Assise sur son canapé, Tonks jeta un bref coup d’œil à la pendule du salon et s’étira paresseusement. L’eau de la douche avait cessé de couler depuis quelques minutes déjà et elle lança d’une voix forte :
- C’est bientôt l’heure !
Quelques bruits lui parvinrent de la pièce voisine et elle finit de lacer ses tennis bariolées en agitant sa baguette en direction de ses pieds.
- J’arrive, lui répondit Remus.
Quelques secondes plus tard, celui-ci apparut sur le seuil du salon et fit quelques pas dans la pièce, balayant les lieux du regard.
- Tu cherches quelque chose ? demanda-t-elle en se levant.
Il reporta de suite son attention sur la jeune femme et esquissa un sourire qu’elle jugea forcé.
- Non, non…
- Mmmm… fit-elle, sceptique.
Elle s’approcha de lui et entoura sa nuque de ses deux bras. Il se raidit aussitôt.
- Quelque chose ne va pas ? s’inquiéta-t-elle en s’écartant légèrement.
Tonks chercha à croiser son regard mais en vain. Il glissa pourtant les mains autour de ses hanches et se pencha afin de la serrer dans ses bras. Un peu surprise par cette étreinte alors que l’instant d’avant, il semblait vouloir l’éviter, Nymphadora sourit finalement et se pressa contre lui.
- Ahhh… soupira-t-elle doucement, le visage niché dans son cou. Je préfère ça...
Elle ne pouvait pourtant pas dire qu’elle était en manque de câlins. Depuis leur retour du Terrier, hier midi, ils n’avaient guère eu l’occasion de quitter la chambre et Tonks esquissa un sourire avant de déposer un baiser sonore sur les lèvres de Remus.
- On y va ?
Celui-ci acquiesça et tendit une main vers son vieux pardessus élimé.
- Laisse ta cape ici ! proposa la jeune femme en jetant un coup d’œil par la fenêtre. Il fait un temps superbe et tu es déjà en pull.
- … Je préfère la prendre, on ne sait jamais, dit-il, curieusement embarrassé.
Tonks haussa les sourcils et avisa les joues pâles de Remus. Il avait l’air malade. Pourtant la pleine lune n’était que dans neuf jours…
- Tu ne rentreras pas avec moi, ce soir ? s’enquit-elle, perspicace.
Evitant son regard, Lupin enfila à la hâte son manteau puis se dirigea vers l’entrée.
- Je ne pense pas, finit-il par annoncer. Mais nous en reparlerons plus tard.
Le timbre de sa voix était aussi indéchiffrable qu’à l’ordinaire mais lorsqu’il se tourna enfin vers elle, Tonks fut soulagée de le voir esquisser un sourire encourageant.
- Ok ! lança-t-elle donc en s’avançant vers lui. De toute façon, il fallait bien que ça s’arrête un jour !
Elle posa la main sur la poignée de la porte d’entrée puis leva de nouveau les yeux vers Remus. Celui-ci s’était figé et la regardait avec un mélange d’incrédulité et de stupeur.
- Que… Comment ? bredouilla-t-il.
Tonks haussa les sourcils.
- Eh bien oui, répondit-elle, perplexe. Ça fait une semaine entière que tu passes toutes tes nuits ici… Mais je n’espérais pas pour autant te voir emménager avec moi !
- Oh !… fit-il en acquiesçant.
La jeune femme inclina la tête de côté.
- Tu pensais que je parlais de quoi ? demanda-t-elle en souriant. Tu croyais que je voulais te quitter ?
Remus parut plus embarrassé que jamais et Tonks éclata de rire.
- Non, non, non, dit-elle une fois calmée. Il est hors de question que tu te débarrasses de moi si facilement !
Et sur ces mots, elle glissa une main derrière la nuque de Lupin et l’attira à elle afin de l’embrasser. Elle y mit le plus d’ardeur possible et fut surprise de le voir lui répondre avec autant de fougue. Lorsqu’ils s’écartèrent enfin, le cœur de la jeune femme battait à se rompre dans sa poitrine et son regard se fit pétillant de malice.
