Auteur : Hito
E-mail : h_hito76@yahoo.fr
Résumé: Jack se réveille mais tout a changé…
Genre: Romance S/J
Spoilers: Fin saison 7 après The Lost City
Disclaimer : Les personnages et l’univers ne sont pas
à moi mais à la MGM…
Ce fut une voix qui, peu à peu, le tira vers la réalité,
l’arrachant à une inconscience pesante et peuplée d’images
troubles. Une voix douce, une voix chaude, une voix de femme… Mais pas
la « sienne ».
- Colonel O’Neill ?
Il avait le corps engourdi, les paupières désespérément
lourdes et la bouche pâteuse. Que s’était-il passé
? Une mission qui avait mal tournée ? Pourquoi se réveillait-il
avec cette apathie si inhabituelle, ce sentiment de vide atroce ?
Il tenta de parler mais ne parvint même pas à prononcer le moindre
son, et sa bouche fut à peine parcourue d’un frémissement
imperceptible.
- Colonel O’Neill, si vous m’entendez, bougez simplement les paupières.
Docile, Jack tenta d’ouvrir les yeux mais ce seul geste l’épuisa
étrangement. Il sentit cependant une main chaude se poser sur son épaule.
- C’est parfait, Colonel ! dit la voix inconnue, étonnamment euphorique.
Tout va bien. Reposez-vous. Vos forces devraient vous revenir dans peu de temps.
Quelque peu rassuré et l’esprit encore embrumé, il finit
par replonger dans un sommeil profond et réparateur.
***
Lorsqu’il s’éveilla pour la seconde fois, Jack se sentit plus vigoureux. Il parvint à ouvrir les yeux, cligna des paupières sous la lumière blanche et cependant douce de la pièce.
C’était
un sentiment familier pour lui. Se retrouver ainsi, le corps ankylosé,
blessé, émergeant peu à peu dans la réalité.
Ses souvenirs étaient cependant confus. Il tourna doucement la tête
et ce simple geste le fit grimacer mais Jack oublia rapidement ses courbatures,
son rythme cardiaque s’affolant soudainement.
Il ne se trouvait pas à l’infirmerie de la base comme il le croyait
de prime abord. La salle était grande, peu éclairée et…
étrangement sophistiquée. Il n’était pas sur Terre.
Il n’était, en fait, même pas sur une planète. Une
baie vitrée d’une largeur impressionnante s’étendait
devant ses yeux avec vue sur l’immensité de l’espace et dans
un angle de la fenêtre, il put apercevoir une lune désertique,
similaire à celle de la Terre.
Le son d’un sas s’ouvrant le fit se retourner et une femme en blouse
blanche s’avança vers lui, un sourire sur les lèvres. Elle
ne devait pas avoir plus de 35 ans, les cheveux roux attachés en un chignon
sobre, le visage avenant. Arrivée près de lui, elle regarda les
moniteurs auxquels il était relié et acquiesça d’un
signe approbateur.
- Bonjour Colonel, dit-elle alors en se tournant vers lui. Je suis le docteur
Jenny Stuart. Comment vous sentez-vous ?
Jack tenta de parler mais sa gorge désespérément sèche
l’en empêcha. La jeune femme prit aussitôt un verre d’eau
sur une petite table et l’aida à se désaltérer. Ceci
fait, il se racla la gorge et put enfin sortir un son d’une voix rauque
qui sonna étrangement à son oreille.
- … Où suis-je ?… Que s’est-il passé ?
- Vous ne vous souvenez de rien ? demanda-t-elle alors, sans se départir
de son sourire.
Il fit non de la tête, de plus en plus inquiet.
- Vous ne vous souvenez pas de votre dernière mission ? Vous avez sauvé
la Terre contre Anubis grâce aux données des anciens. Mais votre
cerveau n’a pas pu gérer le surplus d’informations et il
y a eu saturation. Vous vous êtes vous-même mit en cryogénisation.
Oui… ça lui revenait. Des brides, des émotions… des
sentiments.
- Où est mon équipe ?
A ces mots, le docteur Stuart perdit enfin son sourire, glaçant le sang
dans ses veines.
- Il s’est écoulé beaucoup de temps avant qu’on ne
parvienne à vous réveiller, Colonel.
Jack déglutit péniblement.
- Combien de temps ?
- … Quarante et un ans, dit-elle simplement.
Le cœur de Jack fit une embardée qui se répercuta aussitôt
sur les instruments reliés directement à lui. Il se reprit cependant
très vite, un soupçon s’insinuant en lui. Il avait déjà
vécu cela.
- Vous croyez vraiment que je vais avaler ce bobard ? s’énerva-t-il
alors, faisant mine de vouloir se relever.
Mais son corps trop faible ne lui en laissa pas l’opportunité et
d’un geste doux mais ferme, la jeune femme l’incita à se
rallonger.
- J’imagine que cela doit être difficile à croire mais…
il y a quelqu’un ici qui pourrait vous convaincre.
Sans un mot de plus elle sortit, le laissant seul, prêt à démolir
par des mots, à défaut de gestes, toutes les personnes qui viendraient
le bombarder de mensonges… Mais les paroles acerbes qu’il s’apprêtait
à lancer moururent dans sa bouche tandis qu’un homme au teint basané,
au regard si familier s’avançait vers lui.
- … Teal’c, bredouilla Jack, les yeux exorbités.
C’était bien lui… et pourtant ses traits avaient changés,
s’étaient creusés par endroits, durcissant encore son visage
pourtant souriant.
- O’Neill, dit simplement le Jaffa, ému.
Il s’arrêta près de lui et les deux hommes se regardèrent
un instant en silence. Passé la surprise de se trouver en face de son
ami, Jack sentit un froid glacial le pénétrer. Et si tout cela
était vrai ? Si quarante et un ans s’étaient écoulés…
Daniel, Hammond… Carter…
- Non… murmura-t-il tandis que le sourire encourageant de Teal’c
disparaissait.
- Je suis désolé, O’Neill mais tout ceci est la réalité.
Une douleur atroce au cœur, Jack serra les poings et voulut se redresser,
cherchant à soulager sa souffrance d’une façon ou d’une
autre. Le Jaffa l’aida aussitôt, plaçant l’oreiller
de telle sorte qu’il puisse s’y adosser. Un silence pesant finit
par s’installer tandis qu’O’Neill cherchait désespérément
à retrouver un semblant de calme, à faire abstraction de la douleur
en lui. En vain…
Teal’c attendait patiemment, observant les traits crispés de son
ami enfin retrouvé. Près de quarante ans… Une éternité
dans la vie d’un homme. Moins dans la vie d’un Jaffa, certes mais…
Lorsqu’il croisa de nouveau le regard de Jack, celui-ci était devenu
impénétrable.
- … Daniel ? demanda O’Neill au bout d’un moment.
Teal’c baissa la tête un court instant, un voile passant devant
ses yeux.
- Il est décédé il y a sept ans dans un accident de la
route.
Jack se contenta d’acquiescer et le Jaffa attendit qu’il encaisse
la nouvelle. Leur ami avait près de soixante dix ans lorsque c’était
arrivé.
- Le Général Hammond ?
Teal’c haussa un sourcil quelque peu surpris qu’il ne prenne pas
de suite des nouvelles de Samantha Carter… Mais peut-être était-ce
justement trop difficile. Peut-être retardait-il simplement le moment
le plus longtemps possible…
- Il s'est éteint à l’âge de quatre vingt
sept ans, O’Neill. D’une belle mort, comme le disait Daniel.
Jack acquiesça de nouveau, sentant son cœur se déchirer un
peu plus à l’énonce de chaque personne qu’il avait
perdu…
- Cassandra ? demanda-t-il alors en redressant la tête, plein d’espoir.
- Cassandra va très bien, réagit aussitôt Teal’c en
souriant. Elle est mariée et a trois enfants déjà adultes
et parents à leur tour. Elle fait bien évidemment partie des
personnes à prévenir à votre réveil. Comme je me
trouvais sur Terre au moment où le docteur Stuart a envoyé un
message, j’ai pu venir rapidement et suis donc le premier.
Le premier de quoi ? Mis à part Cassandra et lui… Peut-être
Jacob, c’est vrai.
- Savez-vous ce qui est arrivé à Sara ?
- En effet. Elle est décédée à cinquante trois ans
d’un cancer. Je suis désolé, O’Neill.
Jack ferma les yeux un instant.
Comment supporter cette douleur dans sa poitrine ? Comment pourrait-il survivre
à toutes ces pertes? Il aurait mieux fait de se laisser mourir au lieu
de tenter sa chance dans ce cercueil de glace… Il avait survécu
mais se retrouvait séparé de toutes les personnes qu’il
aimait. Séparé d’ « elle ».
Lisant dans ses pensées, Teal’c finit par intervenir.
- Elle est vivante, O’Neill.
Le cœur de Jack fit de suite une embardée et il leva un regard bouleversé
vers son ami. Il se reprit cependant. Vivante oui… mais pour combien de
temps ? Elle devait approcher des quatre vingt ans maintenant.
Son regard s’adoucit cependant… Il pourrait la revoir, malgré
tout. L’image d’une Sam toute fripée, au regard doux et si
intelligent, au sourire tendre, vint se glisser dans son esprit. Son cœur
s’attendrit aussitôt à cette image… Cette image qu’il
s’était parfois bêtement créée, lui à
ses côtés. Mais dans son imagination, ils étaient censés
avoir partagés leurs vies ensemble. Et pas ainsi. Pas séparément.
- Comment va-t-elle ? parvint-il finalement à demander. S’est-elle
mariée ? A-t-elle eu des enfants ?
- Elle va bien. Beaucoup mieux lorsqu’elle saura que vous êtes revenu.
Et pour répondre à vos autres questions… non, elle ne s’est
pas mariée et n’a pas d’enfants.
Surpris, Jack haussa les sourcils. Il sentit son cœur se serrer davantage,
partagé entre la tristesse et un dérangeant sentiment de soulagement.
Elle qui avait toujours voulu fonder une famille… Que s’était-il
passé ? Et Shanahan avec qui elle était alors… Ca semblait
pourtant bien parti entre eux.
- Elle vit seule ? Vous étiez sur Terre pour la voir ?
- Non, Samantha Carter ne vit pas ici. Elle se trouve avec son père.
Ils cherchent en ce moment même un moyen de rallier à notre cause
les survivants de…
Jack, perdu, leva aussitôt les mains pour interrompre le Jaffa.
- Attendez !... Carter est censée avoir un peu moins de quatre vingt
ans, nous sommes bien d’accord… ?
