Mensonges

Auteur : Hito
E-mail : h_hito76@yahoo.fr
Résumé: Après l’épisode « Trahisons », Jack se comporte de façon étrange…
Genre: Romance S/J
Spoilers: Saison 3. Il faut absolument avoir vu « La pluie de feu » (le zode avec Laira ;-) ) et surtout « Trahisons ».
Disclaimer : Les personnages et l’univers ne sont pas à moi mais à la MGM…


NB/ Comme toujours, merci à Aurélia, Témérah et Hélios pour leur aide et conseils.

***************************************************************************

Sam entra dans son labo et referma la porte derrière elle afin de s’isoler un peu. Elle jeta un œil autour d’elle ; son bureau d’ordinaire si ordonné était sans dessus dessous. Des papiers jonchaient la table et le sol, des outils traînaient un peu partout. La semaine qu’elle venait de passer avait été un véritable cauchemar mais à présent c’était fini… Non ? Alors pourquoi se sentait-elle si déprimée, si abattue ? D’un pas lent, elle s’approcha de son bureau et s’assit lourdement sur sa chaise. Elle ne travaillerait pas, elle n’en avait pas le courage. Certes, d’ordinaire, c’était par plaisir qu’elle bricolait ou se plongeait dans ses recherches mais là… Elle n’avait envie de rien.

Des flashs de ce qui s’était passé lui revenaient parfois… des paroles, surtout… Celles-ci en particulier : « … Qu’est-ce qui me ressemble ? Cirer les bottes d’un gradé incompétent ?… Je crois que c’est plutôt votre affaire ! »

Oui, ces mots là tournaient en boucle dans sa tête. Ils étaient inscrits au fer rouge dans sa mémoire. Son visage reflétait alors tellement de froideur, tellement d’insensibilité. Même si elle venait d’apprendre qu’il jouait la comédie, elle ne parvenait pas à ôter cette vision de son esprit.

Elle re-songea à tout ce qui venait de se passer, au moment où tout avait commencé… sur Tollana. Avec incrédulité, elle l’avait regardé voler le désactivateur d’arme sans même soulever le moindre petit doigt pour l’en empêcher. Son comportement l’avait alors tellement surprise! Mais ce n’était rien face à son attitude envers Hammond. A plusieurs reprises, elle avait croisé son regard, le suppliant intérieurement de se taire sans parvenir cependant à comprendre pourquoi il agissait ainsi. Il lui avait répondu en la défiant, avec une froideur et une désinvolture qui lui avait noué l’estomac.

Qui était cet homme en face d’elle ? Où se trouvait celui en qui elle avait un respect et une admiration sans borne ?
Hammond avait alors demandé au Colonel de passer à l’infirmerie et elle avait espéré secrètement que Janet trouverait quelque chose. Il ne pouvait pas être dans son état normal, c’était impossible.

Et puis ces mots…

« … Je crois que c’est plutôt votre affaire ! »

Cette souffrance lorsqu’il lui avait tourné le dos après lui avoir assené ces paroles… Craché au visage, serait plus juste…
Finalement, quelques minutes plus tard, le couperet était tombé : retraite anticipée. Rien que d’imaginer continuer sans lui, partir en mission sans sa présence, un sentiment de vide atroce l’avait étreinte de part en part.
Un cauchemar…

***


Jack observait le plafond tristement gris de ses quartiers depuis dix bonnes minutes déjà et il posa finalement un bras sur ses yeux. Il savait d’avance qu’il ne parviendrait pas à s’assoupir avant un bon moment.

Pourtant tout était rentré dans l’ordre. Il s’était excusé auprès de Daniel et celui-ci avait aussitôt tourné la page comme si de rien n’était. Teal’c l’avait regardé en souriant, satisfait de son retour et des explications d’Hammond. Quant à Carter… Carter.

Il soupira.

Elle lui avait souri, certes et cependant, il sentait bien qu’elle ne lui avait pas totalement pardonné. Comment aurait-elle pu ? Il ne s’était même pas excusé. Mais s’excuser auprès de Carter était bien plus compliqué, bien plus dangereux… Et c’était bien là tout le problème. Si elle n’avait pas été là, cette mission, bien que difficile, aurait été comme de nombreuses autres. Aussitôt terminée, aussitôt oubliée. Mais elle était là. Elle avait été là, avec ses grands yeux incrédules. Qu’y avait-il lu ? De la déception ? Non… Même pas… De la souffrance, de l’incompréhension. Même en étant odieux, il n’était pas parvenu à baisser dans son estime. Il avait juste réussi à la blesser…

Et cette scène dans les couloirs…

Dans un grognement, il re-songea à ce qu’il avait été contraint de faire. Dès qu’il l’avait croisée, son cœur s’était serré. Jusqu’au bout, il avait espéré qu’elle se tairait, qu’elle ne dirait rien. Mais non. Elle avait besoin de savoir. Elle ne comprenait pas son comportement, à juste titre. Alors voilà. Il s’était fermé le plus possible et lui avait assené ces mots…

A peine prononcés, il s’était détourné, refusant d’attendre de voir les dégâts que cela avait provoqué en elle.

Mais il savait qu’il lui avait fait du mal.

***


Sam jeta un œil sur son bureau et découvrit avec un serrement au cœur les trois pailles qui leur avait permis de choisir qui irait parler à O’Neill. Dieu merci, elle n’avait pas gagné. Malgré son désir de le voir, elle n’aurait pas pu supporter une nouvelle confrontation avec cet étranger glacial. Elle sut qu’elle avait eu raison lorsque Daniel était revenu, plus sombre que jamais, refusant même de leur dire ce qui s’était passé lors de cette entrevue. Elle l’avait senti blessé. Elle… Elle ne se serait pas relevée.

Et puis il y eut l’arrivée de Makepeace à la tête de SG1. Cependant, « Il » était revenu. Elle l’avait croisé dans les couloirs mais il ne l’avait même pas salué, et elle s’était bien retenue de lui parler. Leur dernier échange l’en avait dissuadé. Pleine d’espoir, elle avait passé les quelques minutes suivantes à proximité du bureau du Général afin de connaître les raisons de sa venue mais lorsqu’elle en prit connaissance, elle eut la sensation que le sol se dérobait sous ses pieds.

Il allait la rejoindre. Cette femme. Il partait pour la retrouver et elle ne le reverrait plus jamais. C’était fini. Terminé.

Jamais elle n’oublierait. Ils l’avaient tous accompagné jusqu’à la Porte, sauf Daniel visiblement incapable de se retrouver en face de lui. Et il était parti sans même un regard en arrière. Trois années passées avec lui, presque quatre. Et il partait sans un regard. Jamais elle n’avait autant souffert. Elle s’était vite réfugiée dans ses quartiers et avait laissé libre court à sa peine et sa rancœur.

Un cauchemar… répéta-t-elle en jetant les pailles dans sa corbeille à papier.

***


Jack songea que même involontairement, il finissait toujours par la blesser… Il se souvenait encore de la vive douleur qu’il avait lu dans le regard de la jeune femme lorsqu’il avait franchi la Porte à ses côtés, après son long séjour sur Edora. Il n’avait pas tout de suite compris cette soudaine froideur, jusqu’à ce qu’il l’observe attentivement lors du Débriefing. Elle avait maigri et les traits tirés d’une personne qui ne dormait pas suffisamment. A la fin de la réunion, Hammond s’était tourné vers elle et l’avait remerciée, lui accordant deux semaines de vacances, chose plutôt rare au SGC. Il avait de suite compris que son retour à la base n’était du qu’à elle et à son obstination, sa volonté de le retrouver. Il avait donc tenté de lui parler afin de la remercier mais elle l’avait évité comme la peste jusqu’à son départ en congé.

Finalement, il en avait compris les raisons… même s’il se refusait au début d’admettre cette simple réalité… Et là encore, il l’avait blessée…

C’est Hammond qui avait proposé d’utiliser Laira comme excuse à son passage par la Porte vers le camp ennemi. Il avait bien tenté de protester mais quelles excuses aurait-il pu donner sans compromettre Carter ? Et de nouveau, il avait vu cette douleur sur son visage lorsqu’elle avait du encaisser le coup. L’espace d’un instant, trop bouleversée, elle avait baissé les yeux et il en avait profité pour l’observer. Si à cet instant il avait encore eut des doutes sur son affection, il avait compris qu’ils n’étaient dors et déjà plus fondés. Sa détresse était flagrante.

Si seulement il avait su cela avant… si seulement il avait compris les sentiments de la jeune femme avant d’être coincé sur cette fichue planète ! Il était tellement persuadé d’être le seul à ressentir quelque chose. Mais de toute façon, à quoi bon vivre comme un moine à cause de sentiments qui ne peuvent aboutir à rien.

Et finalement il était parti, la mission n’attendait pas. Il n’avait alors eu plus qu’une envie, en finir le plus rapidement possible. Une semaine sans son équipe, une semaine à vivre dans le mensonge, à « trahir » ceux qui avaient confiance en lui. Combien de fois avait-il eu envie de tout leur dire ? Il fallait que tout cela cesse. Heureusement, il n’eut pas longtemps à patienter. Une taupe faisait partie du SGC et il allait la dénicher.

Caché dans les fourrés, attendant l’équipe contenant la taupe, il avait vu avec incrédulité SG1 sortir du vortex. Machinalement, il avait empoigné sa jumelle et observé la jeune femme. Ne plus savoir où elle était, ce qu’elle faisait, ne plus être là pour s’assurer qu’elle allait bien… Dieu, qu’elle lui manquait. Et pas seulement depuis qu’il était parti. Non. Depuis Edora. Car depuis Edora, il l’évitait.

Son attention avait alors été attiré par Teal’c s’approchant dangereusement du DHD, là où il avait caché l’appât. La peur au ventre, il avait tenté de se raisonner. Si traître il y avait, ça ne pouvait être que Makepeace. Et en effet, ce fut avec un soulagement non dissimulé qu’il avait vu le Colonel prendre l’appareil Asgard et le cacher dans sa veste. Après, tout s’était enchaîné très vite…

***


Sam jeta un œil distrait sur le casque posé sur le reste de ses affaires. Elle n’avait même pas pris le temps de les ranger. A peine arrivés de leur mission, après un tour à l’infirmerie, elle s’était réfugiée dans son bureau, le moral à zéro. Le Colonel Reynolds était alors passé en courant dans le couloir et lui avait dit qu’O’Neill se trouvait en ce moment même en salle d’embarquement. Ni une ni deux, le cœur battant la chamade, elle s’était élancée à sa suite.

Pourquoi était-il là ? Avait-il changé d’avis ? A moins qu’il ne soit blessé ! Mais comment avait-il pu passer l’iris sans GDO ?

A peine arrivée en bas de la passerelle, Sam avait levé les yeux vers lui et croisé son regard. Elle en avait été bouleversée. C’était de la tendresse qu’elle y avait lue. Cette douceur, cette chaleur qu’il avait pour elle avant Edora… Mais il s’était très vite détourné, la faisant soudain douter.

Non sans surprise, elle réalisa qu’il portait un uniforme d’infiltration noir, son bonnet sur la tête. Que signifiait cette tenue ? Et pourquoi restait-il près de la Porte, l’empêchant par son bras de se refermer ?

Plusieurs hommes et femmes traversèrent alors le vortex et les gardes, répondant aux ordres du Général, les mirent en joue. Ni une ni deux, lorsque tous furent passés, O’Neill laissa la Porte se refermer pour venir jusqu’à eux.

Sam avait à peine réalisé la présence de Teal’c et Daniel à ses côtés et l’arrestation du Colonel Makepeace, soi-disant une taupe aux dires de Jack n’avait pas facilité sa compréhension… Puis finalement tout était rentré dans l’ordre. Hammond leur avait expliqué les raisons de la pseudo trahison du Colonel et celui-ci s’était excusé… Enfin… Excusé auprès de Daniel. Quant à elle, mis à part un ou deux regards furtifs, elle avait à peine eut droit à un « Carter ». Mais Sam avait pourtant joué le jeu, souriante jusqu’au bout et puis finalement s’était traînée jusqu’à son bureau.

Alors voilà. Elle était seule maintenant dans son labo, à ruminer cette semaine cauchemardesque. Et pourtant, tout était bien qui finissait bien, non ? Pourquoi se prendre la tête avec cette histoire. C’était une mission comme une autre…

Sauf que depuis Edora, tout était différent. Différent parce que, par son absence, elle avait pris conscience de la profondeur de ses sentiments … et différent encore parce que depuis son retour, il avait changé…

***


Jack, dont le sommeil tardait désespérément à venir, finit par se redresser sur son lit. Quel comportement devait-il adopter ? Devait-il continuer ce qu’il avait commencé… ? Pendant les deux semaines de congé que la jeune femme avait pris après Edora, il avait réfléchi longuement à leur situation. Elle n’avait rien à gagner à tout cela. Rien.

Elle était jeune, belle, intelligente… Que ferait-elle d’un vieux bonhomme comme lui ? Peut-être pourrait-elle s’en satisfaire un temps mais il finirait forcément par lui taper sur les nerfs avec son caractère irascible et bourru. Elle le quitterait, c’était couru d’avance, et ça…

Accablé, il soupira et passa une main lasse sur son visage.

Il était déjà suffisamment fou d’elle rien qu’en la regardant de loin pour imaginer ce qu’il pourrait ressentir en étant avec elle. Alors autant l’éviter. Il avait déjà perdu une fois l’être qu’il aimait le plus au monde. Il ne survivrait pas de nouveau à ça.

De loin, c’était bien. De loin… C’était moins dangereux.

 

*************************************

Le lendemain, tout le monde était réuni en salle de Briefing et Sam commença peu à peu à se détendre. Le Colonel semblait particulièrement de bonne humeur et distribuait les blagues à qui mieux mieux. Une fois la réunion terminée, ils partirent se changer dans les vestiaires.

- Ca vous dirait qu’à la prochaine perm, on se fasse une sortie tous les quatre ? attaqua-t-il en ôtant son tee-shirt sans attendre que la jeune femme se soit détournée.

Virant au rouge écarlate, elle reporta vivement son attention sur son porte manteau et prit la veste qui y était accrochée d’une main tremblante.

- Ah oui ! Ca fait longtemps qu’on s’est pas fait ça, répondit aussitôt Daniel, fouillant dans son sac à la recherche de son bob.

Depuis Edora, songea la jeune femme lugubrement.

- Teal’c ? Carter ?
- Avec plaisir, O’Neill.
- Je suis partante, Mon Colonel, répondit-elle finalement en souriant.

Après tout, cette histoire était derrière eux.
Passer une soirée avec lui, même entourée de ses amis… c’était ce genre de petits plaisirs qu’elle ne pouvait refuser. Elle avait longuement réfléchi la veille au soir, ne sachant trop comment se comporter. Finalement, elle en avait conclu qu’il valait mieux qu’elle laisse faire les choses. Pour l’heure, un retour à la normale était tout ce qu’elle espérait.

Une fois tous prêts, Jack ferma son par balles, vissa sa casquette sur la tête et tout en passant derrière elle, lui flanqua une claque retentissante dans le dos.

- C’est parti !

Sam resta scotchée un instant puis finit par frotter son épaule douloureuse en fronçant les sourcils. Son comportement était décidément… étrange. Repoussant cette idée, elle finit cependant par se secouer et rejoignit ses compagnons dans le couloir.

Quelques minutes plus tard, ils passèrent la Porte et découvrirent, non loin, un village accueillant. Ni une ni deux, Daniel jouant les ambassadeurs parvint à mettre les habitants en confiance et l’équipe se sépara joyeusement afin de vaquer à leurs occupations.

Jack jeta un oeil blasé autour de lui. Les gens de cette planète vivaient pauvrement mais malgré tout semblait s’en contenter avec le sourire. C’était bien là le problème. Aucune technologie susceptible de les aider dans leur combat... Une mission inutile. Dans un soupir, il reporta son attention sur son second. La jeune femme, accroupie devant une fontaine, faisait ses prélèvements méthodiquement, avec application... Il laissa son regard s’attarder sur elle, si belle ainsi concentrée, mais il finit par se reprendre. Ce n’était pas comme ça qu’il l’oublierait ou même qu’il parviendrait au but qu’il s’était fixé. Si elle croisait son regard, à coup sûr elle comprendrait. Il se détourna donc, observant le coeur serré, les habitants s’affairer comme s’ils n’étaient pas là. Il entendit alors le rire de plusieurs femmes et se retourna. Trois villageoises le regardaient en gloussant, visiblement très intéressées. Passablement agacé, Jack songea à s’éloigner lorsqu’une idée lui vint à l’esprit.

Finalement, il pourrait peut-être mettre son plan à exécution plus tôt que prévu. Encore fallait-il que ce soit crédible. Il jeta donc un oeil intéressé sur les trois femmes et son choix se porta sur la moins jeune. Elle approchait la quarantaine, brune, assez mince, joli visage. Une femme séduisante. Il regarda furtivement Carter, hésitant encore à employer un tel procédé puis il finit par capituler. Plus vite elle passerait à autre chose, plus vite, il pourrait tenter de l’oublier...

***

Sam mit son prélèvement dans la boîte à cet effet puis se redressa doucement afin d’épargner son dos courbaturé par cette posture pour le moins inconfortable. Elle jeta alors un oeil autour d’elle. Daniel discutait avec le chef du village, Teal’c patrouillait tranquillement d’un coin à l’autre, silencieux mais attentif et le Colonel... Elle le chercha des yeux un instant et son coeur se serra soudain.

Il se trouvait en grande conversation avec trois femmes qui, apparemment, se délectaient de sa compagnie. Elle le vit sourire de toutes ses dents et elles, glousser stupidement, attentives à ses propos. Finalement, il s’éloigna du groupe accompagné par l’une des villageoises, certainement invitée à le suivre. Ils marchèrent un moment puis s’arrêtèrent de nouveau tout en discutant. Sam savait parfaitement qu’elle aurait du se détourner mais elle était comme hypnotisée.

Il la draguait.

Cette femme.

Le ventre noué, elle le regarda soudain lever une main et caresser l’une des mèches brunes de sa compagne, ne la quittant pas des yeux. Son regard était brûlant, son sourire séducteur. Elle ne l’avait jamais vu comme ça, songea-t-elle avec un pincement douloureux au coeur. Jamais il ne l’avait regardé ainsi... avec cette faim.

Le voyant soudain empoigner sa radio, elle se détourna vivement, faisant mine d’être occupée.

- Ici O’Neill. Je vais... faire le tour des environs.
- Entendu, répondit machinalement Teal’c.

Incrédule, elle le vit poser une main dans le dos de la jeune femme et, sans se départir de son sourire, disparaître au coin d’une des maisons de pierre.

Le souffle court, elle tenta de reprendre ses esprits. Elle jeta un oeil perdu autour d’elle et croisa les regards troublés de ses deux amis qui venaient de se rapprocher d’elle. Ils n’avaient visiblement pas raté une miette de ce qui venait de se passer. Elle tenta de sourire bravement.

- Eh bien ! Il ne perd pas de temps ! bredouilla-t-elle avant de se pencher de nouveau vers ses prélèvements.

Un silence répondit à ce trait d’humour. Ils estimaient apparemment qu’il n’y avait rien de drôle à ça. Elle non plus. Un étau étreignait son coeur, le serrant si fort qu’elle avait du mal à respirer. Qu'allait-il faire avec cette femme ? Il n’allait quand même pas...

Les mains tremblantes, elle tenta de prendre une éprouvette mais elle ne réussit qu’à se couper lorsque le verre se brisa sur sa boîte en fer.

- Sam... murmura Daniel tout en s’agenouillant à ses côtés.

Elle secoua la tête mais se refusa à lever les yeux vers lui. Elle n’aurait pu empêcher des larmes de la trahir.

- Je suis maladroite... balbutia-t-elle d’une voix qu’elle reconnut à peine.

Le jeune homme prit alors sa main dans la sienne et observa sa blessure. Teal’c, qui s’était éloigné un court instant, revint avec la trousse des premiers soins et s’accroupit à son tour. Il l’ouvrit et tandis que Daniel s’occupait de désinfecter la plaie, le Jaffa préparait le pansement adéquat. Elle les regarda faire avec une profonde reconnaissance. Ce n’était rien, une simple coupure et pourtant, comme s’ils sentaient que son mal était plus grand, ils l’entouraient de leur présence et de leur réconfort.

Une fois soignée, elle leva des yeux embués vers eux.

- Merci...

Ils lui répondirent simplement d’un sourire doux et d’un hochement amical de la tête.

Dieu, qu’elle les aimait...

***

Une heure plus tard, tandis que le soleil déclinait déjà sur les hauteurs, Teal’c empoigna sa radio, s’inquiétant du silence prolongé de Jack.

- O’Neill ? Tout va bien ?

Ils durent attendre quelques secondes avant d’avoir une réponse. Un gloussement résonnait au loin tandis que la voix grave de Jack se faisait entendre.

- Ca va très bien, oui, répondit-il, de très bonne humeur.

Le jaffa jeta un oeil désolé vers le Major Carter mais poursuivit cependant.

- Vous revenez bientôt ?

Des chuchotements incompréhensifs lui répondirent, suivis d’un rire de femme qui déchira le coeur de Sam.

- Euh... Dans une petite demi-heure. Terminé.


Sans un mot de plus, Teal’c lâcha sa radio et se tourna vers son amie. Celle-ci se replongea aussitôt dans son travail, en apparence parfaitement impassible. Cela faisait une heure qu’elle tentait de se secouer. Hors de questions qu’elle laisse transparaître de nouveau ses sentiments. Elle avait pourtant durement appris comment cacher ses émotions. Elle avait eu pendant des années un parfait exemple du comportement à adopter.

- Merci papa, murmura-t-elle en serrant les dents, emprisonnant sa souffrance au fond de son coeur.

Quoi que le Colonel faisait avec cette femme, elle n’avait rien à dire. Ça ne la regardait pas. Certes, elle ne pouvait s’empêcher de saigner à l’intérieur mais elle garderait tout ça en elle jusqu’à ce qu’elle se retrouve enfin seule.

Elle tenta en vain de se fermer aux images atrocement peu équivoques qui lui venaient à l’esprit. Jack avec cette femme, Jack l’embrassant, Jack la serrant contre lui, Jack près d’elle, Jack en elle... Une bouffée de détresse la submergea tout à coup, lui donnant la nausée. Elle serra les poings et se força à respirer profondément, se vidant la tête. Mais inévitablement, les mêmes images passaient et repassaient sans arrêt...
Pourquoi faisait-il ça ? C’était la première fois... Jusqu’ici, il ne s’était jamais permis ce genre de comportement. Mis à part sur Edora mais c’était différent, SG1 n’était pas avec lui...

Agacée de voir ses pensées dévier ainsi, elle finit par se relever et ranger ses instruments. Elle en avait fini avec ces fichus prélèvements. Elle ne voulait qu’une chose : que cette mission se termine enfin...

***

Jack regarda sa montre pour la énième fois. Maintenant qu’il avait atteint son but, malgré Shoaly pendue à son bras, il ne faisait même plus l’effort d’alimenter la conversation. Toutes ses pensées allaient vers une autre femme à quelques centaines de mètres de lui. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle avait du se reprendre depuis tout à l’heure. C’était une des choses qu’il aimait d’ailleurs chez elle. Sa force et son courage. Avant de la connaître, il avait toujours cru être attiré par les femmes fragiles. Il aimait sentir qu’elles avaient besoin de lui. Ça flattait particulièrement son ego. Et puis elle était arrivée, avec son regard flamboyant et son franc parlé. Quelques minutes à peine après leur premier tête à tête, il en était raide digue ! Et plus il l’avait côtoyée, plus il avait appris à la connaître et plus ses sentiments s’étaient approfondis. Elle était parfaite pour lui. Elle avait cette faculté de tempérer son caractère dès l’instant qu’elle le désirait. Elle ne se laissait jamais démonter. Bien que respectant la chaîne de commandement, elle parvenait sans l’air d’y toucher à le moucher dès qu’il dépassait les bornes. Et il devait bien admettre qu’il adorait ça.

Jack soupira.

De toute façon, il aimait tout chez cette femme.

Reprenant ses esprits, il regarda de nouveau sa montre et décida qu’il était temps de rentrer. Après un rapide baiser d’adieu, sans prêter attention à la moue boudeuse de Shoaly, il se dirigea d’un pas nerveux jusqu’à l’entrée du village, là où devait attendre son équipe.

Comme prévu, Sam leva à peine la tête à son arrivée, et il dut prendre sur lui pour parvenir à jouer jusqu’au bout son rôle. Les mains dans les poches, il s’avançait vers eux, un grand sourire satisfait sur le visage, particulièrement détendu.

- Alors Carter, ces relevés ? demanda-t-il en passant près d’elle sans pour autant attendre sa réponse.

Elle ne lui répondit pas et resta le nez plongé dans son énorme sac où elle venait de ranger son matériel. Il continua donc son chemin imperturbable et croisa le regard glacial de Daniel.

Aïe...

Désireux d’éviter une scène, il se dirigea finalement vers Teal’c. Celui-ci le regarda approcher, impassible. C’était ce qu’il aimait chez cet homme. Même s’il désapprouvait, il gardait constamment cette même expression sur son visage. C’était du coup beaucoup plus supportable pour Jack. Le sentiment de culpabilité qu’il traînait depuis tout à l’heure ne le lâchait pas.

- Quoi de neuf, Teal’c ?
- Absolument rien.
- Parfait. On va donc pouvoir rentrer !

Et sur ce, sans plus attendre, il donna le signal du départ.

***

Le débriefing fut beaucoup plus tendu que le briefing. Jack tentait tant bien que mal de faire de l’humour mais ses blagues tombaient lamentablement à plat, ce qui surprit beaucoup Hammond. D’ordinaire, le Major Carter, tout du moins, était la première à sourire aux pitreries du Colonel. Or, depuis leur retour, la jeune femme avait le visage fermé, d’une parfaite neutralité.

A tour de rôle, chacun parla de ce qui les avait occupé pendant les quelques heures passées sur P8X127 et Jack, sentant son tour venir, jeta un œil vers Sam, assise en face de lui.

Un parfait petit soldat. Pas une émotion de filtrait quand elle prit la parole pour expliquer les résultats de ses prélèvements. Cette femme était vraiment étonnante…
Finalement, Hammond se tourna vers lui et Jack s’affala un peu plus sur son siège.

- Et vous, Colonel ?
- J’ai… fait le tour des environs avec certains villageois. C’est une planète très… accueillante, finit-il évitant soigneusement le regard de ses amis.

Le Briefing prit fin sur ces mots et Jack se releva avec empressement, le moral dans les chaussettes.

C’était pourtant ce qu’on appelait une mission particulièrement réussie ! Il venait de briser le cœur de Carter et lui avait donné de quoi le détester à vie !

Enfonçant les mains dans ses poches, il sortit de la salle, le pas lourd. Il avait besoin d’une bière…

 

**************************

Les jours suivants furent pour Sam une véritable torture. Elle revoyait sans cesse O’Neill avec cette femme. Son sourire séducteur et son regard brûlant… Au-delà du fait de le voir avec une autre et la douleur que cela engendrait, avoir observé ce changement d’expression, lui toujours si distant et réservé dès qu’il s’agissait de choses personnelles ou ambiguës, la troublait profondément. Elle s’était souvent demandée quel serait son comportement s’il venait à tenter de la séduire et cependant, sans pour autant parvenir à vraiment l’imaginer. A présent, elle savait. Elle l’avait vu et la jalousie lui déchirait le cœur. Que n’aurait-elle donné pour être à la place de cette femme ? Le voir lui sourire ainsi, la regarder avec cette faim qui brillait dans ses yeux. Il se serait alors approché d’elle, son corps frôlant le sien dans une nouvelle intimité…

Sam soupira.

Lorsqu’il était revenu, un peu plus tard, elle avait serré les poings, sentant ses mains la démanger de le gifler et de faire ainsi disparaître le sourire satisfait qu’il arborait ! Jamais elle ne l’avait autant haïe.

Pour l'heure, Sam se trouvait dans son labo, tentant de chasser ses idées noires en travaillant d’arrache pied. Elle eut cependant la surprise de voir O’Neill débouler dans son bureau. Il ne passait quasiment plus, depuis Edora.

- Ah ! Carter ! s’exclama-t-il, souriant. Je vous ai cherché partout.

Sceptique, Sam ne put s’empêcher de fondre malgré sa rancœur. Si on la cherchait, il y avait 99% de chance qu’elle se trouve dans son labo. Et ça, il le savait parfaitement et s’amusait simplement à jouer les idiots.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle, la gorge nouée par sa simple présence.
- Les Wild du Minnesota se frittent contre les Trashers d’Atlanta ! Vous n’allez pas rater ce match. Daniel et Teal’c sont déjà là-bas.

Les mains moites, Sam baissa la tête. Alors qu’avant, elle aurait accepté sans hésiter, elle ne savait plus trop quoi faire, à présent.

- Eh bien… J’ai beaucoup de travail, Mon Colonel…
- Vous rigolez ! répondit-il de suite. Allez Carter ! Venez avec nous ! On va s’amuser !

Tout en disant cela, il s’était penché vers elle, les deux mains posées à plat sur son bureau. Elle sentit confusément ses joues s’empourprer. Il avait vraiment envie qu’elle vienne…

Finalement incapable de lui refuser quoique ce soit, elle acquiesça en se levant. Jack se redressa aussitôt, visiblement satisfait.

- Allez, on y va ! Je ne veux rien rater ! dit-il en la prenant par l’épaule pour la pousser gentiment hors du labo.

Sam sentit son pouls s’accélérer tandis qu’un profond et pourtant inexplicable sentiment de malaise la submergeait. Elle tenta de se l’expliquer. En vain. A son arrivée, elle fut accueillie par des sourires. Une chaise entre celles de Teal’c et de Jack avait déjà été placée en prévision de son arrivée. Elle s’y installa et Daniel lui tendit un soda light qu’il avait été chercher à son attention. L’espace de quelques minutes magiques, elle eut la sensation d’être revenue en arrière. Tout était comme avant. La même entente, la même complicité. Peu à peu, elle se détendit, riant aux coups d’éclats du Colonel, aux remarques grinçantes de Daniel qui s’évertuait à descendre le Hockey, histoire d’agacer Jack, et même aux remarques perspicaces de Teal’c qui semblait compter les points. C’était parfait, si ce n’était ce sentiment de malaise qui ne la quittait plus…

Et elle en eut soudain l’explication. Daniel venait tout juste de se faire moucher en beauté par O’Neill et face à l’expression de son supérieur, la lumière se fit dans son esprit.

- Major Carter ? Ca ne va pas ? lui demanda alors Teal’c, ayant remarqué sa brusque pâleur.

Sam tenta de se reprendre. La découverte qu’elle venait de faire l’avait assommée. Le cœur serré, elle finit cependant par secouer la tête et se leva avec raideur.

- Ca va… répondit-elle cependant, faisant mine de sourire. J’ai du travail qui m’attend. Vous me raconterez la fin du match.

Et sur ce, évitant soigneusement de se tourner vers O’Neill dont elle sentait le regard perçant, Sam sortit de la pièce.

De l’air, de l’air… Elle avait besoin d’air.

Sans attendre, elle se dirigea d’un pas précipité vers l’ascenseur et commença sa longue ascension. Dieu merci, elle était seule.

Comment avait-elle fait pour ne pas s’en rendre compte avant ? C’était si flagrant ! Il la regardait exactement comme il regardait Daniel et Teal’c. Exactement pareil ! Il la regardait, il la traitait comme un de ses hommes…

Avant Edora, tout était différent. Jamais il ne se serait permis de la toucher ou de poser ne serait-ce qu’une main sur son épaule. C’était beaucoup trop ambiguë. Il y avait toujours eu cette gêne entre eux, la barrière qu’une certaine attirance interdite avait provoquée. Puis tout à coup, plus rien. Plus d’ambiguïté, plus de gêne. Il ne la regardait plus comme une femme. Il ne la voyait plus comme une femme.

L’ascenseur s’arrêta enfin et Sam sortit. Elle passa la première sécurité et s’éloigna du complexe.

***


Jack la regarda partir avec des sentiments contradictoires. Apparemment, elle venait de prendre conscience de ce qu’il tentait depuis plusieurs semaines déjà de lui faire comprendre. Ou plutôt de lui faire croire.

Parfait ! C’est exactement ce qu’il espérait.

Et pourtant, quelque peu dégrisé, il se rassit lourdement sur son siège, insensible aux regards scrutateurs de ses deux amis. Il n’avait plus aucune envie de regarder ce fichu match et cependant, il devait continuer de faire bonne figure. Aussi essaya-t-il de jouer le jeu mais il ne se sentait pas particulièrement crédible. Daniel n’y verrait peut-être que du feu mais à coup sûr, Teal’c ne s’y laisserait pas prendre.
Tant pis. Finalement, c’était Jackson et son franc parlé le plus dangereux. Il n’avait rien à craindre du Jaffa.

***


Sam sortit de sa torpeur lorsqu’elle entendit des pas se rapprocher. Elle jeta un œil sombre en direction du parking de la base et croisa le regard curieux du Colonel Cail Reynolds*. A contrecoeur, elle se leva et le salua avec raideur. Il lui répondit aussitôt en continuant son chemin mais réalisant la soudaine pâleur de la jeune femme, il ralentit sa course. Tandis qu’elle s’asseyait de nouveau sur le petit muret, Reynolds, semblant hésiter, finit par se retourner.

- Major ? Il y a un problème ?

Sam se força à sourire.

- Non, Colonel, tout va bien.

L’homme l’observa un instant en silence.

- Je vous ai vu plus convaincante...

La jeune femme se contenta de baisser la tête. Elle connaissait suffisamment bien Reynolds pour savoir qu’il ne laisserait pas tomber tant qu’elle n’aurait pas répondu.

- Si vous avez des soucis, continua-t-il, pourquoi ne pas en parler avec vos coéquipiers ?

Elle soupira involontairement à cette remarque. Voyant Cail hausser les sourcils, elle s’empressa aussitôt de s’expliquer.

- Ce n’est pas très important, Monsieur… S’ils me voyaient, ils s’inquièteraient aussitôt et ça n’en vaut vraiment pas la peine…

Le Colonel acquiesça, pourtant sceptique. Il l’observa encore un moment en silence puis finit par sourire gentiment.

- Vous savez ce qu’il vous faudrait ?

Curieuse, Sam le questionna du regard.

- Un petit tour au mess ! poursuivit-il. De la gelée, ça vous dit ?... Bleue, évidemment.

La jeune femme se redressa, quelque peu étonnée. Est-ce que toute la base savait que c’était son dessert préféré ???

- Comment … ?

Cail sourit aussitôt, amusé.

- Les rumeurs au SGC... Un vrai fléau !

Sam se détendit un peu devant la bonne humeur de son supérieur. Elle s’était toujours bien entendue avec lui. En mission, bien évidement car à la base, elle traînait toujours avec Teal’c et Daniel et ne se mélangeait pas beaucoup. Le Colonel Reynolds, à la tête de SG3, était un excellent leader. O’Neill faisait souvent appel à lui comme soutien. Il avait une totale confiance en ses compétences, ce qui était une preuve évidente de sa valeur.

- Et quel autre bruit court-il sur moi ? demanda-t-elle, curieuse.

Il fit mine de réfléchir, juste pour le principe.

- Vous adorez le soda light, la moto, votre réacteur à naquada, Naqui pour les intimes…
- Naqui ? l’interrompit-elle aussitôt en haussant les sourcils.
- C’est le petit nom affectueux de votre réacteur… dit-il incertain… Ce serait une fausse rumeur ?

Sam ne put s’empêcher de rire.

- Il y en a qui n’ont que ça à faire, spéculer sur ce genre de chose !
- Que voulez-vous ? On est enterré six pieds sous terre toute la journée…

La jeune femme réagit aussitôt, amusée :

- « On », Monsieur ? Vous faites parti de ces personnes ?
- Eh ! Ca passe le temps ! répondit-il en écartant les bras, un sourire au coin.

Un silence agréable se fit, puis Sam redressa la tête :

- D’autres rumeurs sur moi ?
- C’est déjà pas mal, pour une première fois ! Vous pourrez peut-être m’en soudoyer une ou deux autres avec une part de gâteau au chocolat !

Elle acquiesça, souriante. La boule à son estomac était toujours présente mais il était parvenu à la dérider un peu. Voilà ce qu’il lui fallait. Rencontrer d’autres personnes. Elle fut reconnaissante de la gentillesse du Colonel Reynolds et avait parfaitement consciente qu’il cherchait simplement à lui changer les idées.
Sam se leva donc et s’avança vers lui.

- Alors allons-y !... Vous savez vraiment tout ce qui se passe dans cette base ? demanda-t-elle, intéressée.

Tous deux se dirigeaient à présent vers le poste de garde.

- Absolument tout ! Et j’ai quelques histoires bien croustillantes en réserve !

***


Sam passa un très bon moment avec lui. Reynolds tenta dans un premier temps de la mettre parfaitement à son aise puis ils commencèrent peu à peu à parler de choses plus personnelles. Elle apprit donc qu’il venait de divorcer mais que son ex femme et lui étaient séparés depuis plus de deux ans, maintenant. Elle n’avait pas supporté les absences répétées de son mari et il l’avait parfaitement compris et accepté. Mais à cela, il n’avait rien pu faire. A 41 ans, il ne se voyait pas en retraite anticipée et il aurait fini par la détester de lui avoir imposé ça.

La jeune femme se surprit à comparer O’Neill à Reynolds. Ils ne se connaissaient pratiquement pas et pourtant ce dernier s’était déjà confié à elle. Sam appréciait qu’il lui fasse confiance et découvrir une personne si ouverte lui faisait un bien immense. Après tout, que lui avait raconté Jack sur sa vie ? Il ne parlait jamais de Sara et mis à part des informations finalement très superficielles, il ne laissait jamais rien filtrer. Cet homme était un mystère absolu… Et c’était bien ça le problème. Elle adorait tout ce qui était complexe et mettait généralement un point d’honneur à résoudre dans sa totalité les problèmes qu’elle ne comprenait pas. Et Jack O’Neill était la plus grande énigme à laquelle elle avait été confrontée… Mais une énigme qui visiblement, le resterait à tout jamais.

***


Les jours et les missions passèrent. Le comportement de son supérieur ne changeait désespérément pas et Sam ne savait plus sur quel pied danser. Il était pourtant parfaitement correct, d’excellente humeur, souriant… mais les regards complices avaient définitivement disparu. Il ne venait que très rarement dans son bureau et à chaque fois, c’était pour une raison particulière et non juste pour la voir, elle. Daniel avait tenté dans un premier temps de lui parler mais elle avait aussitôt coupé court. Même Teal’c se faisait plus présent afin de masquer la distance que tous avait senti entre O’Neill et elle. Sam leur était reconnaissante, certes, mais leurs regards compatissants la mettaient au supplice. Alors avec quel plaisir elle voyait arriver le Colonel Reynolds… Ils parlaient toujours de tout et de rien mais jamais du sujet qu’elle voulait à tout prix éviter. C’était si rafraîchissant. Tous deux étaient assez discrets et ne se voyaient finalement que peu, les missions se succédant à un rythme assez soutenu. Mais après quelques balbutiements légitimes, cette amitié naissante se fortifia. Les membres d’une équipe ne se mélangeaient qu’assez rarement avec d’autres. Affronter la mort côte à côte créait des liens particuliers. C’était pour cette raison qu’ils essayaient tous deux d’être le plus discret possible. Ils n’avaient aucune envie que des bruits erronés commencent à courir sur eux, d’autant que leurs grades respectifs ne facilitaient pas les choses. Parfois cependant, ils se permettaient une rencontre au mess, assis à l’écart des autres. Comme aujourd’hui.

Pour l’heure, Cail tentait de faire bonne figure mais Sam ne s’y laissa pas prendre. Quelque chose n’allait pas. Il éludait ses questions mais ne l’envoyait pas pour autant promener. Cela signifiait donc qu’il hésitait encore à lui parler.

- Je sens bien que ça ne va pas depuis hier. D’ordinaire, vous êtes plus en forme au retour d’une perm…

Reynolds sourit tout en continuant de massacrer sa tartelette aux pommes à l’aide de sa fourchette. Il soupira.

- Je viens d’apprendre que… mon ex-femme venait d’emménager avec un homme.
- Oh… répondit-elle seulement.

Elle observa ses traits tirés par un manque de sommeil évident. Il ne lui avait pas reparlé d’elle depuis leur première discussion et Sam pensait qu’il s’agissait d’un sujet clos.

- Et… ça vous pose un problème… ? demanda-t-elle doucement.
- Un problème oui… soupira-t-il, les yeux fixés sur son assiette. En fait, je suis toujours amoureux d’elle. Voilà le problème…

Surprise, la jeune femme haussa les sourcils.

- Mais… Pourquoi avoir accepté de divorcer dans ce cas-là ?
- Parce qu’elle le voulait, dit-il sombrement. Et parce qu’alors, j’étais tellement assommé par tout ça que je n’ai pas eu le courage de la retenir. Et puis… le temps a passé et, j’ai pensé qu’il était trop tard.

Il redressa la tête et elle croisa son regard. Il était d’une neutralité effrayante mais comme tout bon soldat, il emprisonnait sa douleur au fond de lui et ne laissait rien transparaître.

- Et maintenant c’est fini, grogna-t-il cependant en repoussant son assiette.

Mais Sam secoua la tête.

- Rien n’est terminé. Elle vous a quitté parce que vous n’étiez pas assez présent, pas parce qu’elle ne vous aimait plus. Vous m’avez dit que vous aviez été mariés pendant près de 10 ans. Ça ne s’oublie pas aussi facilement.

Cail l’observa un instant, perdu dans ses pensées puis finit par soupirer.

- C’est terminé, j’ai attendu trop longtemps. J’aurais du faire quelque chose bien plus tôt. Maintenant, elle a refait sa vie. Je ne veux pas m’immiscer ainsi et risquer de la blesser. Toutes ces années ont suffisamment été difficiles pour elle.

Sam resta silencieuse un instant et s’apprêtait à répondre lorsque les hauts parleurs se mirent à grésiller.

« SG1 est attendue en salle d’embarquement ! SG1 est attendue en salle d’embarquement ! »

La jeune femme soupira aussitôt et jeta un regard désolé à Cail. Une urgence… Celui-ci lui sourit simplement en s’adossant à sa chaise.

- Allez-y, Major.

Elle se leva donc mais il l’arrêta en lui attrapant le bras :

- N’attendez pas qu’il soit trop tard. Agissez maintenant.

Sam le regarda, stupéfaite puis rougit violemment. Elle ouvrit aussitôt la bouche pour nier… mais finit par se racler la gorge.

- C’est si… évident ? demanda-t-elle, au bout d’un instant, embarrassée.
- Pas pour quelqu’un qui ne vous connaît pas… Mais vous évitez tellement de parler de lui que ça en est suspect. Après… il suffit d’ouvrir grand les yeux…

La jeune femme l’observa un moment en silence. Il la regardait avec gentillesse, désireux de l’aider. Elle acquiesça alors, se promettant d’y réfléchir puis le salua avant de sortir.

***

L’urgence fut vite réglée et Hammond leur donna deux jours de congés. Ni une ni deux, Jack leur rappela leur soirée prévue depuis quelques semaines et bien qu’à contre cœur, Sam dut accepter. Certes, passer du temps avec lui était plus qu’elle ne désirait mais dans un lieu public, elle avait peur de ce qu’il risquait de faire. N’était-il pas à la recherche de relations sans lendemain? D’ailleurs, à cela, elle était partagée. Des relations sans lendemain… Le danger était finalement moindre. Mais la douleur qui persistait en elle ne faisait que grandir de jour en jour.

Peut-être devrait-elle suivre les recommandations de Cail et agir ?

Plus que jamais, lors de cette soirée, cette question revint la hanter. Cela faisait à présent plusieurs dizaines de minutes qu’ils se trouvaient tous les quatre dans ce bar et Sam, plus sombre que jamais observait du coin de l’œil son voisin de face. A plusieurs reprises, elle l’avait surprise en train de lorgner sans vergogne du côté d’une table voisine où se trouvaient deux femmes et un homme en grande discussion. L’une d’entre elle, parfaitement consciente du regard insistant d’O’Neill, lui répondait par des sourires encourageants et des appels implicites non équivoques…

Plaisait-il donc à toutes les femmes ? se demanda Sam désespérément…

L’ambiance à table était des plus tendues. Lorsqu’un membre de l’équipe n’allait pas bien, c’était généralement tout le groupe qui en subissait les conséquences… Unis jusqu’au bout. Et pourtant, Jack semblait faire des efforts décuplés pour parvenir à amuser la galerie et alléger l’atmosphère. Daniel et Teal’c, eux aussi, essayaient de faire bonne figure mais cela sonnait faux et Sam s’en voulait de gâcher leur soirée. Elle tenta de se détendre en buvant quelques bières, plus que d’ordinaire même, mais l’alcool ne la rendait ni aveugle ni sourde. Et lorsque Jack se leva pour rejoindre sa nouvelle conquête, elle ne put retenir un gémissement qu’elle étouffa cependant très vite en buvant une autre gorgée. Il valait mieux qu’elle s’en aille avant d’avoir "l’horrible vision de lui avec cette pétasse dans les bras…"

Elle jeta un œil sur Daniel et Teal’c qui ne la quittaient pas des yeux… Dieu qu’elle aurait aimé que Cail soit là. Au moins, avec lui, pas de paternalisme !
Sam se savait de mauvaise foi. Elle aimait ces deux amis et avait parfaitement conscience qu’ils s’inquiétaient simplement pour elle, mais elle n’avait pas besoin de ça en ce moment. Elle avait juste envie d’oublier.

La jeune femme tenta de se lever mais elle dut se rasseoir rapidement. Très mauvaise idée de boire finalement. Elle allait être coincée dans ce bar pendant un bon moment… Sentant qu’elle n’avait nullement envie de parler, Teal’c, d’un regard, imposa le silence à un Daniel désireux d’aider. Celui-ci finit par comprendre et les deux coéquipiers tentèrent de faire oublier à Sam qu’à quelques mètres de là se trouvait l’homme qu’elle aimait en train de draguer une autre femme.

Quelques minutes passèrent où elle s’évertuait à tourner le dos au couple et les ignorer. Finalement, n’y pouvant plus, elle se leva pour partir en direction des toilettes. Elle allait se passer la tête sous l’eau afin de se dégriser suffisamment pour pouvoir rentrer chez elle. Tandis qu’elle pénétrait dans le couloir sombre menant aux toilettes, elle tendit machinalement la main vers l’interrupteur mais entra en collision avec une masse dure et imposante.

- Oulà ! dit une voix qu’elle reconnut aussitôt, tandis qu’une main ferme se posait au creux de ses reins pour l’empêcher de basculer en arrière.

Elle fut de suite collée contre son torse puissant et son after-shave finit de lui faire totalement perdre la tête. De sa main libre, elle s’accrocha à lui afin de ne pas tomber et il raffermit son étreinte.

- C’est gentil d’être venu me rejoindre… murmura-t-il alors contre son oreille avant de poser ses lèvres sur les siennes.

Son cœur venant de se figer, elle se raidit aussitôt mais il ne parut pas s’en apercevoir ou s’en soucier. Il la serra au contraire davantage contre lui et la pression de sa bouche se fit plus forte, plus insistante. Totalement perdue et bouleversée, elle mit quelques secondes à comprendre ce qui se passait : Jack O’Neill était en train de l’embrasser ! Elle sentit alors sa langue s’introduire effrontément entre ses lèvres et ne put retenir plus longtemps un gémissement à ce contact. Ses mains se crispèrent et sans réellement s’en rendre compte elle appuya sur l’interrupteur. La lumière envahie brusquement le couloir et passée la surprise de cet éblouissement inexpliqué, elle sentit Jack se raidir puis s’écarter violemment d’elle. Elle croisa aussitôt son regard stupéfait.

- Carter… ?

Rouge de honte, elle réalisa qu’il l’avait, en fait, embrassée par… erreur. Dieu merci, elle n’avait pas eu le temps de répondre à son baiser… Quelques secondes de plus et ça aurait été chose faite. Et davantage encore… Haletante, elle l’observa passer une main nerveuse dans ses cheveux courts, fuyant désespérément son regard. Il regrettait… Bien sûr, qu’il regrettait…

- Je suis désolé… Je croyais…

Mais Sam avait déjà retrouvé tout son sang froid.

- Il n’y a pas de mal, Mon Colonel. J’ai parfaitement saisi.

Et sur ces mots, elle le contourna, le pas cependant mal assuré et pénétra dans les toilettes pour femmes. Le feu aux joues, elle s’avança jusqu’au miroir et se regarda, les mains posées de chaque côté du lavabo.

Eh bien, quelle soirée… songea-t-elle, partagée entre l’excitation de ce baiser inespéré et la réalité de cette situation impossible…

***


Pourquoi avait-il fait une chose pareille !? S’il espérait l’oublier, ce n' était vraiment pas la meilleure solution ! C’était stupide ! Grossier ! … Mais il n’avait pas pu s’en empêcher. Dès qu’il avait compris qui se trouvait dans ses bras, c'est-à-dire à l’instant même où il l’avait touchée… dès qu’il avait reconnu le parfum familier de ses cheveux contre ses lèvres… en une fraction de second son cerveau s’était soudain mis en pause et son corps avait pris le relais. C’était une chance inespérée de pouvoir mettre un terme à l’un de ses fantasmes… Que disait-il … ? Ca faisait bien longtemps que Samantha Carter n’était plus un simple fantasme… Quoiqu’il en soit, il avait fait une grosse erreur. Dieu merci, il avait eu le réflexe de jouer les imbéciles incapables de faire la différence entre elle et la petite brunette qu’il était censé draguer. Et heureusement, Sam semblait trop ivre pour parvenir à la conclusion qui découlait d’une telle aberration…

***


Lorsque la jeune femme sortit de nouveau des toilettes, il s’était bien écoulé dix bonnes minutes. Elle avait à présent l’esprit un peu plus clair et si elle arrêtait deux secondes de penser à ce baiser échangé, peut-être parviendrait-elle à rentrer chez elle en un seul morceau. Lorsqu’elle pénétra dans la salle, elle sentit son cœur se serrer en découvrant son supérieur sur la piste de danse, langoureusement collé à l’ « autre ». S’arrachant à ce spectacle, Sam se dirigea d’un pas nerveux vers leur table.

- Vous voilà enfin, réagit de suite Daniel, scrutateur. Vous allez bien ?

Elle acquiesça aussitôt tout en prenant son sac à main et sa veste.

- Ca va, oui. Je vais rentrer chez moi, je crois que j’ai trop bu.
- Etes-vous en état de conduire, Major Carter ?
- Pas de problème. Je m’en sens parfaitement capable, ne vous inquiétez pas, Teal’c.
- …Vous… Vous ne voulez pas saluer Jack avant de partir ?

La jeune femme se tourna vers O’Neill, toujours sur la piste de danse, son petit gnome brun accroché à lui.

- Je crois qu’il est occupé. Vous le saluerez pour moi. Bonne soirée.

Et sans un regard de plus, elle sortit.

***


Jack l’observa du coin de l’œil se diriger vers la porte et disparaître à l’extérieur. Il espérait qu’elle était suffisamment dégrisée pour conduire mais, après avoir observé attentivement sa démarche, il sut qu’elle avait retrouvé toute son assurance et l’avait finalement laissé partir. La musique prit fin et Jack s’écarta de la jeune femme.

- Merci pour cette danse, déclara-t-il avant de la laisser en plan au milieu de la piste et de se diriger d’un pas lourd jusqu’au bar.

Sans un seul regard vers ses amis, ni vers sa cavalière furieuse qui retournait à sa table, il commanda un double scotch. Il voulait passer aux choses sérieuses… Oublier.

Il n’en revenait pas de l’avoir embrassée. Un nœud au ventre, il re-songeait à la douceur incroyable de ses lèvres sous les siennes, de son corps souple contre le sien. Le pire dans tout cela et qui le torturait un peu plus chaque jour, c’était de se dire que s’il le désirait, il n’avait qu’un geste à faire pour l’avoir. Un seul geste et le cauchemar prendrait fin. Un seul geste et elle était à lui. Combien de nuit s’était-il levé en sueur, le désir aux creux des reins avec pour seule barrière à sa faim les caméras présentes jusque dans leurs quartiers… ? Mais là, il n’était pas à la base. Là… Il lui suffisait de prendre sa voiture et de la rejoindre chez elle. De sonner. De s’excuser. Et de l’embrasser.

Juste ça. C’était si simple. Si possible.

D’un geste brusque, il vida son verre d’une traite et en commanda un autre.
Pourquoi se refusait-il à elle, au fait ? Ah oui… Trop jeune, trop belle, trop intelligente… trop parfaite. Et lui ? Trop vieux, trop bourru, trop con… Elle se lasserait de lui plus vite qu’il n’en faut pour le dire. Et il se retrouverait seul… encore plus con et surtout détruit. L’instinct de préservation était quelque chose d’étrange finalement…

***


Daniel et Teal’c observaient depuis un moment Jack accoudé au bar, vidant verre sur verre. A peine Sam était-elle sortie qu’il avait cessé son petit numéro avec leur voisine de table, confirmant aux deux hommes que son comportement singulier avait un but précis... Obscur mais précis.
Le jeune archéologue réfrénait avec peine la colère qui montait en lui. Que cherchait-il à faire souffrir la jeune femme ainsi ?

- Je ne comprends pas, grogna-t-il pour lui-même.
- Vous n’êtes pas le seul, Daniel Jackson.

A peine conscient des paroles du Jaffa, il se leva et s’approcha du bar. Il resta à côté de Jack, silencieux, attendant que celui-ci se tourne vers lui mais O’Neill continuait de contempler le verre plein dans sa main.

- Je peux savoir ce que vous foutez ? demanda Daniel au bout d’un moment.
- Ça ne se voit pas ? Je bois ! répondit Jack du tac au tac avant d’avaler une gorgée du breuvage.
- Vous savez parfaitement que je ne parle pas de ça !
- Vraiment ?

Plus furieux que jamais, Jackson posa une main agressive sur l’épaule d’O’Neill mais un regard glacial la lui fit retirer aussi sec. Se confronter à Jack n’était pas une mince affaire mais il ne pouvait pas le laisser continuer ainsi.

- Pourquoi faites-vous ça ?
- Pourquoi je fais quoi ?

Exaspéré, Daniel leva les yeux au ciel.

- Je parle de votre comportement envers Sam, évidemment !

A sa grande surprise, il ne tenta pas de nier mais resta silencieux.

- Vous draguez ces filles devant elle et dès qu’elle a le dos tourné vous vous repliez sur vous même…

Toujours rien. Le silence.

- Elle souffre à cause de vous ! … Bon sang, Jack ! Dites quelque chose !

Dans un soupir exaspéré, O’Neill vida son verre, chercha quelques billets dans sa poche et les jeta sur le bar.

- Il y a des règles à suivre dans l’armée. Est-ce que ça vous suffit ou je dois vous faire un dessin !

Et sans un mot de plus, il s’éloigna, laissant en plan un Daniel méditatif. S’approchant de leur table pour prendre sa veste, il dut cependant faire face à Teal’c qui lui barrait le passage. Si le jeune archéologue avait gobé son excuse, le jaffa lui, ne semblait pas satisfait.

- Vous êtes un véritable paradoxe, O’Neill.
- Vraiment ? grogna celui-ci tout en essayant de contourner son ami.

Mais le Jaffa n’avait pas fini.

- En effet. Vous avez des sentiments évidents pour le Major Carter mais vous cherchez par tous les moyens à lui faire croire l’inverse.
- Bravo pour cette superbe théorie, Teal’c. Maintenant laissez-moi passer.

Leurs regards s’accrochèrent. La même dureté, la même volonté au fond des yeux. Ils étaient pareils tous les deux et c’était ça qui les rapprochait… d’ordinaire.

- Pourquoi ? demanda alors le jaffa.

Mais Jack restait la bouche obstinément close, le regard plus glacial que jamais. Ils s’affrontèrent encore une fois, aucun ne voulant céder puis Teal’c prit finalement conscience qu’il ne dirait rien. Aussi, à regret, il finit par s’écarter de son chemin et O’Neill attrapa sa veste et sortit.

***


Sam entra indemne chez elle mais se sentait bien trop énervée pour dormir. Ce baiser n’avait fait que ranimer le désir qu’elle avait tenté de réfréner depuis quelques semaines. Les joues en feu, plongée dans le bain qu’elle s’était aussitôt fait couler en arrivant, elle gardait les yeux fermés et revivait encore et encore ses lèvres sur les siennes, ses bras autour d’elle, sa main au creux de ses reins, l’autre sur sa joue. Et puis le baiser s’était intensifié la torturant un peu plus et peu à peu son esprit s’était pris à imaginer ce qui se serait passé si elle n’avait pas eu la mauvaise idée d’allumer la lumière… Comme elle aurait aimé pouvoir plonger ses doigts dans ses cheveux, caresser sa nuque, ses épaules si larges, son dos si fort…

Mais alors le retour à la réalité n’en aurait été que plus dur et surtout plus embarrassant. Quelle excuse aurait-elle pu donner à son supérieur ? « Je pensais que vous étiez quelqu’un d’autre ! » Mais qui ? … Il ne l’aurait pas crue un instant et elle aurait eu la honte de sa vie. Alors finalement, elle avait évité le pire.

Elle espérait juste qu’il ne garderait pas un trop mauvais souvenir de leur baiser. Après tout, elle ne lui avait pas répondu et sa raideur, conséquence de sa surprise, n’avait du que renforcer l’idée négative qu’il se faisait d’elle… Car après tout, il ne la voyait plus comme une femme…

Mais cela pouvait encore changer. Rien n’était fait ! Cependant, prendre une telle décision alors qu’elle n’avait aucune certitude n’était pas une mince affaire. Et pourtant, elle avait beau tourner et retourner tout ça dans sa tête, une seule phrase revenait sans arrêt à son esprit :

« N’attendez pas qu’il soit trop tard. Agissez maintenant. »

Et c’est ce qu’elle allait faire !

***************************


Le lendemain, en fin d’après midi, Jack, Daniel et Teal’c étaient réunis tous les trois en salle de briefing et attendaient patiemment que le Général arrive. L’absence de la jeune femme avait valu à O’Neill des regards glacials mais celui-ci ignorait tout des raisons de son retard. Elle était pourtant bien rentrée après leur soirée au bar. Il était passé devant chez elle pour vérifier… Entre autre. Il était resté plus d’une demi-heure dans sa voiture, les mains crispées sur son volant, un violent désir lui nouant l’estomac. Il ne savait même pas comment il avait fait pour ne pas sonner à sa porte. Jamais torture n’avait été plus dure à supporter.

La porte du bureau du Général s’ouvrit tout à coup, chassant ses sombres pensées. Ils furent tous surpris de voir Sam sortir à côté de son supérieur. Elle alla s’asseoir aussitôt à sa place, en face de lui mais ne prit même pas la peine de le saluer. C’était de l’insubordination caractérisée ! Devant Hammond en plus…

- J’ai une déclaration à faire avant de commencer ce Briefing.

Un silence respectueux se fit dans la salle.

- Le Major Carter vient de démissionner.

Le cœur de Jack fit aussitôt un bond dans sa poitrine. Elle n’avait pas fait ça ?! Partir ?

- Vous quittez le SGC, Sam ? demanda aussitôt Daniel, inquiet.

Mais la jeune femme sourit.

- Laissez le Général finir…
- Merci… Vous le savez parfaitement, le SGC ne peut se passer des compétences indispensables du… Docteur Carter, répondit-il, hésitant sur cette nouvelle appellation. Aussi restera-t-elle dans l’équipe SG1 en tant que civile.

A ces mots, Jack sentit ses muscles se détendre imperceptiblement. La voir partir aurait été au dessus de ses forces. Mais son soulagement ne fut que de courte durée et sa colère prit le relais.

- Je ne suis pas du tout d’accord, Mon Général ! s’exclama-t-il alors.

Tous les regards convergèrent vers lui. Il put y lire de la surprise et de l’incrédulité.

- Vous n’avez pas votre mot à dire… Monsieur, répondit Sam, bravement, évitant soigneusement le « Mon Colonel ».
- Oh que si ! Vous faites partie de mon unité et je refuse que vous démissionniez !

Ils s’affrontèrent tous les deux du regard et curieusement la même colère s’y reflétait, mais pour des raisons bien différentes. La jeune femme parvint à lui faire face avec une détermination qui l’enragea bien davantage. Mais la voix d’Hammond le refroidit quelque peu.

- Colonel. C’est une décision qui ne vous appartient pas. Je comprends votre déception, le Major Carter avait un brillant avenir au sein de l’armée mais c’est à elle seule que ce choix revient.
- Merci, Général.

N’ayant rien à rétorquer, O’Neill se mura dans un silence pesant le reste du briefing. Il sentait parfaitement les regards surpris de Daniel et de Teal’c qui, après la « discussion » de la veille, se seraient attendus à une toute autre réaction de sa part. Après tout, finalement tout s’arrangeait… Alors pourquoi cette colère ? …

« Oui… Pourquoi ? Pourquoi cette colère, Jack ?... Elle vient de sacrifier sa carrière pour toi… Et toi… Tu es en colère ? »


O’Neill sentit peu à peu ses défenses tomber une à une. Elle l’aimait au point de renoncer à…

Mais il se reprit très vite. Non ! Elle croyait, elle pensait que c’était justifié mais elle avait tort ! Sa carrière bon sang !! Avec son talent et son courage, elle pouvait facilement passer Colonel dans cinq ans puis Général lorsqu’il serait temps pour elle de se retirer… Général, Bon Dieu ! Aucune femme, jusqu’ici, n’était parvenue à ce grade ! Elle n’allait pas tout ficher par terre pour lui ? Pour un homme dont elle se lasserait en moins de temps qu’il ne faut pour le dire ! Elle finirait par le détester de l’avoir inconsciemment influencée à mettre un terme à sa carrière. C’était évident !

Les poings serrés, sa fureur décuplée, il braqua son regard glacial sur la jeune femme. Il vit la mâchoire de la jeune femme se crisper et elle se détourna nerveusement. Elle savait parfaitement qu’il ne laisserait pas tomber et que ce Briefing terminé, elle aurait droit à une confrontation.

Et en effet, à peine terminée, elle se leva en quatrième vitesse et fila directement jusqu’à son labo. Mais à peine était-elle entrée, s’apprêtant à s’enfermer à double tour, qu’une main puissante l’obligeait à reculer. Comprenant parfaitement qu’il était inutile de repousser ce moment ad vitam aeternam, Sam soupira et le laissa rabattre la porte derrière eux.

La jeune femme prit position au centre de la salle, les bras croisés sur sa poitrine, prête à lui faire face. Aux muscles de sa mâchoire qui roulaient sous sa peau, aux poings crispés de chaque côté de son corps, la jeune femme comprit rapidement combien il était en colère. Elle crut même ne jamais l’avoir vu aussi furieux…

- Je ne changerais pas d’avis, Monsieur, attaqua-t-elle d’une voix qui se voulait ferme et déterminée.

Jack se rapprocha d’elle, plus menaçant que jamais. Il s’arrêta seulement à quelques centimètres, si près que le souvenir de leur baiser vint soudain parasiter son esprit et la fit rougir malgré elle. Evidement, il ne perdit pas une miette de cette réaction et un sourire froid vint barrer son visage.

- Je sais parfaitement pourquoi vous faites ça, susurra-t-il alors en se penchant si près de son visage que leurs souffles se mêlèrent.

La jeune femme sentit son cœur s’emballer… Il ne pouvait pas savoir…

- Mais ça ne changera rien, vous comprenez ? Ca ne changera JAMAIS rien ! finit-il en se redressant, un rictus dédaigneux sur les lèvres.

Rouge de honte, Sam fit un pas en arrière et se heurta à son bureau. Il savait. Il savait que c’était pour lui et venait de lui dire que c’était tout bonnement peine perdue. Elle détourna aussitôt les yeux, cherchant à dissimuler sa douleur et resongea à tout ce qui s’était passé ces derrières semaines. Etait-ce la raison de son comportement étrange? Il avait compris et cherchait simplement à la repousser, à lui faire comprendre qu’il ne ressentait rien.

Comment avait-elle pu être si stupide ? … Mais ça ne changeait rien. Avec le temps. Avec le temps, peut-être, parviendrait-elle à le faire changer d’avis. Elle refusait de passer à côté de sa seule chance d’être heureuse avec un homme. Parce que c’était lui. Elle l’avait su dès le début, dès leur première rencontre. Il lui avait fallu du temps pour le comprendre et surtout pour l’accepter mais maintenant elle savait. Alors non ! Elle avait l’habitude de se battre. Elle était habituée aux combats soi-disant perdus d’avance. Elle en avait fait son quotidien et jamais elle ne renonçait. Alors, elle ne renoncerait pas.

Lorsqu’elle se retourna vers lui, une lueur déterminée dans le regard, elle le sentit ébranlé l’espace d’un instant. Que croyait-il ? S’il pensait qu’elle allait abandonner, il la connaissait bien mal !

- Je ne changerais pas d’avis, Monsieur, répéta-t-elle donc. Quoique vous disiez.

Elle vit son visage se contracter davantage, plus furieux que jamais. Il s’avança, agrippa ses épaules et la secoua.

- Je vous ai dit que ça ne changerait rien !!

Mais elle se dégagea aussitôt, une étrange lueur dans le regard. Il perdait son calme. Jack O’Neill perdait son calme… ce n’était pas normal ! Il lui cachait quelque chose !

- Je me fiche pas mal de ce que vous dites ! Je refuse de passer les prochaines années de ma vie à regretter !
- C’est justement en démissionnant que vous allez regretter !!! Bon sang, Carter ! Vous pourriez devenir Général !
- Ce n’est pas ce que je veux ! s’exclama-t-elle, à son tour, furieuse.

Les poings serrés, elle s’arrêta un instant afin de retrouver un semblant de calme.

- Je suis maître de ma vie, reprit-elle plus posément.
- Votre vie… Vous n’allez pas la gâcher pour un… un…
- Un homme ? répondit-elle à sa place, évitant soigneusement de le nommer.

Ils étaient restés pour le moment le plus évasif possible, ce qui dans un sens facilitait les choses. Et elle n’avait pas très envie que ça change.

- C’est mon choix. A présent, laissez-moi. Ma décision est prise.

Jack l’observa encore un moment en silence, plus crispé que jamais, mais devant le regard déterminé de la jeune femme, il finit par se détourner et sortit en claquant la porte.

Sam, les jambes en coton, se laissa tomber lourdement sur sa chaise. Tout était embrouillé dans son esprit. Il lui cachait quelque chose… c’était évident. Cette colère ne semblait vraiment pas justifiée et s’il réagissait aussi violemment c’était que finalement, elle ne lui était pas si indifférente que ça. Au pire, il se souciait vraiment de son avenir, ce qui en soit était la preuve qu’elle comptait pour lui. Au mieux… au mieux… Elle ne comprenait pas. S’il avait des sentiments pour elle, pourquoi agissait-il ainsi ?

***

Cail venait de terminer le rapport de sa dernière mission et s’apprêtait à retrouver Sam pour savoir comment s’était passé sa courte perm lorsqu’il croisa en chemin un O’Neill furieux. Jack le salua du bout des lèvres et poursuivit sa route en direction de la salle de sport, à coup sûr pour se défouler. Reynolds le regarda disparaître au croisement, se demandant s’il était enfin oui ou non responsable de sa colère. A première vue, non. Décidément… Combien de temps encore la rumeur mettrait-elle à parvenir jusqu’aux oreilles de Jack ? C’était pas faute de laisser des indices aux commères de la base… Agacé, Reynolds continua son chemin mais se retrouva confronté à la porte fermée du labo de Sam.

Curieux. Elle était toujours ouverte, d’ordinaire.

Il frappa quelques coups puis se permit un « C’est Cail » suffisamment puissant pour que le Sergent Siler, qui passait dans les parages, l’entende.

La porte s’ouvrit doucement et le visage troublé de la jeune femme apparut dans l’embrasure. Elle s’écarta pour le laisser entrer et referma derrière lui.

- Quelque chose ne va pas ? attaqua-t-il aussitôt, surpris.

Sam rejoignit son bureau tout en passant une main nerveuse sur son front.

- Je ne sais pas trop…
- Mais encore ? insista-t-il en s’adossant à la porte d’entrée.
- Eh bien… pour commencer, j’ai démissionné, dit-elle en s’asseyant, attentive à sa réaction.

Il continua de l’observer avec la même expression intéressée mais ne parut pas surpris.

- Comment a-t-il réagi ?

A ces mots, la jeune femme sembla hésiter. Elle ne parlait de « lui » à personne, d’ordinaire. Même pas à Teal’c ou à Daniel alors pourquoi à Reynolds ? … Peut-être justement parce qu’il était extérieur à leur groupe. C’était beaucoup plus facile pour elle.

- Allez, