!
Son cri à son oreille la sortit brutalement de ses pensées. Elle
se retourna juste à temps pour voir Aldraban devant elle, son poignard
dressé, prêt à la frapper. Mais un éclair bleuté
arrêta net l’agresseur qui s’effondra à ses pieds dans
un spasme violent.
Sam chercha quelques secondes l’origine du tir avant de baisser les yeux.
Sa main droite libérée, Jack avait saisi le Zat de la jeune femme
avant d’envoyer une décharge sur Aldraban.
Leurs regards se croisèrent… avant de s’éviter une
nouvelle fois.
- Merci… murmura-t-elle en libérant son autre poignet et ses chevilles.
- C’est moi.
Une fois détaché, Jack se leva et tendit machinalement la main
vers la radio de la jeune femme. Elle eut aussitôt un geste de recul avant
de se laisser faire, les yeux baissés. Il hésita un instant seulement
puis enclencha finalement l’émetteur, la tête à quelques
centimètres du visage de Sam.
- Ici O’Neill ! On évacue ! s’exclama-t-il, troublé
malgré lui par cette soudaine proximité.
Il s’écarta aussitôt en pestant intérieurement. Ce
n’était vraiment pas le moment de jouer les amoureux transis.
- Allons-y ! poursuivit-il avec aigreur, furieux contre lui-même.
Il enjamba le corps inconscient de Aldraban et l’idée de l’achever
lui vint brusquement à l’esprit mais, jetant un œil vers la
jeune femme, il soupira et sauta en bas de l’échafaud avant de
s’élancer en direction du pont-levis. La foule s’était
éparpillée et ils représentaient tous des cibles faciles
pour les archers situés en hauteur. Ils traversèrent la cour en
zigzagant, évitant soigneusement les flèches, avant de rejoindre
finalement leurs compagnons près de la sortie. Un sergent avait été
chargé de tenir la position à hauteur du pont-levis et d’empêcher
celui-ci d’être relevé, et ils purent tous fuir indemnes
du château.
La traversée du village fut plus aisée et ils s’engouffrèrent
rapidement dans la forêt, en sécurité.
Il y avait toujours la possibilité qu’Aldraban veuille les poursuivre
aussi évitèrent-ils le chemin de terre. Ils avançaient
avec précaution et lenteur, le dos courbé, le doigt sur la gâchette,
le regard sans cesse en mouvement.
Au bout de quelques minutes cependant, ils purent se détendre un peu.
Reynolds rejoignit Jack et fronça les sourcils devant son teint terreux.
Il leva aussitôt son poing fermé et l’équipée
fit halte.
- C’est pas la grande forme…
- Je fatigue un peu, mais ça va, répondit O’Neill en s’épongeant
le front, moite de sueur.
Reynolds acquiesça avant d’empoigner sa radio.
- Major Carter. On a besoin de vous ici.
Jack ouvrit la bouche pour demander plutôt le Sergent Harris, préposé
aux soins de secours de SG3, mais comment aurait-il pu expliquer un tel souhait
? Il regarda donc du coin de l’œil la jeune femme arriver au pas
de course, Daniel et Teal’c sur ses talons.
Dans un soupir, il s’adossa au premier tronc d’arbre venu et se
laissa glisser au sol.
- Jack ? Ca ne va pas ?
- O’Neill s’est fait torturer, Daniel Jackson, lui répondit
le jaffa avec patience.
Sam s’accroupit devant le blessé et ouvrit le sac de secours.
- Où avez-vous mal, Mon Colonel ?
- Partout… maugréa-t-il après un coup d’œil reconnaissant
à Teal’c.
La jeune femme se racla la gorge avant d’avancer les mains vers son torse.
- Vous permettez ? demanda-t-elle, sans oser le regarder.
- Allez-y… murmura-t-il.
Daniel les observa un instant et fronça les sourcils.
- Sam ? Vous avez retrouvé la mémoire ?
- Oui, répondit-elle distraitement, concentrée sur sa tâche.
Le jeune homme jeta un coup d’œil vers Teal’c et d’un
commun accord implicite entraînèrent le Colonel Reynolds un peu
plus loin afin de les laisser seuls.
- Ils sont au courant ? demanda Sam au bout d’un instant de silence.
- Je pense.
Elle acquiesça, les yeux toujours baissés sur son ouvrage. D’un
geste léger et précis, elle désinfecta les plaies les plus
profondes avant de bander son torse pour éviter qu’elles ne se
ré-ouvrent.
