LUNARD

 

Chapitre 8


Dans un puissant soupir, Remus enfila prestement son pull au tissu usé, lissa quelques plis puis passa une main nerveuse dans ses cheveux afin de les ramener inutilement en arrière. Il rajusta ensuite le col et les poignets de sa chemise, se tourna machinalement vers le petit miroir accroché au mur puis soupira de nouveau.

Cela faisait trois jours qu’il n’avait pas revu Tonks. Enfin… Deux jours et demi pour être exact. Depuis ce matin, chez elle. Depuis leur baiser.

Il revoyait avec une netteté troublante le visage souriant de la jeune femme. Son regard provoquant qui lui avait donné l’irrésistible envie de s’attarder… Mais Il s’était pourtant relevé. La poche de son pantalon contenait une liste potentielle de Mangemorts qu’il fallait remettre de toute urgence à Dumbledore.

Après avoir enfilé rapidement son manteau, il s’était de nouveau tourné vers la jeune femme et avait brusquement réalisé qu’une fois encore, la situation lui était plus qu’étrangère. Qu’était-il censé faire, à présent ? N’avait-il pas laissé sous-entendre que jamais il ne prendrait l’initiative de leurs rencontres ?

Fort heureusement, Tonks s’était empressée de mettre un terme à l’embarrassant silence.

- On se voit ce soir ?

- Ce soir, c’est la pleine lune, indiqua-t-il posément.

- Je sais ! Mais je pourrais te tenir compagnie ! On parlerait épilation et soin capillaire !

Le sourire resplendissant de Tonks atténuait ses propos et Remus eut toutes les peines du monde à garder son sérieux.

- Ce n’est pas drôle… grommela-t-il pour la forme. Je préfère être seul, si ça ne te dérange pas.

- ... Tu réagirais pareil si j’étais Sirius ?

- Il ne s’agit pas de lui, tu le sais très bien, soupira-t-il, soudain mal à l’aise. Essaie de me comprendre, s’il te plait.

La jeune femme leva aussitôt les mains.

- D’accord, d’accord. Dans ce cas, je passerai demain, voir comment tu vas.

Le regard plein d’espoir qu’elle leva vers lui accentua davantage sa nervosité. Il ne voulait pas la blesser en refusant. Il ne voulait pas la repousser. Mais l’idée qu’elle le vît alité, faible et malade, le gênait. Ce n’était pas un état temporaire mais régulier et surtout permanent.

Alors non, il n’avait pas envie de la voir rajouter cela à la liste déjà longue de ses défauts.

- Ecoute… Mes lendemains sont assez difficiles…

Le sourire de la jeune femme faiblit légèrement.

- … et « tu préfères être seul », c’est ça ? poursuivit-elle à sa place.

- Oui…

La gorge serrée d’appréhension, Remus observa le visage figé de Tonks.

- Très bien ! répondit-elle cependant avec entrain. Alors on se reverra lorsque tu daigneras enfin sortir de ta grotte !

Le ton léger de Nymphadora, la lueur compréhensive dans ses yeux l’avaient fait soupirer de soulagement. Il avait alors réalisé combien ces derniers jours avaient été difficiles sans elle. Combien sa froideur l’avait touché. Et même si une partie de lui refusait d’approuver une relation avec elle, l’autre en était hélas déjà dépendant.

Alors à présent, il était là, devant son miroir, à examiner son reflet d’un œil critique. Contrairement à d’habitude, il avait plutôt bonne mine. Peut-être était-ce simplement dû à perspective de la revoir.

Et pourtant, pendant ces quelques jours, son appréhension concernant leurs retrouvailles n’avait fait que grandir. Que ferait-elle, en le voyant ? Comment parviendrait-il à gérer des effusions inévitablement publiques ? Il imaginait déjà la jeune femme s’élancer vers lui et lui sauter au cou…

- Merlin… soupira-t-il, ne visualisant que trop bien la stupéfaction peinte sur tous les visages.

Il n’y survivrait pas…

Le regard tourmenté de Remus se posa sur le fauteuil que Sirius occupait habituellement. Il n’en avait même pas parlé à son meilleur ami. Plusieurs fois, pourtant, il avait ouvert la bouche pour le faire mais à chaque fois les mots étaient restés bloqués dans sa gorge.

Qu’allait-il penser ?

Tonks et lui étaient si dissemblables, et par certains côtés si radicalement opposés. Mais au-delà de leurs caractères, ce qui le gênait le plus était leur différence d’âge. Nymphadora était si jeune. Si désespérément jeune. Certes, il voyait difficilement Sirius désapprouver cette relation mais en son fort intérieur, ne trouverait-il pas cela moralement discutable ? Et Molly ? Arthur ?

Et les autres ?

Remus soupira de nouveau.

Il entendait déjà Tonks lui lancer d’une voix exaspérée :

« Et alors ? Quelle importance, ce que pensent les autres ? »

Et pourtant cela en avait. Pour lui. Il était aisé pour une femme comme Nymphadora de se lier avec les gens. Elle était si ouverte, si sociable. Mais lui avait passé la plus grande partie de sa vie à cacher sa véritable nature, ou à se voir craint et fui. Il ne voulait pas perdre les quelques personnes qui voyaient en lui autre chose qu’un monstre. Il ne voulait pas risquer de se voir rejeté.

Oh bien sûr, il imaginait difficilement Sirius ou même les Weasley réagir ainsi. Mais il aimait le rôle qu’on lui attribuait. Le sage et réfléchi Remus.

Dans un grognement agacé, Lupin se tourna vers le petit miroir de sa chambre et observa son reflet. Son regard fiévreux, son visage écarlate, son souffle court étaient bien loin de son attitude habituelle. Mais il était à la fois si impatient de voir Tonks et inquiet à l’idée de ce qui pouvait se passer qu’il avait toutes les peines du monde à se calmer.

Non… Il n’avait plus rien de sage et de réfléchi, à cet instant précis.

Un bruit sourd et régulier lui parvint alors. Il reconnut sans peine le pas dynamique de Sirius qui montait les marches quatre à quatre et s’arrêtait sur le seuil de sa chambre.

- Lunard ! appela-t-il tout en tapant quelques coups secs contre le battant. Qu’est-ce que tu fiches ? Il ne manque plus que toi !

- J’arrive, répondit-il d’une voix blanche.

Il devait absolument parler à Sirius. En cas de problème, lui le soutiendrait. Même s’il n’approuvait pas, il le soutiendrait.

La gorge sèche, Remus rejoignit l’entrée et ouvrit la porte. Mais à peine avait-il fait un pas dans le couloir que Black s’exclamait :

- J’ai un truc à te dire !

A ces mots, Lupin blêmit violemment. Et si jamais Tonks avait parlé ? Si tout le monde était déjà au courant ?

Mais Sirius l’incita d’un geste cordial à avancer et Remus soupira. Si jamais Patmol avait appris pour eux, son comportement n’aurait pas été aussi amical. A coup sûr, il n’aurait pas apprécié de l’apprendre en même temps que les autres.

- Moi aussi, s’empressa donc de répondre Lupin.

- Moi d’abord ! Le privilège de l’âge !

- Je suis ton aîné, je te signale, grommela Remus en suivant Sirius dans les escaliers.

- Pas besoin de le préciser, ça se voit !

Black lui jeta un coup d’œil amusé par-dessus son épaule et Lupin leva les yeux au ciel.

- Tu es vraiment un homme adorable…

- Eh ! C’est pour ça que tu m’aimes !

Un léger silence se fit que Remus vint finalement rompre.

- Ta réponse me laisse une drôle d’impression…

- … Oui, ça m’a fait bizarre en la disant… acquiesça Sirius qui s’arrêta brusquement au beau milieu des escaliers.

Il se retourna.

- On oublie, d’accord ?

- Volontiers, approuva Remus avant d’enchaîner vivement : Ecoute, il faut vraiment…

- Hep ! s’exclama Black en agitant un doigt sous le nez de son ami. Je disais donc…

- Sirius… C’est important… soupira Lupin en suivant de nouveau Patmol qui dévalait les marches les menant au rez-de-chaussée.

- Ne m’interromps pas ! Tu ne vas pas croire ce qu’il a osé faire !

- Qui ? maugréa Remus, fataliste.

- Kreattur !

Kreattur… Evidemment. Il ne se passait pas une journée sans que Sirius ne s’en plaigne. A juste titre, la plupart du temps. Mais aujourd’hui, Remus n’avait ni l’envie, ni le temps d’écouter son ami.

Ils venaient d’arriver au rez-de-chaussée.

- Ce qu’il a fait est sûrement dramatique mais tu veux bien m’écouter ?

- Après, laisse-moi finir ! enchaîna Sirius à voix basse, afin de ne pas réveiller sa mère. Ce Veracrasse a brûlé mes caleçons !

Face à l’œillade courroucée de son ami, un sourire amusé apparut sur les lèvres de Remus mais la crainte de rejoindre la cuisine sans avoir pu parler le fit revenir à un état d’esprit beaucoup moins moqueur.

- Oui, je comprends, c’est extrêmement fâcheux… mais il faut vraiment que je te dise quelque ch…

- Comment a-t-il osé s’en prendre à mes affaires ? poursuivit Sirius sans tenir compte de ses propos.

La porte de la cuisine était à présent devant eux et Remus sentit une sueur froide glisser le long de sa colonne vertébrale.

- Sirius, écoute-moi…

- Cette petite vermine que j’héberge gracieusement sous mon toit ! Maudit soit-il ! Je vais te l’éjecter dehors à grands coups de savates !... Je vais le massacrer !

Avec un effroi démesuré compte tenu de la situation, Lupin tendit vivement la main afin de retenir Sirius mais celui-ci avait déjà ouvert la porte de la cuisine.

La voix de Tonks s’éleva par-dessus le brouhaha des conversations :

- … Qui vas-tu donc tuer, mon cher cousin ?

Le sang de Remus se figea dans ses veines et il s’immobilisa sur le seuil de la pièce afin de retrouver un semblant d’emprise sur lui-même. La situation lui échappait totalement et il détestait cela.

- D’après toi ! maugréa Sirius en pénétrant dans la cuisine d’un pas martial.

- Oh ! s’exclama la jeune femme, cachant très mal son amusement. Tu parles de ton serviteur trop zélé ? N’a-t-il pas tenté de sauver tes caleçons d’une invasion de Doxy ?

- Je n’ai pas trouvé le moindre cadavre carbonisé de Doxy dans le tiroir et tu le sais parfaitement, lâcha Black d’un ton acide.

- Heureusement, Remus va pouvoir partager les siens avec toi… Où est-il d’ailleurs ?

Lupin, qui était encore dans le couloir, vit la tête de Tonks apparaître brusquement dans son champ de vision et sentit ses joues s’empourprer.

- Qu’est-ce que tu fiches tout seul dehors ? demanda-t-elle, un sourire énigmatique sur les lèvres. Ces histoires de caleçon te mettent mal à l’aise ?

- Non, répondit-il vivement avant d’entrer à son tour dans la cuisine.

La plupart des membres de l’Ordre était déjà assis autour de la table et discutait bruyamment. Ne sachant trop comment se comporter avec la jeune femme, Remus lui jeta un coup d’œil en biais mais elle s’était déjà détournée et reprenait sa place initiale aux côtés de Maugrey Fol Oeil. Perplexe, il observa quelques secondes la nuque de Nymphadora puis sentit ses craintes se muer en appréhension.

Il s’était attendu à tout sauf à se voir ignoré…

Faisant taire le sentiment de malaise qui prenait peu à peu possession de lui, Remus entreprit de faire le tour de la table afin de saluer les membres de l’Ordre. Rogue et McGonagall étaient absents. En revanche, Kingsley Shacklebolt et Elphias Doge discutaient allègrement avec Dumbledore.

Après ces courtes civilités, Lupin revint à hauteur de Fol Œil et Tonks. Il serra la main d’Alastor puis se tourna vers la jeune femme.

- Remus, salua-t-elle la première en hochant la tête.

- Nymphadora.

- Eh bien, eh bien ! réagit de suite Sirius, installé à la droite de Tonks.

Assis comme il se devait en bout de table, Black les observait d’un œil amusé.

- Je vois que vous avez enfin fait la paix, poursuivit-il.

- Nous n’étions pas fâchés, répliqua aussitôt sa cousine avec une mauvaise foi désarmante.

- Ben voyons… Aurais-tu enfin décidé de ne plus harceler ce pauvre Lunard ?