- En effet.
- Alors comment peut-elle aider son père à faire quoi que ce soit
? Vous avez trouvé un élixir de jouvence ?
Teal’c haussa un sourcil et un sourire énigmatique vint se dessiner
sur ses lèvres charnues. Certes, ils profitaient tous du vaccin contre le vieillissement
créé il y a une vingtaine d’années maintenant mais
elle… elle n’en avait pas eu besoin…
- Samantha Carter est devenue une Tok’ra, O’Neill.
Le cœur de Jack manqua un battement.
- … Quoi… ? Une… Tok’ra ?
- En effet.
On lui aurait asséné un coup de massue sur la tête, l’effet
aurait été le même. Incrédule, il sentit confusément
l’espoir renaître en lui. Non seulement elle était vivante
mais en plus, avec de nombreuses années devant elle. De nombreuses années
qui lui permettraient de la voir encore et encore… Et elle lui survivrait…
C’était tout ce qu’il demandait…
Mais… Une Tok’ra…
?!
- Je ne comprends pas ?!! finit-il par s’exclamer. Elle a toujours dit
qu’elle gardait un très mauvais souvenir de ce qu’elle avait
vécu avec Jolinar… Pourquoi a-t-elle changé d’avis
?
Teal’c se contenta de sourire et devant son silence, Jack finit par se
calmer.
- Une Tok’ra… soupira-t-il. Enfin… Au moins, elle va bien.
Il resta un moment, le regard perdu dans le vague puis, le choc subi par toutes
ces révélations eut finalement raison de sa résistance.
Il ferma les yeux et s’endormit.
***
Lorsqu’il s’éveilla de nouveau et que ses yeux se posèrent sur l’immensité de l’espace, un froid glacial le saisit. Ainsi ce n’était pas un cauchemar… Mais la visite de Teal’c lui revint à l’esprit et son corps se détendit.
Elle était
vivante.
Un raclement de gorge lui fit tourner la tête et son cœur s’allégea
un peu plus.
- J’aurais du m’en douter… murmura Jack, un sourire aux lèvres.
Vous êtes un vrai pot de colle.
- J’ai du mal à partir définitivement… dit simplement
Daniel, le regard pétillant.
Les deux hommes s’observèrent en silence puis O’Neill se
redressa sur son lit.
- Je vous imaginais… plus vieux.
- J’ai remarqué que j’étais mieux accueillis comme
ça, dit-il en écartant les bras.
Il était tel que Jack l’avait toujours connu. La trentaine, les
yeux malicieux et ce petit sourire au coin qui l’avait agacé un
bon nombre de fois. Daniel, tout simplement, songea-t-il attendri.
- Alors qu’est-ce que j’ai manqué ? finit par demander Jack.
L’ascensionné croisa les bras sur son torse, tout en gonflant ses
joues.
- Ohhh… grogna-t-il avant de soupirer. Vous voulez savoir quoi exactement,
parce que… quarante ans, ça fait beaucoup !
- Vous, votre vie.
Daniel sourit et commença à parler. Pas de femme, pas d’enfants.
Il s’était exclusivement concentré sur son travail et ne
semblait pas l’avoir particulièrement regretté.
Jackson n’entra pas dans les détails. Il estimait que Jack aurait
tout le temps pour rattraper son retard. Un retard de quarante ans, certes et
il imaginait aisément combien cela devait être dur et perturbant
pour lui, mais avec l’aide de Teal’c et de Sam, tout irait bien.
Il en était persuadé.
Daniel lui parla ensuite du monde dans lequel il venait de plonger. Un monde
connaissant l’existence de la Porte. Un monde enfin débarrassé
de la domination des Goa’ulds. Un monde qui avait fait de cet homme endormi
un héros et qui attendait patiemment son réveil. Un monde pas
plus heureux qu’avant mais pas malheureux non plus. L’exode vers
d’autres planètes avait eu certains avantages comme une baisse
substantielle du chômage mais d’autres problèmes persistaient.
Le monde avait changé, mais les hommes eux, restaient les mêmes.
Dans un soupir, Jack finit par se détourner, la mine sombre. Il se sentait…
perdu. Tout était différent. Ses amis avaient continué
d’avancer et lui était resté seul en arrière. Ils
avaient fait leurs vies, rencontrés d’autres personnes, aimés,
combattus, soufferts… et lui… Rien. Il avait le sentiment de ne
plus faire partie de leurs univers. Il n’était plus vraiment des
leurs.
Lisant dans ses pensées, Daniel finit par rompre le silence qui s’était
instauré.
- Jack… Personne ne vous a oublié. Vous nous avez beaucoup manqué
et nous sommes tous très heureux de vous voir de retour parmi nous…
même si moi… je ne suis plus vraiment sur le même plan d’existence,
rajouta-t-il, en se grattant le menton.
- Tous… répéta O’Neill en se tournant vers lui. Qui
ça, tous… ? J’ai perdu presque tous ceux que j’aimais
et connaissais, le tout en quelques secondes. Car pour moi, il ne s’est écoulé
que quelques secondes, Daniel. C’est bien là tout le problème.
Jackson acquiesça simplement, ne sachant trop quoi répondre. Il
comprenait sa frustration.
- Je vais prévenir Sam, dit-il alors.
Jack redressa aussitôt la tête, troublé. Son cœur battait
maintenant à un rythme fou.
- … Vous y allez tout de suite… ?
- Oui.
Un nouveau silence se fit.
- Vous ne le souhaitez pas ? demanda alors Daniel, perplexe. Vous ne voulez
pas la revoir ?
- Si, bien sûr… Je me demande juste…
Mais il ne finit pas sa phrase et soupira, tentant de masquer les tremblements
dans sa voix. Pourquoi appréhendait-il tout à coup de la revoir
?
- Allez-y.
Jackson acquiesça et disparut.
********************
Kail Richardson s’adossa à son siège en soupirant. La réunion
promettait de s’éterniser et encore une fois, aucune solution ne
serait trouvée pour lutter efficacement contre la pire menace jamais
connue jusqu’ici…
Les Réplicateurs envahissaient galaxie
sur galaxie sans discontinuer, annihilant tout sur leur passage…
et rien ne parvenait à les stopper. Ils étaient eux-mêmes
venus à bout des Grands Maîtres Goa’ulds qui avaient eu l’arrogance
de croire qu’ils pourraient les vaincre. Et à présent, les
quelques faux Dieux, survivants de cette bataille perdue d’avance, étaient
traqués sans pitié par l’Alliance.
Kail était l’ambassadeur de la Terre et vivait parmi la Tok’ra
depuis deux ans maintenant. Il n’était pas aisé de se lier
avec eux, leur fierté étant souvent un frein à des sentiments
amicaux, mais malgré tout Richardson était parvenu à s’imposer
dans cet univers qui n’était pas le sien. Il avait été
particulièrement aidé par Jacob, il est vrai et plus tard par
sa fille… Celle-ci, les mains sagement croisées sur la table, exposait
son point de vue sur la situation et tous l’écoutaient avec attention.
C’était une très belle femme, la quarantaine bien avancée,
des yeux bleus qui vous transperçaient le cœur, un sourire à
damner un saint… Et cette femme… Cette femme… était
à lui, songea-t-il en souriant involontairement.
Ils étaient ensemble depuis quelques mois déjà et jamais
Kail n’aurait pu espérer un jour partager sa vie avec elle…
Car, il la connaissait depuis des années, comme tout le monde sur Terre.
Elle était devenue une légende et il était parfois étrange
de songer qu’adolescent, ses amis et lui fantasmaient déjà
sur elle. A l’époque, lorsque l’existence de la Porte avait
été dévoilée accidentellement, le Colonel Samantha
Carter était le leader de SG1. Un vaisseau Goa’uld s’était
écrasé au beau milieu du Grand Canyon bouleversant toutes les
croyances et plongeant la Terre dans un autre univers. Tout avait été
révélé et Samantha Carter mit sur le devant des projecteurs.
Elle avait joué le jeu pendant quelque temps, puis, sans que personne
ne sache pourquoi, elle avait rejoint la Tok’ra et quitté la Terre.
Samantha était quelqu’un d’extrêmement complexe. Elle
cachait une grande sensualité derrière un masque froid et une
distance presque douloureuse. Kail ne savait pas trop si la peine qu’elle
dissimulait venait d’elle ou du symbiote Tok’ra « Meli’n
». Elle ne se dévoilait que très rarement et jamais totalement…
Parfois cette réserve lui était presque insupportable mais il
s’estimait déjà chanceux de pouvoir partager autant avec
elle…
Malgré l’ombre qui planait au-dessus de lui…
Pour l’heure, il l’écoutait parler avec un plaisir non dissimulé
mais elle ne semblait pas s’en apercevoir. Perdu dans ses pensées,
il la regarda se figer brusquement et ses yeux s’arrondirent.
D’un même mouvement, tous se tournèrent et incrédule,
Kail observa l’homme qui se trouvait à présent devant l’assemblée,
le regard accroché à celui de Samantha. Il était vêtu
d’une grande robe de bure, le visage en parti dissimulé.
Comment
était-il arrivé ici, au beau milieu de la salle ?
Kail entendit alors un son étouffé et se retourna vers la jeune
femme qui se levait doucement, reprenant ses esprits.
- … Daniel… ? murmura-t-elle avec incrédulité.
Daniel Jackson… C’était lui. L’un des membres de SG1,
mort il y a sept ans. Celui qui avait ascensionné… deux fois. Celui
qui d’ordinaire n’apparaissait qu’à Samantha et non
en public comme à l’instant.
L’homme - ou le fantôme, c’était à déterminer
– fit glisser sa capuche et dévoila un visage souriant, une lueur
dans le regard qui le fit frissonner.
Kail se tourna alors vers Samantha et observa la jeune femme blêmir violemment.
Elle leva une main tremblante jusqu’à ses lèvres, sa respiration
devenant hachée, confirmant ses craintes… lui confirmant que l’ombre
qui pesait sur lui venait de reprendre corps.
« Il » s’était réveillé.
Jacob se leva à son tour et posa une main rassurante sur l’épaule
de sa fille, la sortant de sa torpeur. Elle se tourna un instant vers lui, le
visage figé, les yeux exorbités puis sans un mot, sortit
précipitamment de la salle, non sans avoir demandé implicitement
à Daniel de la suivre.
Kail sentit son cœur se serrer… Elle
ne l’avait même pas regardé…
La voix de Jacob lui fit reprendre ses esprits.
- Nous devons préparer le transfert.
Voilà… Il venait de la perdre.