Le silence était lourd, pesant et les battements désordonnés
du cœur de Jack n’étaient certainement pas dus à la
douleur. Il savait qu’il devait dire quelque chose mais les mots ne semblaient
pas vouloir passer le barrage de ses lèvres.
Une fois son torse en partie soigné, le regard de la jeune femme glissa
sur lui, à la recherche d’entailles supplémentaires.
- La cuisse droite, intervint Jack, d’une voix étrangement nouée.
Sam écarta aussitôt les pans ensanglantés du tissu afin
de regarder la plaie d’un peu plus près. Elle grimaça intérieurement.
Ils devaient rentrer au plus vite, les blessures n’étaient pas
belles à voir.
Dans un soupir, elle tenta de se concentrer sur ce qu’elle faisait mais
ces gestes familiers ne nécessitaient que peu d’attention. Ses
pensées se mirent rapidement à dévier, et la jeune femme
revécut ces derniers jours avec appréhension.
Des centaines de questions tournaient dans sa tête mais surtout une :
Pourquoi ne lui avait-il pas dit qu’elle était avec un autre…
alors que ce simple fait aurait pu tout empêcher… ? Pourquoi ?
- Je suis désolé, Carter.
La voix sourde de Jack résonna étrangement à son oreille,
la faisant tressaillir. Les mains de la jeune femme se figèrent aussitôt.
- Je sais que rien de ce que je dirai ne pourra effacer ce qui s’est passé…
Tout est ma faute. Je suis impardonnable.
Sam leva les yeux vers lui, mais il gardait la tête basse, la mâchoire
douloureusement crispée.
- Vous n’êtes en rien responsable et si vous désirez faire
un rapport à Hammond, je ne nierai pas.
Le pouls de la jeune femme s’accéléra. Un rapport ? Pourquoi
un rapport ? Il ne pensait tout de même pas… ? Il ne voyait tout
de même pas ce qui s’était passé comme un viol ?
- J’ai aussi une part de responsabilité…
- Non, la coupa-t-il de suite en redressant la tête. Non, Carter. Vous
n’étiez pas dans votre état normal. Jamais vous n’auriez
fait ça et nous le savons tous les deux... C’est moi. J’ai
été faible.
Il se tut, passant une main tremblante sur son visage fatigué. Il réalisait
seulement maintenant tout ce qu’il venait de perdre. Jusqu’ici,
il n’avait pas voulu y penser, retardant un maximum cette douloureuse
prise de conscience, mais à présent qu’il devait faire face
à ses actes… il en saisissait enfin les conséquences. Et
la plus grande d’entre elles. Il venait de perdre à tout jamais
la seule chose qu’il avait d’elle… son amitié.
- Pourquoi ? entendit-il alors murmurer.
Il leva les yeux vers Sam, plongeant son regard coupable dans le sien.
- Pourquoi ne m’avez-vous rien dit pour Pete ? poursuivit-elle, doucement.
Jack gémit intérieurement.
C’était la seule question à laquelle il n’était
pas prêt à répondre car, évidemment, ça impliquait
beaucoup trop de choses. D’un autre côté, après ce
qu’il avait fait, quelle importance qu’il se mette à nu.
Elle méritait bien ça. Un peu d’honnêteté pour
une fois.
- Parce que j’aimais être celui que vous aimiez.
A peine ces mots prononcés, il détourna lâchement les yeux
et la repoussa doucement afin de se remettre sur pieds.
- Pourquoi ? insista-t-elle cependant en se redressant à son tour.
Incrédule, il lui jeta un coup d’œil de travers avant de soupirer
devant son visage fermé.
- Carter… Suis-je vraiment obligé de vous le dire ? maugréa-t-il
comme si la réponse était d’une parfaite évidence.
Et sans un mot de plus, il s’éloigna, laissant la jeune femme profondément
troublée.
Une phrase lui revint alors. Une certitude.
« Parce que ça ne dépend pas que de moi ! »
Non, tout dépendait d’elle en fait… et elle ne l’avait
pas compris.
C’était pourtant cela qu’elle avait cherché à retenir
de son amnésie. Cette nouvelle donnée si importante, si primordiale.
Il l’attendait. Un mot d’elle et tout était possible.
Plus de frustration, plus de non dits, plus de fausse indifférence.
Des étreintes fiévreuses, une vérité exprimée,
un affection enfin perceptible.