- Sirius… intervint aussitôt Lupin qui s’asseyait en face de la jeune femme.

Les joues colorées, il appréhendait la réaction de Tonks mais celle-ci prit tranquillement le temps de boire quelques gorgées de son café avant de répondre.

- Exact. J’ai fini par trouver quelqu’un qui ne repoussait pas sans arrêt mes avances.

Remus cilla.

Levant les yeux vers la jeune femme, il ne croisa pourtant pas son regard et observa avec une appréhension grandissante les efforts qu’elle faisait afin de l’éviter. Qu’est-ce que tout cela signifiait ?

- Oh ! réagit Black avec intérêt. Ne serait-ce pas ce cher Colin dont tu nous rabâches les oreilles depuis deux jours ?

- Ma réponse est toujours non, maugréa Fol Œil, s’immisçant brusquement dans la conversation.

Tonks leva les yeux au ciel, une lueur de colère dans les yeux.

- Je ne comprends pas pourquoi tu es si… commença la jeune femme, rapidement aidé par son cousin :

- Borné ?

- Parano ! le reprit Nymphadora.

Totalement perdu et rendu passablement livide par le sous-entendu de Patmol, Remus se permit d’intervenir :

- De quoi parlez-vous ?

Tandis que Tonks soupirait bruyamment et croisait les bras sur sa poitrine d’un air agacé, Sirius expliqua :

- Tonks aimerait faire rentrer dans l’Ordre un de ses amis, Colin Wilkes.

Lupin faillit s’étrangler.

- … Wilkes ? répéta-t-il avant de se tourner vers Nymphadora. Ton ami Colin est un Wilkes ?

La jeune femme se redressa aussitôt sur sa chaise.

- Et je suis à moitié Black ! J’ai même un cousin ici présent qui l’est de sang pur ! Nom d’un troll à lunettes ! Il y a deux Mangemorts dans cette pièce ! s’exclama-t-elle avec un effroi exagéré.

Son regard se fit glacé.

- Pitié ! poursuivit-elle. Je connais Colin depuis notre première année à Poudlard ! Il n’a rien d’un Mangemort !

- Je suis sûr que James Potter pensaient la même chose de Pettigrow, grommela Fol Œil, l’air de rien.

- Et c’est reparti ! lança Tonks avec exaspération. Vous savez que nous manquons cruellement d’effectifs ! Et Colin serait un sérieux atout pour l’Ordre.

Avec une pointe d’irritation, Remus sentit son ancienne animosité envers le dénommé Wilkes refaire surface. Il n’avait pas oublié l’étreinte dont il avait été le témoin quelques mois auparavant, ni la complicité qui liait les deux jeunes gens. Et il ne se sentait pas encore assez sûr de lui pour accepter le dévouement de Tonks envers Colin sans en ressentir une certaine pointe de jalousie.

Et de crainte.

- Pourquoi ne pas se renseigner sur lui ? proposa Sirius. On met une équipe sur son dos, on s’assure qu’il n’est pas un Mangemort et le tour est joué.

Maugrey grommela des paroles inintelligibles et Nymphadora se tourna vivement vers lui.

- Vous avez enquêté sur moi avant de m’accepter au sein de l’Ordre ?

Fol Œil soupira.

- Non, mais Sirius s’est porté garant…

- Et moi, je me porte garante pour Colin !

- … et ta mère a prouvé qu’elle n’avait rien en commun avec le reste de la famille Black, poursuivit Maugrey sans tenir compte de l’interruption. Tu es de sang mêlé.

- Les parents de Colin n’étaient pas des Mangemorts !

- Les parents de Barty Croupton Junior non plus, fit remarquer Remus, malgré lui.

A ces mots, Tonks leva enfin les yeux vers lui mais il se troubla devant l’expression blessée de la jeune femme. Elle se détourna cependant et laissa échapper un grognement exaspéré.

- Nous allons le faire suivre, intervint une voix calme qui incita le silence. S’il se révèle innocent de tout soupçon, il rejoindra l’Ordre.

Dumbledore, assis à l’autre bout de la table, esquissa un sourire et Nymphadora soupira.