************************
Jack était silencieux depuis quelques minutes déjà. Il
fixait la Terre qui étincelait sous ses yeux ; bleue, majestueuse, d’une
beauté sans égale. Vue d’en haut, elle n’avait pas
changé. En quarante et un ans, elle n’avait pas changé.
Comme lui.
Quarante et un ans. Ce chiffre revenait sans cesse encore et encore, et martelait
son cœur un peu plus à chaque fois.
Elle avait vécu quarante et un ans sans lui. Elle avait rencontré
des gens et aimé certainement, songea-t-il, une douleur atroce au ventre.
Combien d’hommes avaient pris sa place ? « Sa » place. Car
à l’époque, même lorsqu’elle était avec
Shanahan, il savait parfaitement qu’il était encore le Premier.
C’était ce qu’elle avait tenté de lui dire avant qu’il
ne s’enferme lui-même dans ce foutu cercueil de glace. Mais maintenant…
C’était terminé. Il l’avait perdue définitivement.
Que pouvait donc représenter sept ans dans une vie ? Sept pauvres petites
années… ?
Pensait-elle parfois à lui ? Ou n’était-il plus qu’un
vieux souvenir relégué depuis longtemps aux tréfonds de sa mémoire
?
Dans un soupir, Jack posa son avant-bras sur la vitre le séparant du
vide et, les yeux fermés, appuya son front contre elle.
Il aurait préféré ne pas se réveiller du tout…
songea-t-il une sourde angoisse dans le ventre.
L’angoisse de la solitude, d’une vie sans elle.
- O’Neill… finit par intervenir Teal’c, silencieux jusqu’ici.
Jack resta immobile et le Jaffa se rapprocha légèrement de lui.
- Vous m’avez posé des questions sur tout le monde sauf sur Samantha…
Comme il ne répondait toujours pas, Teal’c continua :
- Si vous craignez qu’elle vous ait oublié, vous vous trompez…
A ces mots, O’Neill ouvrit les yeux et tourna légèrement
la tête vers son ami, attentif.
- … C’est grâce à elle que vous êtes parmi nous.
Pendant quarante ans, elle n’a eu de cesse de rechercher un moyen de vous
libérer. Elle ne l’a jamais avoué mais nous savons tous
qu’elle n’a accepté le symbiote Tok’ra que pour vous.
Elle avait parfaitement conscience que ses connaissances limitées ne
lui permettraient jamais de vous aider. Elle a profité de l’opportunité
qu’on lui offrait pour utiliser le savoir Tok’ra. Elle n’était
ni malade, ni blessée lorsqu’elle a pris cette décision.
Jack s’était retourné depuis quelques secondes déjà
et regardait avec incrédulité le Jaffa. Lorsque celui-ci se tut,
O’Neill finit par baisser la tête, les poings crispés, l’espoir
gonflant son coeur.
Elle ne pouvait quand même pas l’avoir attendu pendant tout ce temps
?... C’était impensable. Inimaginable. Teal’c se trompait
forcément. Peut-être au début, c’était possible…
mais elle avait certainement fini par passer à autre chose.
Jack tenta de se reprendre, de donner moins d’importance à ce qui
venait d’être dit. Il fallait qu’il oublie. Il ne devait surtout
pas croire qu’elle pouvait encore vouloir de lui car en cas de refus,
la désillusion serait trop grande…ingérable… insupportable.
Il finit donc par se détourner de nouveau et plongea son regard dans
l’immensité de l’espace.
Mais l’espoir était un sentiment beaucoup trop tenace pour qu’il
puisse l’effacer si aisément…
***********************
- Tu t’en vas ?
La sècheresse de sa voix le surprit lui-même. Samantha se retourna
vers lui, comme prise en faute. Elle le regarda un moment avant de détourner
les yeux et continua de ranger ses affaires personnelles dans une malle Tok’ra.
- Je suis désolée, Kail…
Celui-ci serra les poings, glacé.
Elle ne pouvait pas tout quitter comme ça pour aller le rejoindre…
cet homme, qu’elle n’avait pas revu depuis plus de quarante ans
!
Lorsqu’il était arrivé dans cette base Tok’ra, il y
a deux ans, il avait tenté à plusieurs reprises de rencontrer
la jeune femme pour lui être présenté. Il avait du attendre
cinq semaines avant de la croiser ! A chaque fois, on lui répondait qu’elle
était très occupée dans son laboratoire, ou partie rejoindre
les Asgards pour travailler en collaboration avec Heimdall… Il avait fini
par apprendre le but de ses recherches… Trouver un moyen de décryogéniser
son ancien supérieur, le Colonel O’Neill ; et ce, depuis qu’elle
faisait partie de la Tok’ra. Pour excuse à un tel acharnement,
on lui avait dit que cet homme, qu’il connaissait bien sûr de nom, était
peut-être le seul détenteur de connaissances pouvant sauver l’univers
de la menace des Réplicateurs. Il avait bien évidemment reçu
cette explication comme une évidence et comprenait l’entêtement
de la jeune femme. C’était vital…
Puis il avait appris à la connaître et un doute affreux avait commencé
à germer dans son esprit. Certes, elle ne parlait jamais de « lui
». Jamais elle n’avait abordé « ce » sujet. Et
pourtant, comment expliquer ses voyages incessants et inutiles pour «
Helios », la base spatiale où reposait O’Neill ? Ce n’était
pourtant pas pour le voir ! Celui-ci se trouvait dans une salle hermétiquement
close où nul n’avait le droit de pénétrer afin d’éviter toute dégradation supplémentaire…
En effet, le tir d’un des supers guerriers d’Anubis avait endommagé
le cercueil cryogénique dans lequel il s’était lui-même
enfermé et depuis, malgré les efforts des scientifiques Asgards
et ceux de Samantha, personne n’avait encore réussi à l’en
sortir. Jusqu’ici…
A présent, Kail observait la jeune femme en train de rassembler ses affaires
d’une main fébrile, conscient que ses craintes étaient justifiées.