- Si tu continues comme ça, je vais t’enfermer ici et manger la clé.
Pour seule réponse, Remus caressa sa joue du bout des doigts avec une infinie tendresse et une certaine gravité. Le sourire de Tonks s’accentua.
- Allons-y, murmura-t-elle, émue.
Dire qu’elle se sentait en partie comblée était un euphémisme. Elle en avait presque honte en songeant qu’une semaine auparavant, Sirius se faisait tuer. Mais la douleur de sa perte ne pouvait lui faire oublier ces jours avec Remus et cette impression délicieuse de se voir enfin acceptée par lui. Alors son bonheur n’était peut-être pas parfait, mais il avait l’avantage d’exister.
Depuis le début de leur histoire, jamais Tonks ne s’était sentie aussi en sécurité et confiante. Tout lui semblait enfin possible.
Sous l’initiative de la jeune femme, ils sortirent de son appartement et, quelques minutes plus tard, transplanèrent non loin de King’s Cross afin de faire le reste du chemin à pieds.
- Veux-tu qu’on se sépare ? demanda-t-elle, conciliante. Pour qu’on n’arrive pas en même temps.
Remus sembla réfléchir un bref instant puis secoua la tête.
- Inutile, dit-il avant de rajouter d’une voix presque inaudible : Ça ne servirait pas à grand chose, de toute façon.
La jeune femme haussa les sourcils.
Savait-il quelque chose qu’elle ignorait ? Peut-être n’avaient-ils pas été assez discrets, hier, au Terrier. Il était après tout très possible que les Weasley les aient vus, ou tout autre membre de l’Ordre, d’ailleurs.
Tonks ouvrit la bouche pour lui demander confirmation mais préféra finalement n’en rien faire. Elle le découvrirait bien assez tôt.
Ils firent donc le reste du chemin en silence, puis aperçurent enfin les Weasley, flanqués de deux de leurs fils, ainsi que d ’Alastor Maugrey, attendant sagement entre les voies 9 et 10.
- Ah, les voilà ! s’exclama Molly en agitant inutilement le bras vers eux afin d’attirer leur attention.
- Désolée pour le retard, s’excusa Nymphadora en s’arrêtant à leur hauteur. Jolis blousons, les garçons ! C’est en peau de dragon ?
Fred et George se rengorgèrent aussitôt avant d’expliquer dans un ensemble parfait le pourquoi et le comment d’un tel achat. Tonks les écouta d’une oreille distraite. Elle venait de croiser le regard scrutateur de Molly qui passait de Remus à elle avec sur le visage une certaine perplexité. Quelques secondes plus tard, le jour sembla se faire dans son esprit mais elle ne fit aucun commentaire et reporta vivement son attention sur la pendule de la gare.
Nymphadora sourit.
Voilà. Elle était officiellement avec Remus Lupin. Dans peu de temps, tous seraient mis au courant et ils n’auraient plus à se cacher.
La jeune femme leva les yeux vers le maraudeur et observa son visage marqué et particulièrement pâle.
- Vous savez comment va Harry ? demanda-t-il aux Weasley.
Le regard de Molly se fit soucieux.
- J’ai demandé des nouvelles aux enfants et Ginny nous a écrit qu’il tenait le coup. Il est selon elle plutôt calme et solitaire… Mais c’était à prévoir.
- Il aurait tout aussi bien pu piquer une crise et faire n’importe quoi, intervint Fol Œil avec sa délicatesse habituelle. M’enfin… ce gosse est costaud. Il en a vu d’autres.
- Sirius était très important pour lui ! s’indigna Nymphadora, agacée de voir Alastor parler de son cousin aussi légèrement.
- Je sais bien ! Mais avoue que depuis qu’il est né, Potter en a vu de belles et s’en est toujours sorti !
Tonks renifla dédaigneusement mais resta silencieuse.
Maugrey n’avait pas tort.
- Le plus important, c’est qu’il voit que nous sommes avec lui, dit Molly avec anxiété. Qu’il n’est pas tout seul.