L’espoir, l’exaltation due à cette découverte la saisirent
brusquement. Elle mit quelques secondes à gérer ce trop plein
d’émotion, regardant autour d’elle avec fébrilité.
Il lui suffisait d’un mot ! Juste un mot et tout pouvait changer !
- On y va ! résonna brusquement sa radio, la tirant de sa léthargie.
Reprenant conscience de ce qui l’entourait, Sam s’accroupit et rassembla
d’une main désespérément tremblante les bandages
et pansements afin d’en charger son sac à dos.
- Sam ? l’appela Daniel, un peu plus loin.
- Je… J’arrive, bredouilla-t-elle en mettant tant bien que mal son
arme en bandoulière.
S’élançant à la suite de ses compagnons, le regard
soudé au dos de son supérieur, elle trébucha sur une racine
et percuta celui-ci de plein fouet.
- Ah… Désolée, Mon Colonel !! s’écria-t-elle,
les joues en feu, cherchant à se redresser les mains posées sur
ses épaules.
Celui-ci se retourna afin de l’aider, la même gêne au fond
des yeux.
- Y a pas de mal, mentit-il tandis que la douleur dans son dos le faisait grimacer
involontairement.
Ils se remirent tous en marche et Jack eut la surprise de voir la jeune femme
rester à ses côtés au lieu de l’éviter, comme
il l’avait craint. Au bout de quelques minutes, il fut encore plus étonné
de voir le pas de Sam faiblir, l’incitant à ralentir à son
tour et les éloignant ainsi des autres membres de l’équipe.
- Euh… Un problème, Carter ? demanda-t-il, désireux de l’aider
si elle sentait le besoin de lui dire quelque chose.
- Oui… murmura-t-elle nerveusement.
Jack l’observa du coin de l’œil, plein d’appréhension.
- A propos du rapport… commença-t-elle.
- Mmmm…
- Je n’en ferai pas.
Surpris, il se tourna vers elle, ne sachant trop quoi répondre.
Etait-ce un pardon ? Etant donné la gravité de ses actes, il en
doutait pourtant.
- … Merci.
Elle acquiesça simplement mais n’avait visiblement pas terminé.
- Vous voulez changer d’équipe ? proposa-t-il donc devant son silence.
Ou peut-être préférez-vous que je quitte le SGC ?
- Non ! répliqua-t-elle de suite, le coupant dans son élan.
Il la regarda de nouveau sans comprendre. Que voulait-elle exactement ?
Et lui ? Que voulait-il ?
Il ne savait pas trop s’il était capable de continuer à
travailler avec elle après ce qui s’était passé.
Ils avaient fait l’amour, bon sang ! Si elle était capable de l’oublier,
pas lui ! Dès qu’il posait les yeux sur elle, c’était
sa peau nue qu’il voyait, la courbe parfaite de ses formes, son visage
délicieusement crispé par le plaisir… Et sa voix lui rappelait
sans cesse ses gémissements.
Jack secoua la tête avec lassitude.
Il allait donner sa démission. Il n’avait aucune envie qu’en
plus de toute le reste, elle soit obligée de supporter ses regards lubriques.
- Je ne veux pas que vous quittiez le SGC, dit-elle cependant.
- Carter…
- Non…
- Ecoutez-moi ! s’emporta-t-il bien malgré lui, l’obligeant
d’un geste à s’arrêter. Vous ne savez pas ce
que vous me demandez, là. Vous ne savez pas…
Il se tut, serrant les dents, les poings crispés.
- Carter… reprit-il plus calmement. Vous êtes une femme désirable
et étant donné ce qui s’est passé entre nous…
je vais avoir beaucoup de mal à… à faire abstraction de
ça.
- Qui vous le demande ?
Il ouvrit la bouche pour répondre, puis la referma, les yeux écarquillés.
- Quoi ? demanda-t-il, comme s’il avait mal entendu.
- Qui vous le demande ? répéta-t-elle, avec candeur.
Il secoua de nouveau la tête, passant une main fatiguée sur sa
nuque douloureuse.
- Je ne comprends pas… Vous voulez quoi ? Me voir baver à chaque
fois que vous rentrerez dans une pièce ? dit-il crûment, cherchant
à lui faire comprendre exactement à quoi elle devait s’attendre.
- Vous baveriez ? répéta-t-elle contre toute attente, un sourire
amusé sur les lèvres et une lueur dans les yeux qui lui firent
battre le cœur un peu plus vite.