C’était « lui » l’origine de sa froideur, de
la distance qu’elle s’évertuait à mettre entre eux.
Elle refusait de s’impliquer et pour cause ! Elle l’attendait, «
lui ».
- Tu es désolée ? Tu n’en as pourtant pas l’air.
La jeune femme ne répondit pas, se concentrant sur sa tâche, et Kail
sentit la colère monter en lui.
- Samantha, regarde-moi !
Celle-ci stoppa net ses mouvements et finit par lui faire face, glaciale.
Comment pouvait-elle montrer si peu de sentiments après ces mois passés
ensemble… ?
- Qu’espères-tu, en allant là-bas ? En lâchant tout
ce qui fait ta vie ?
- … Jusqu’ici, je ne vivais pas. Je survivais, c’est différent.
Dans un soupir, Kail baissa la tête un instant, cachant sa peine. Serrant
les poings, il finit par se redresser, le regard dur.
- Alors que va-t-il se passer maintenant ? Tu vas aller le rejoindre et vous
allez vivre heureux jusqu’à la fin de vos jours ?
Comme elle gardait le silence, il se permit un rire grinçant.
- Je ne te savais pas si naïve ! Lui n’a peut-être pas changé
mais toi, Samantha… tu n’as plus rien à voir avec la femme
qu’il a aimé… s’il t’a jamais aimée d’ailleurs
car, que je sache, il ne s’est jamais rien passé entre vous.
Ces paroles semblèrent l’ébranler un court instant, mettant le doute
dans son esprit. Mais elle finit par se détourner une nouvelle fois pour
continuer de remplir sa malle.
- Tu l’as idéalisé, Samantha, s’écria-t-il
alors, en désespoir de cause. Tout au long de ces années, tu l’as
rendu comme tu voulais qu’il soit et pas tel qu’il est réellement.
Imagine ta déception lorsque tu…
- Tais-toi ! finit-elle par le couper en se retournant. Rien de ce que tu pourras
dire ne me fera changer d’avis…
Elle avait le visage crispé, les lèvres tremblantes. Jamais il
ne l’avait vu si bouleversée.
- … J’ai attendu cet instant quarante et un ans, reprit-elle, en insistant
sur ces derniers mots. Crois-tu vraiment que je vais renoncer maintenant
?
Ils s’observèrent un instant, silencieux, puis des pas se rapprochèrent
des quartiers de la jeune femme et les firent se retourner d’un même
mouvement. Jacob apparut mais s’arrêta brusquement devant le visage
défait du couple.
- Je tombe mal ?
- Non, répondit sèchement sa fille. Nous avions fini.
Sans un mot, Kail jeta un dernier regard vers Samantha et sortit. Il entendit
cependant les derniers mots de Jacob.
- Tout est prêt, tu peux y aller. Je prépare le vaisseau en attendant.
*************************
Jack attendait, regardant les heures s’engrener dans une lenteur désespérante.
Carter était au courant, maintenant…
Il n’avait pas osé
demander à Daniel comment elle avait reçu cette nouvelle et Jackson
ne lui avait rien dit… Et rien que cela lui avait faire ressentir, avec
encore plus de force, le fossé qui le séparait d’eux. Le
Daniel qu’il avait connu n’aurait jamais pu se retenir de lui décrire
dans les moindres détails les réactions de Sam…
Et « elle »… Comment était-elle maintenant ? Quelle
femme était-elle devenue ? Oh, il savait parfaitement que, quels que
soient les changements survenus en elle, il continuerait de l’aimer. Le
temps ne pouvait avoir détruit ce qui la rendait si unique. Il avait
même peur de se voir devenir encore plus épris d’elle mais
à aucun moment il ne pouvait imaginer ne plus rien ressentir.
Tout était si frais dans sa mémoire. Sa voix, son sourire…
Son regard désespéré ancré au sien lorsqu’il
s’était lui-même enfermé dans ce cercueil…
A ce souvenir, son estomac de noua.
S’il avait su… En emportant cette image d’elle, s’il
avait su que c’était peut-être la dernière fois qu’il
la voyait le regarder ainsi, avec cette émotion à peine contenue
et pourtant si révélatrice.
S’il avait su…
A présent, elle était une Tok’ra, évoluant à
des années lumières de lui, avec une vie, des amis… là,
où il n’y avait pas de place pour lui.
Quelle ironie ! Maintenant qu’elle n’était plus son second,
qu’il était donc libre de l’aimer, elle lui était
encore plus inaccessible qu’avant.
Dans un soupir, il plongea ses mains tremblantes dans les poches de son pantalon.
Il avait peur. Une angoisse abominable au fond du cœur. Il espérait
et redoutait tout autant cette confrontation.
Le son d’un sas s’ouvrant le fit presque sursauter. Il se retourna
et croisa le regard doux de Teal’c.