- Et que la vie continue, ajouta Arthur d’un ton solennel.
Tonks vit Remus se détourner, la mâchoire crispée, et elle dut réfréner une envie puissante de le serrer dans ses bras. Un silence méditatif se fit, rapidement brisé par Mrs Weasley :
- Ils doivent être arrivés maintenant ! déclara-t-elle en observant la pendule au-dessus de la voie 9.
- Ce ne serait pas les moldus de Potter, là-bas ? s’enquit Fol Œil de son timbre le plus bourru.
Tonks tourna un regard curieux dans la direction indiquée. Un couple endimanché et mal assorti – l’homme était aussi gros que la femme était maigre – se tenait à l’écart des autres familles. A côté d’eux, un garçon trapu au visage patibulaire jetait de fréquents coups d’œil inquiets autour de lui.
Les jumeaux échangèrent un sourire complice et hochèrent la tête avec vigueur.
- Ce sont eux, oui, confirma Arthur, tandis que Molly lançait un regard sévère à ses deux fils. M’est avis qu’ils ne gardent pas un très bon souvenir de nous…
- Que s’est-il passé ? demanda Tonks, intéressée.
Arthur jeta un rapide coup d’œil vers sa femme et esquissa un sourire forcé.
- Oh… Trois fois rien !
- On te racontera, intervint Fred à voix basse.
- Ça devrait te plaire, renchérit George sur le même ton.
- Oh non, vous ne direz rien du tout ! explosa Molly. Quand je pense à ce que… !
Mais elle s’interrompit. Les premiers voyageurs du Poudlard express passaient la barrière magique du quai 9 ¾, traînant de lourdes valises derrière eux. Cette agitation était si familière à Tonks qu’elle se crut revenue quelques années en arrière.
- Les voilà ! s’écria Molly en faisant de larges signes au-dessus de sa tête.
Ce fut un Harry pâle et grave qui vint les rejoindre. Elle ne l’avait vu qu’en coup de vent lors de la bataille du Ministère et, dans l’urgence et l’agitation du moment, elle n’avait pas remarqué combien il avait grandi tout au long de l’année. Mais au delà de cela, ce qui la frappa le plus était la maturité et le calme qu’il dégageait. Il n’était plus l’adolescent agité qu’elle avait croisé au 12 Square Grimmaurd. La mort de Sirius l’avait changé. Irrémédiablement.
Les retrouvailles se firent avec un mélange d’allégresse et de retenue. Harry semblait sincèrement heureux et peut-être même soulagé par leur présence et Tonks jugea qu’ils avaient bien fait de venir l’accueillir. Les parents d’Hermione se joignirent bientôt à la fête et quelques minutes plus tard, ils s’avancèrent en force vers les Dursley.
Cette petite mise au point ne fut guère longue et lorsque Harry se tourna une dernière fois pour les saluer de la main, Tonks eut le cœur serré de le voir contraint de partir avec ces moldus. La famille paternelle de Nymphadora n’était guère plus accueillante mais au moins, elle pouvait l’éviter à loisir.
- Ca s’est plutôt bien passé, dit-elle en se tournant vers les autres.
- Son air grave m’a brisé le cœur, intervint Molly, avant de s’exclamer brusquement : Fred ! Tu pourrais aider ta sœur quand même !
Ginny tentait de hisser sa valise sur le chariot mais peinait à y parvenir. Son frère sortit aussitôt sa baguette mais Mrs Weasley se récria :
- Sans magie, voyons ! On est dans un lieu public !
- Tu devrais le crier plus fort, M’an, souligna George avant de s’éloigner à la hâte.
Molly rougit d’embarra et agita sa main potelée à hauteur de ses joues.
- Il fait chaud, ici. Bon ! Nous allons rentrer. Alastor ? Vous voulez passer au Terrier ?
- Non, je crois que vous avez suffisamment à faire avec tous ces…
Il s’interrompit en désignant les enfants Weasley qui s’agitaient à quelques pas de lui et, ne trouvant aucun terme raisonnablement poli pour les décrire, il préféra couper court.