Estomaqué, il observa attentivement le visage de la jeune femme, notant
son air désinvolte et détendu, plein d’une nouvelle assurance.
- Jack, un problème ?
La voix de Reynolds le tira de sa contemplation. Machinalement, il empoigna
sa radio, sans quitter Carter des yeux.
- Non… On arrive.
Après un échange de sourires, Jack fit un signe de tête
et ils se remirent en route. Ils marchèrent quelques secondes en silence
puis il finit par se tourner de nouveau vers elle. Il était hors de question
qu’il laisse tout ça en suspend.
- La bave ne vous gêne pas alors ? demanda-t-il avant de secouer désespérément
la tête devant la stupidité de ses propos. C’est très
mauvais, je suis désolé…
Mais la jeune femme rit doucement, les yeux pétillants.
- J’ai connu pire.
- Pour la bave ou la blague ?
- Les deux.
Jack acquiesça, sans trop savoir s’il devait ou non se réjouir
de cette réponse. Une chose était sûre, elle ne semblait
pas lui en vouloir. C’était tout ce qui comptait. Mais le « J’ai
connu pire. » le laissait perplexe. C’était un oui ou un
non ?
- Et vous ? dit-elle au bout d’un moment.
- Moi ?
- Voir une femme se pâmer devant vous ne vous gênera pas ?
Cette fois-ci, plus de doute. Son pouls battant des records de vitesse, il se
tourna vers elle, un sourire amusé sur les lèvres.
- Se pâmer ?
- Se pâmer.
Il acquiesça, flatté à l’excès, faisant cependant
mine de réfléchir.
- … Je crois… Je crois que je survivrai.
Elle lui lança un regard entendu, faussement vexée par ses hésitations
mais resta silencieuse. Ils continuèrent leur route tranquillement, l’un
à côté de l’autre, et rejoignirent quelques mètres
plus loin un Daniel et un Teal’c scrutateurs. Les deux hommes les observèrent
un instant puis, devant leur bonne humeur évidente, ils se détendirent
complètement.
Le chemin du retour se fit donc léger. Parfois leurs regards se croisaient,
parfois ils échangeaient un sourire et lorsque la Porte apparut majestueusement
devant eux, Jack se surprit à regretter que la route n’ait pas
été plus longue.
Daniel se chargea des coordonnées et le vortex se forma. Reynolds se
tourna aussitôt vers O’Neill mais celui-ci secoua négligemment
la main.
- Partez devant, j’arrive.
Le leader de SG3 acquiesça et tous passèrent la Porte, tous sauf
SG1. Comme Daniel semblait vouloir prendre son temps, Teal’c finit par
le pousser doucement mais fermement vers le vortex et le jeune homme se décida
enfin à les laisser seuls.
- Alors ? attaqua de suite Jack en se tournant vers la jeune femme.
- Alors ? répéta-t-elle, un sourire sur les lèvres.
- Ça mérite bien un petit baiser !
Elle haussa les sourcils et croisa les bras sur sa poitrine.
- Qu’est-ce qui mérite un baiser ?
- Je vous ai sauvé la vie et délivré du vilain méchant
qui vous retenait prisonnière, expliqua-t-il avec satisfaction.
- Mais moi aussi, répliqua-t-elle en redressant la tête.
Il grimaça légèrement avant de lever le doigt, les yeux
brillants.
- Vous avez aussi essayé de me tuer. Ça nécessite une compensation.
Sam soupira, mi-amusée mi-blasée.
- Ça, c’est vraiment petit…
Le sourire vainqueur de Jack s’accentua.
- Alors ? J’ai droit au baiser de la jolie princesse en détresse
?
- Je n’étais pas en détresse ! s’exclama-t-elle outrée,
détestant par-dessus tout le rôle de la faible femme qu’il
s’amusait à lui faire jouer.
- Juste un peu, quand même !
- Non !
- … Pour me faire plaisir… murmura-t-il cependant en approchant
son visage du sien jusqu’à ce qu’ils ne soient qu’à
quelques millimètres seulement.
Les joues de Sam s’enflammèrent aussitôt et un gémissement
s’échappa de ses lèvres.
- Juste pour cette fois, alors.
FIN
60 pages, mon record ! Ouf ! Encore un fois, désolée pour la guimauve
disséminée de ci de là, dans la fic. Je crois que c’est
de pire en pire…
Et désolée pour les fautes d’orthographe… plus la
fic est longue et moins j’y vois !
Un p’tit mail quand même ?