- C’est une perte de temps, si vous voulez mon avis, mais si ça peut rassurer certaines personnes ici présentes…

Remus vit le regard irrité de la jeune femme glisser de Fol Œil à Sirius, puis de Sirius à lui.

Non, décidément, ce n’était pas ainsi qu’il s’était imaginé leurs retrouvailles, mais il n’eut guère le temps de s’appesantir sur le sujet car la réunion commença. Il fut rapidement décidé des nouvelles affectations, y compris la surveillance du Colin Wilkes, et près d’une demi-heure plus tard, sous l’initiative de Dumbledore, les membres de l’Ordre commencèrent peu à peu à prendre congé. Il ne resta bientôt plus que les Weasley, Shacklebolt, Tonks et les deux maraudeurs.

Pour la énième fois, Lupin jeta un coup d’œil discret du côté de Nymphadora. Celle-ci avait été la première à se lever afin de rejoindre Kingsley et tous deux discutaient avec allégresse à l’autre bout de la cuisine. A plusieurs reprises, il tenta de saisir des bribes de leur conversation mais leurs voix étaient couvertes par celles de Sirius et des Weasley.

A mesure que les minutes s’écoulaient, l’appréhension de Remus se mua en une mélancolie qui le rendit apathique et il finit par se lever. Il n’avait rien de prévu jusqu’au soir mais rester là, dans cette pièce, lui sembla soudainement insupportable. Il n’osait pas encore réfléchir plus avant à la signification du comportement de Tonks et il ne se sentait pas en état d’y trouver une logique rassurante. Aussi, après un bref salut à l’assemblée, il sortit de la cuisine et rejoignit sa chambre d’un pas lourd et fatigué.

Elle ne s’était pas tournée vers lui lorsqu’il avait signalé son départ, songea-t-il en s’asseyant pesamment sur son lit.

Un soupir las lui échappa et il desserra mollement sa cravate.

Bien malgré lui, il tenta de se remémorer le visage de Colin Wilkes mais il ne se souvint que de l’impression générale suscité. Jeune, beau et sain. Ces trois qualificatifs lui revinrent avec une précision dont il se serait fort bien passé.

Mais pourquoi songeait-il à cela, après tout ? Ne lui avait-elle pas assuré que Colin n’était rien d’autre qu’un ami d’enfance ? Et de quel droit se montrait-il jaloux ? Tonks était libre, en définitive. Elle était libre de faire ce qu’elle voulait. D’être avec qui elle voulait.

C’était le prix que Remus devait payer en ayant bien spécifié à la jeune femme qu’il n’irait jamais vers elle. Qu’il ne lui demanderait jamais aucun compte. Qu’il resterait extérieur à toute décision concernant leur « couple ».

Un nouveau soupir brisa le silence et, l’espace d’un bref instant, il essaya de se sermonner, de repousser cette mélancolie qui le rendait si indolent mais il finit par y renoncer.

De petits coups discrets l’obligèrent toutefois à redresser la tête.

- Oui ? répondit-il avant de voir la porte de sa chambre s’ouvrir vivement et Tonks se faufiler à l’intérieur de la pièce.

Le souffle de Remus se coupa et il se leva machinalement à l’instant même où la jeune femme se tournait vers lui après avoir refermé le battant.

- Alors ? J’ai été assez discrète à ton goût ? demanda-t-elle, un sourire fier sur les lèvres. J’ai réussi à berner tout le monde, non ?

Les mains sur les hanches, le regard vif et pétillant, Nymphadora attendait une réponse qu’il était bien incapable de formuler. Encore passablement apathique, il se contentait d’observer la jeune femme en silence si bien qu’elle finit par incliner la tête de côté.

- … J’ai comme l’impression d’avoir si bien joué la comédie que j’ai involontairement réussi à te berner toi aussi… Je me trompe ?

Remus sentit ses joues s’embraser à mesure que la situation lui apparaissait plus clairement. Le sourire de Tonks se fit malicieux.

- C’est pour ça que tu avais l’air si malheureux lorsque j’ai ouvert la porte ?

Lupin se racla la gorge, embarrassé de la voir si perspicace mais passablement soulagé de constater qu’il s’était tout bonnement fait des idées.

- Je réfléchissais… répondit-il enfin.

- Vraiment ? s’amusa-t-elle en s’avançant vers lui. Tu réfléchissais à quoi ?... Ou plutôt à qui ?