- Enfin bref. Allez, à bientôt.
Et avec un salut pressé de la main, il s’éloigna, repoussant la foule avoisinante à coups de bâton agacés.
- Remus ? Tonks ? demanda Molly en se tournant vers eux.
- Alastor n’a pas tort, répondit calmement Lupin. Tu as suffisamment à faire. Et puis nous avions prévu autre chose.
Nymphadora haussa les sourcils mais s’empressa d’acquiescer.
- C’est vrai, affirma-t-elle.
- Très bien ! répondit Mrs Weasley en souriant. A bientôt, alors ! N’hésitez pas à passer !
- Merci Molly. A bientôt Arthur.
Après les salutations d’usage, la famille Weasley s’éloigna dans un brouhaha assourdissant et Tonks put enfin respirer.
- Ils sont presque aussi bruyants qu’un stade de Quidditch un jour de match !
La jeune femme se tourna vers Remus.
- Alors ? On a « prévu autre chose » ? demanda-t-elle, un sourire mutin sur les lèvres. Tu pensais à quoi au juste ?
Lupin continuait de fixer la foule, là où la famille Weasley avait disparu. Il était pâle, plus qu’à l’ordinaire et Tonks posa une main sur son bras.
- Eh oh ! Y a quelqu’un ?
Remus ferma les yeux, inspira une énorme bouffée d’air puis se tourna vers la jeune femme.
- Viens.
Et sans un mot de plus, il lui prit la main et se mit en marche. La jeune femme le suivit docilement, trottinant presque derrière lui tant ses foulées étaient longues et rapides.
- Qu’est-ce qui se passe ? s’enquit-elle, slalomant entre les voyageurs pressés.
Ils manquèrent de percuter de plein fouet un chariot et Tonks éclata de rire.
- Eh ! Ralenti un peu !
- Je ne peux pas.
- Ah bon ? répliqua la jeune femme amusée, curieuse de voir où ils allaient.
Elle se tut donc et ne reprit son souffle que lorsqu’ils atteignirent une ruelle obscure et désertée. Là seulement il la lâcha et s’écarta d’elle, le regard fuyant.
- Ok… dit-elle. Et maintenant ? On fait quoi ?
Mais Remus resta immobile devant elle, tête baissée. Ses cheveux parsemés de mèches blanches cachaient en partie ses yeux mi-clos. Elle attendit quelques secondes puis leva la main vers lui… mais il fit un écart et le bras de Tonks retomba.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle en haussant les sourcils.
Là encore, il resta figé et muet. Parfois, il prenait de longues bouffées d’air et semblait sur le point de parler mais il replongeait inévitablement dans un silence obstiné.
- Mmm, fit la jeune femme en souriant. Il faut que je devine ? A voir la façon dont tu te tortilles nerveusement devant moi, ça doit être sacrément embarrassant. Enfin, embarrassant pour toi, rajouta-t-elle en riant.
Comme il restait toujours aussi silencieux et refusait catégoriquement de croiser son regard, Tonks demanda, l’air mutin :
- Est-ce qu’il s’agit de… pensées coquines ? Tu m’as emmenée dans cette petite ruelle obscure dans le but inavouable d’abuser de moi ?
- Arrête… souffla-t-il de façon à peine audible.
- Ce n’est pas ça ? Raah ! grogna-t-elle. Je suis déçue !
- Nymphadora…
- Oui ?
Elle se pencha vers lui, cherchant à capter son regard, puis soupira bruyamment en tapant du pied.
- Ouiiii ? répéta-t-elle impatiemment.
Face à ce silence, un doute vint brusquement saisir la jeune femme et elle retint sa respiration.
Allait-il lui dire ce qu’il ressentait pour elle ? Ferait-il dorénavant le premier p… ?
- C’est terminé.
Tonks sursauta presque lorsqu’il parla. Troublée par les pensées qui l’avaient envahie, elle mit quelques secondes à assimiler cette courte phrase.