- Elle vient d’arriver.
Jack sentit son cœur se figer et toute couleur déserter son visage.
Il finit par acquiescer et le jaffa sortit pour partir à la rencontre
de la jeune femme.
***
Sam pénétra dans les couloirs lumineux de la base, ces couloirs
si familiers qu’elle avait parcourus encore et encore, le même désespoir
au cœur.
Mais aujourd’hui, tout était différent.
Elle
passa les contrôles dans un état second et s’arrêta
brusquement à un carrefour. D’ordinaire, elle empruntait le couloir
de gauche menant à la salle « O’Neill ». Cette salle
où elle n’avait pas le droit de pénétrer, devant
laquelle elle était restée des heures entières, si proche
et pourtant si loin de lui.
Le faire revenir n’avait pas été chose aisée. Loin
de là. Compte tenue de la terrible menace que représentaient les
Réplicateurs, le décryogéniser n’avait pas été
le seul but de leurs recherches. Il avait fallu également trouver le
moyen de récupérer les connaissances des Anciens enfouies dans
son esprit afin de parvenir à créer une arme susceptible de sauver
l’univers de ces destructeurs de monde. Ils avaient fait de nombreuses
tentatives, encore et encore… Quarante ans… Elle aurait pu abandonner
et elle avait failli le faire à plusieurs reprises mais son découragement
n’avait jamais duré bien longtemps… Seul l’espoir avait
fini peu à peu par la déserter. Elle n’aurait peut-être
pas continué si Thor n’avait pas veillé à l’intégrer
aux recherches, la poussant à poursuivre sans discontinuer. Sam savait
que le but premier était la sauvegarde des mondes encore libres mais
elle savait également que l’Asgard tenait à aider Jack comme
celui-ci l’avait fait en son temps à de nombreuses reprises…
« Il » n’était plus là depuis plus de quarante ans mais
jamais, jamais il n’avait été oublié.
Sam était encore au beau milieu de ce carrefour lorsque Teal’c
s’approcha d’elle. Un sourire vint étirer ses lèvres
pâles et ils se serrèrent dans les bras un court instant. Ainsi
contre lui, la jeune femme sentit son appréhension grandir.
Quarante et un ans.
Une éternité.
Sa voix avait depuis longtemps disparu de sa mémoire et son visage n’y
était encore présent que par des photos conservées et jaunies
par le temps. L’éclat de son regard, ce regard dont elle savait
l’intensité n’était plus qu’un lointain souvenir…
Et son sourire…
Comment survivrait-elle à de telles retrouvailles ? Comment pourrait-elle
supporter tant d’émotion ? Elle tremblait de la tête aux
pieds et l’appréhension la clouait au sol. Elle avait tant de fois
imaginé cet instant. Mais elle savait qu’elle s’était
éloignée de la réalité. Son esprit l’avait
à chaque fois rendu plus doux, plus tendre et plus aimant. Ce n’était plus lui
depuis bien longtemps… Kail avait raison…
Alors comment était-il ?
Dur, intransigeant, militaire jusqu’au bout des ongles… mais aussi
juste et rassurant…
Sam fouilla désespérément dans sa mémoire mais les
mots lui manquaient. Elle ne le connaissait plus et pourtant tout son corps
l’appelait. Son cœur même hurlait. C’était lui.
Lui et personne d’autre.
Mais… Peut-être s’était-elle leurrée ? Peut-être
avait-elle attendu pour rien. A l’époque, cette décision
lui semblait la seule supportable, la seule envisageable et pourtant…
maintenant… Elle allait le revoir… « Lui ». L’origine
de toutes ces années de luttes et de recherches, de rêves et de
solitude.
Avait-elle fait le bon choix ? Avait-elle eu raison ?
La sortant de ses pensées, elle sentit une main se poser doucement sur
son épaule et tourna la tête vers son ami. Teal’c la regardait
avec douceur, un sourire encourageant sur les lèvres.
- Il n’a pas changé. Vous l’avez aimé il y a quarante
ans et vous l’aimerez encore.
Les larmes aux yeux, elle pressa les doigts chauds de son ami et fit les quelques
pas qui la séparait de « lui ». De la raison de toute sa
vie. Dans un soupir, elle s’avança et pénétra dans
la pièce avant de s’arrêter, figée, le regard posé
sur la haute silhouette se découpant devant la baie vitrée. Cette
silhouette si étrangement familière et pourtant oubliée.
Le cœur au bord de l’explosion, elle le regarda se retourner lentement,
désespérément lentement avant de plonger ses yeux bruns
dans les siens.
Alors tout lui revint. Absolument tout. Sa voix grave, son sourire si doux,
sa nonchalance naturelle dans le moindre de ses gestes, sa volonté inflexible,
sa force rassurante, sa présence si nécessaire… si vitale.
Une vague de souvenirs la submergea violemment, balayant toutes ses appréhensions,
toutes ses craintes. Comme par magie, elle vit son regard s’adoucir à
son contact et son cœur se gonfla d’une émotion qu’elle
n’avait plus ressenti depuis des années. Qu’elle n’avait
plus ressenti depuis qu’il était parti.
- Carter… dit-il simplement, l’électrisant par le simple
son de sa voix.
Incapable de bouger, incapable même de prononcer le moindre son, elle
l’observait, hypnotisée, s’enivrant de sa présence,
de son sourire, de lui. Des larmes glissaient sur ses joues pâles mais
Sam n’en avait même pas conscience. Elle le regarda s’avancer vers elle, lentement, avant de s’arrêter
si près qu’elle pouvait à présent sentir son parfum.
Elle ferma un instant les yeux et ne les rouvrit que lorsque la douceur d’une
main vint caresser sa joue.
- Vous n’avez pas changé…
Sam sourit à travers ses larmes.
- Quelques rides en plus, quand même.
- Je ne les vois pas… souffla-t-il, faisant chavirer son coeur.
Elle sentit son regard glisser sur elle et, effrayée, songea au choc
que les changements sur son visage devait malgré tout lui causer…
Certes, en quarante et un ans, elle n’avait pris qu’une dizaine d’années
mais… pour lui, qui avait certainement la sensation qu’il s’était
écoulé trois jours à peine, l’impression devait être
étrange, et pas dans le bon sens du terme.
Et pourtant…
Son regard brun était doux, chaud… Toujours la même tendresse,
toujours le même émerveillement. Un émerveillement qui devait
se lire aussi sur son visage à elle tandis qu’elle savourait de
le revoir si vivant ; se délectant de la rudesse de ses traits, de la
force qui émanait de chaque atome de son être. Non, il n’avait
pas changé. C’était lui, exactement le même. Avec
sa détermination, son courage et sa générosité…
Son amour aussi. C’est ce qu’elle lisait à cet instant dans
ses yeux, comme s’il avait, pour la première fois depuis qu’elle
le connaissait, laissé tomber ses défenses, cette réserve
qu’il s’obligeait à avoir en toutes circonstances.
Alors elle leva une main tremblante vers lui et caressa sa joue, la frôlant
pour commencer puis raffermissant son contact peu à peu.
Dieu qu’elle aimait ce visage.
- … Je suis venue si souvent… mais je ne pouvais pas vous voir…
murmura-t-elle, la voix se brisant sur ces mots.
Sentant son besoin de réconfort, Jack attira Sam à lui et la serra
contre son cœur. Elle l’étreignit à son tour avec un
mélange de désespoir et de fièvre, sanglotant à
présent sans honte, se vidant de toute la souffrance accumulée.
Elle pleura longtemps contre lui, bercée par ses mains glissant dans
ses cheveux, par son souffle sur sa peau, par la chaleur de son corps.
Lorsqu’elle retrouva un semblant de calme, elle se redressa un peu gênée
qu’il ait eu à supporter un tel épanchement puis leva les
yeux vers lui. Ils se sourirent gauchement
et Jack finit par se racler la gorge.
- Alors… Il paraît que vous avez un serpent dans la tête…
? dit-il, accompagnant ces paroles d’un clin d’œil.
Elle vit une lueur d’inquiétude dans son regard ; pas de dégoût
comme elle aurait pu le croire étant donné son aversion pour les
symbiotes, mais bien de la crainte… La crainte de l’avoir perdue
?
- Non, répondit-elle donc.
Perplexe, il fronça les sourcils.
- Non ? Comment ça ?… Je croyais…
Comme il se tut, elle sourit avant de murmurer :
- … Je n’avais plus de raisons d’être une Tok’ra.
Elle vit le trouble que cette révélation eut sur lui. Il semblait
profondément bouleversé.
C’était à cette seule condition que Sam avait accepté
l’implantation : une fois Jack réveillé, si on trouvait
un nouvel hôte, le symbiote devait être retiré. A l’époque
cet accord avait arrangé tous les partis. Et depuis que la Terre avait
appris l’existence de la Tok’ra, des hôtes volontaires, des
malades incurables, il n’en manquait pas. Bien sûr, se séparer
de Meli’n avait été dur. Quarante ans de vie partagée
n’étaient pas aisés à mettre de côté mais
si Sam « le » voulait, si elle désirait vivre avec «
lui », elle devait aller jusqu’au bout.
Alors voilà. Elle était de nouveau elle-même. Différente
à jamais mais seule.
Ou peut-être pas… songea-t-elle, un violent frisson la traversant
de part en part.
Les yeux de Jack venaient de se poser sur ses lèvres. Elle sentit ses
joues s’empourprer devant l’insistance de ce regard brûlant
et son cœur se mit à battre à coups redoublés dans sa poitrine.
Fiévreuse, dans l’attente de ce baiser, elle le vit pourtant hésiter
puis détourner les yeux, s'interdisant encore une telle intimité. Alors ce fut
elle qui prit les devants. Lentement, elle leva son visage vers lui, s’approchant
peu à peu. Il se figea aussitôt, troublé, retenant sa respiration
qui l’instant d’avant était devenue plus saccadée.
Elle combla finalement le vide entre eux et posa doucement ses lèvres
sur les siennes, les caressant avec tendresse dans un geste plein de timidité
et d’émotion. Gémissant contre sa bouche, Jack finit par
la serrer plus fort contre lui, approfondissant leur baiser.
Dans un soupir, elle se laissa aller contre lui, oubliant le fossé que
les années avaient creusé entre eux…
Certes, rien n’était résolu. Ils étaient en
quelque sorte deux amants que la vie avait séparés. Ils devaient
réapprendre à se connaître… mais il y avait toujours
ce lien, ce fil invisible les reliant l’un à l’autre.
Immuable
et intemporel.
FIN