Elle s’arrêta sous son nez et leva un visage entendu vers lui.

- A Colin ? Tu ne serais pas jaloux, par hasard ?

Le regard de Remus s’assombrit.

Oui, il était jaloux. Définitivement.

- Je n’ai pas à être jaloux, répondit-il cependant. Je ne te demande rien.

Tonks cilla, passablement refroidie.

- Comment cela ?

- Tu fais ce que tu veux, Nymphadora. Tu es libre. Je ne t’imposerai jamais quoique ce soit. Je n’attends rien de tout cela.

Silencieuse et grave, la jeune femme observa son visage avec une attention qu’il jugea soudain inquiétante. Etait-il allé trop loin ? Cette dernière mise au point n’allait-elle pas tout gâcher ? Et si en définitive Tonks estimait que tout cela n’était pas suffisant ?

La gorge de Remus se serra d’appréhension.

Les lèvres de la jeune femme frémirent doucement puis Nymphadora leva finalement un doigt, perplexe.

- Attends…. Tu es en train de me dire que si j’en ai envie, je peux aller voir ailleurs sans que ça te pose le moindre problème ?

Remus se troubla.

Qu’était-il censé répondre à cela ? Bien sûr que ça lui posait un problème !

- Tu es libre de faire ce que tu veux, répéta-t-il d’une voix faible.

Un nouveau silence se fit… mais cette fois-ci, celui-ci ne dura pas.

- … Génial ! s’exclama Tonks, un sourire railleur sur les lèvres. Tu as bien fait de le préciser !

Lupin se détourna, furieux contre lui-même.

Elle n’avait pas été dupe et avait parfaitement senti ses réticences. Elle glissa alors son doigt levé sous sa cravate et l’attira vers elle.

- Par contre, je te préviens. Si tu vois une autre fille, même les Loups Garou ne te reconnaîtront pas.

Un fin sourire apparut sur les lèvres de Lupin.

- Tu sais très bien que je ne verrai personne d’autre.

- Tu as tout intérêt, crois-moi. Que je le veuille ou non, j’ai du sang Black dans les veines et je doute que tu veuilles en faire les frais.

- Je crois que c’est trop tard… Je suis cerné, maugréa-t-il pour la forme.

Les yeux rieurs de Tonks se plissèrent.

- Fais attention à ce que tu dis… Ton comportement irréfléchi n’est un secret pour personne !

- Moi ? s’étrangla Remus. Irréfléchi ?

- Tout à fait ! Je te rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, tu as fini en sous-vêtement dans la cuisine.

- C’était ta faute, si tu te souviens bien…

- Comment oublier ? répliqua-t-elle aussitôt, un sourire rêveur sur les lèvres.

Les bras de la jeune femme vinrent lentement s’enrouler autour de sa nuque et Lupin retint son souffle. Le visage de Tonks n’était plus qu’à quelques centimètres du sien.

- Je bénis les caleçons blancs et la pluie.

- Nymphadora… grommela aussitôt Remus, les joues empourprées. Je croyais que tu n’avais rien vu…

- Tu plaisantes ? J’aurais raté une occasion pareille ?

La jeune femme se colla un peu plus à lui et frôla doucement ses lèvres.

- Toi… dans la même pièce que moi… avec pour seul vêtement un caleçon trempé ? Et je n’aurais pas regardé ?

Remus sentit brusquement ses entrailles se tordre d’envie sous le regard coquin de Tonks.

- Je ne suis pas aussi sage que toi, rajouta-t-elle en effleurant de nouveau ses lèvres.

- Je ne suis pas toujours sage, finit par articuler Lupin, glissant ses mains tremblantes dans le dos de la jeune femme afin de la presser davantage contre lui.

Le sourire de Nymphadora se fit espiègle.

- C’est exactement ce que je voulais t’entendre dire…

L’espace d’un infime instant, Remus se maudit de se voir si facilement manipulé par Tonks mais les lèvres avides de la jeune femme lui firent rapidement oublier ce « léger » détail.

Ils s’embrassèrent avec une urgence qu’une frustration de plusieurs jours rendait inévitable et Lupin fut doucement mais fermement poussé jusqu’au lit.

 

 

 

A SUIVRE...