- Terminé ?… Qu’est-ce qui est terminé ? répéta-t-elle, perplexe.
- … Toi, moi… murmura-t-il en levant enfin les yeux vers elle. Nous.
Là encore, il lui fallut un instant pour trouver un sens à ses propos, tant ils étaient éloignés de ses propres pensées.
« C’est terminé… Toi, moi… Nous. »
Perdue, elle observa le visage pâle de Remus, ses traits tirés et son regard résolu. Alors seulement, une douleur sourde traversa la jeune femme lui amenant malgré elle les larmes aux yeux.
- … Je ne comprends pas… bredouilla-t-elle. Pourquoi dis-tu ça ?
Il plaisantait, ou bien ils s’étaient mal compris, mais il ne pouvait pas lui annoncer une chose pareille. Pas maintenant.
Plus maintenant.
- C’est fini, Nymphadora. Je mets un terme à tout ça.
- Tout ça ? répéta-t-elle de nouveau, se contraignant à respirer lentement afin d’apaiser le sentiment de panique qui l’assaillait. Je ne comprends pas…
- Tu as très bien compris.
Tous deux étaient immobiles et s’observaient, assommés par une même peur, un même déchirement mais à l’inverse de Tonks, Remus parvenait à les cacher. Elle secoua lentement la tête, l’esprit envahi par des images d’eux. Par cette semaine passée à ne vivre que pour l’autre. Par son sourire au Terrier. Par ses doigts enlaçant les siens. Par cette étreinte sur le seuil de son appartement.
Elle ferma les yeux et leva une main tremblante jusqu’à son front. Il était brûlant mais le reste de son corps semblait glacé.
Ce qu’elle vivait à l’instant était faux. C’était impossible. Il lui mentait…
Il devait lui mentir.
- Non ! s’exclama-t-elle en plongeant un regard accablé dans celui indéchiffrable de Lupin. Je refuse ! Comment veux-tu que je comprenne ? Tu ne peux pas faire ça ! Je n’ai pas rêvé ! Cette semaine, tu étais là ! Tu étais avec moi ! Comment peux-tu dire une chose pareille ?
- Nymphadora…
Mais elle secoua vigoureusement la tête et fit machinalement quelques pas en arrière.
- Non ! lança-t-elle en levant les mains pour couvrir ses oreilles. Non ! Tu t’amuses encore à me faire du mal ! Tu changes sans arrêt d’avis ! Je ne veux pas t’écouter !
- Nymphadora…
- Arrête ! s’écria-t-elle en relevant la tête, prête à en venir aux mains pour le faire taire.
Mais l’impassibilité apparente de Remus face à cette situation pourtant si dramatique la ramena quelque peu à elle, et sa peur fit soudain place à la colère.
- Alors c’est quoi aujourd’hui ? cracha-t-elle d’une voix dure. J’étais trop jeune, tu étais trop dangereux, et maintenant quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Ma coupe de cheveux ? Mes vêtements ? Mon appartement ? Qu’est-ce qui peut bien déplaire au difficile Remus Lupin ? Vas-y ! Je t’écoute ?
Elle se tut, le visage déformé par la rage, ses yeux brillants d’une fureur à peine contenue. A chaque seconde elle devait réfréner une violente envie de se jeter sur lui, de le frapper jusqu’à ce qu’il cesse de lui dire encore et encore que rien n’était possible entre eux. Que rien ne serait jamais possible.
Elle y avait cru. Elle y avait cru si fort ces derniers jours ! Comment pouvait-il se montrer si attentionné et le jour d’après lui balancer dans la figure que tout était terminé ?
- Tu sais pourquoi… répondit-il avec un calme qui la mit hors d’elle.
- Oh non, par pitié, ne me ressors pas ces inepties ! Pour l’amour du ciel, Remus ! La semaine qu’on vient de passer ne compte donc pas pour toi ?
- Bien sûr que si ! s’exclama-t-il contre toute attente.
Sa voix cassée sembla résonner quelques secondes autour d’eux, mais très vite, Lupin revêtit son masque d’indifférence. Il était cependant trop tard. Tonks avait parfaitement perçu son désespoir.
- Alors où est le problème ? demanda-t-elle sur un ton devenu suppliant. On est bien ensemble, Remus. Pourquoi refuses-tu de l’admettre ? Pourquoi refuses-tu de te laisser aller ? De nous donner une véritable chance ?
- Parce que tu mérites mieux ! finit-il par jeter, abandonnant l’idée de se cacher plus longtemps derrière une froideur qu’il n’éprouvait pas. Parce que je ne pourrai jamais t’apporter ce que tu veux !
- Mais que sais-tu de mes envies ? Je ne te demande rien, Remus ! Rien d’autre qu’être avec toi !
- Justement. C’est cela que je ne peux t’apporter.
Tonks serra ses poings qui soudain la démangeaient.
- Pourquoi ? s’enquit-elle non sans sarcasme. Parce que tu es trop vieux, trop pauvre et trop dangereux ? C’est ça ?
- Oui ! dit-il en la fixant durement. Et ne fais pas ça, Nymphadora. Ne tourne pas en dérision ces faits.
- Pourquoi pas ? le nargua-t-elle en redressant la tête.
La mâchoire de Lupin se crispa.
- Parce que j’ai failli te tuer !… Et qu’il se pourrait bien qu’un jour j’y parvienne.
Nymphadora se mordit la lèvre. Quelques semaines plus tôt, elle avait trouvé étrange de le voir passer sous silence leur petite altercation dans le grenier. Mais bien sûr, il ne l’avait pas oubliée.
- Alors quoi ? fit-elle, soudain très lasse. Tu refuses toute possibilité de bonheur pour un malheureux accident ?
- Un malheureux accident… répéta-t-il, les poings serrés.
Ils s’observèrent de nouveau, chacun sur leurs positions, et Tonks finit par secouer la tête.
- Tu sais ce que je crois, Remus ? dit-elle avec une pointe de dérision. C’est que tu aimes souffrir. Tu te complais dans la solitude et la douleur.
- C’est ridicule !
- Je ne crois pas. Tu repousses tout ce qui pourrait te faire du bien. Ce qui pourrait te rendre heureux. C’est tellement mieux de se torturer l’esprit alors que les choses pourraient être si simples. Mais toi, Remus. Tu adores tout compliquer, lâcha-t-elle avec froideur.
- Parce que les choses sont compliquées ! se défendit-il. Tu ne connais rien de ma vie ! Tu n’as pas la moindre idée de ce que j’ai vécu !
- Tu oublies que j’ai eu Sirius comme cousin.
Lupin secoua la tête avec exaspération.
- Sirius est… était comme toi ! se reprit-il avec douleur. Il ne pensait aux conséquences de ses actes que lorsqu’il était trop tard ! Et vois où ça l’a mené !
Un claquement sec retentit dans la ruelle, laissant aussitôt sa place à un silence pesant. Mortifiée, Tonks regarda sa propre main encore levée puis la joue de Remus.
- Je suis désolée, dit-elle aussitôt.
Lupin fit machinalement jouer sa mâchoire avant de reporter son attention sur la jeune femme.
- Tu vois, dit-il d’une voix neutre. En voici le parfait exemple.
Tonks cilla, le visage blême.
- Ca n’a rien à voir… bredouilla-t-elle, sentant les choses lui échapper.
- Au contraire. Tu es si jeune, Nymphadora et par bien des côtés, Sirius l’était tout autant. C’était encore un gosse lorsqu’ils l’ont jeté à Azkaban, à peine plus âgé que toi. Ce sont les épreuves qu’on subit au jour le jour qui nous permettent de mûrir, de nous endurcir. Ce sont nos erreurs et les expériences qu’on en tire qui nous font avancer. Sirius n’a pas pu vivre tout cela. Et toi, tu ne l’as pas encore fait.
- Et ça me rend donc indigne de toi ? demanda-t-elle d’une voix brisée.
- Bien sûr que non. Mais ça prouve simplement qu’il y a un fossé entre nous qui ne peut être comblé…
Remus se tut un bref instant et observa le visage défait de la jeune femme. Parler lui faisait mal. Chaque mot lui coûtait mais il gardait en lui la certitude de faire ce qui était juste.
- Je tiens beaucoup à toi, Nymphadora, finit-il par avouer. Mais ça ne suffit pas à oublier tout ce qui nous sépare. Ça ne suffit pas.
Il y avait une telle détermination dans son regard, une telle fermeté dans ses propos que Tonks sentit confusément ses yeux s’embuer.
- Pourquoi maintenant ? souffla-t-elle. Pourquoi me dis-tu tout cela maintenant ?
- Parce que je pars, répondit-il avec effort. Dumbledore m’a demandé de rejoindre les miens et de surveiller Greyback.
La douleur dans la poitrine de Nymphadora se transforma brusquement en terreur.
- NON ! s’écria-t-elle aussitôt. Non, tu ne peux pas accepter ça ! C’est de la folie!
- C’est pourtant indispensable, dit-il avec calme. Tu sais bien que Greyback veut se lier à Voldemort. Nous devons savoir ce qui se passe exactement entre eux.
- Mais Pettigrow sait que tu es un Loup-Garou ! Il en a forcément parlé à Tu-sais-qui !
- C’est un risque à courir.
- Un risque à courir… bredouilla-t-elle.
Ses mains tremblaient, ses dents s’entrechoquaient.
Elle pouvait encore supporter de le voir la rejeter mais l’idée de le perdre pour toujours lui était insupportable.
- Non, répéta Tonks. Il y a sûrement un autre moyen, une autre façon d’avoir ces informations…
- Et comment ?
- Je ne sais pas ! s’énerva-t-elle, cherchant fébrilement une manière d’y parvenir.
- Crois bien que Dumbledore a longtemps pesé le pour et le contre avant de me demander ça.
Balayant ces propos de la main, Tonks leva un regard suppliant vers lui.
- Tu peux bien refuser !
- Vraiment ? se contenta-t-il de dire avec légèreté.
- Oui, vraiment !
- Nymphadora…
- Je ne veux pas que tu y ailles !
- Je sais…
Le regard de Remus s’adoucit et l’espace d’un furtif instant, elle crut qu’il allait la prendre dans ses bras mais il se détourna.
- C’est donc pour ça que tu me quittes, murmura-t-elle d’une voix blanche.
Il aspira une longue bouffée d’air avant de répondre.
- Je profite de le faire maintenant… puisque avant, je n’y arrivais pas.
Tonks sentit les larmes qu’elle réfrénait depuis plusieurs minutes glisser lentement sur ses joues et elle baissa la tête.
Depuis le début. Depuis le début, il cherchait à la quitter. Même pendant cette semaine où elle avait cru enfin qu’il capitulait.
- Donc tu n’as jamais crû en nous… dit-elle dans un souffle, refusant de lever les yeux vers lui.
- Non.
La réponse claqua avec force et Tonks sentit ses derniers espoirs s’envoler.
- C’est terminé, Nymphadora. Quoiqu’il se passe, je ne reviendrai jamais vers toi.
Avec ce chapitre, Gjc597 et moi concluons le Tome 5. J’espère que jusqu’ici, cela vous a plu ! Nous avons essayé de rester le plus proche possible du livre. Ça n’a pas été simple, il y a sûrement quelques erreurs et nous nous en excusons. Jusqu’ici, la fic fait plus de 200 pages… et nous espérons que la seconde partie n’en fera pas 200 de plus… lol (Sinon, Gjc597 risque de se tirer une balle dans la tête ! Elle me maudit déjà depuis plusieurs mois…)
Nous tenons à remercier particulièrement Aelwing, Pauline Carter O'Neill, Mya, Luciole, Sally PDN et Metaf pour leur fidélité ! Cela nous aide vraiment pendant l’écriture parfois laborieuse de certains chapitres.
Merci encore et à dimanche prochain pour la suite !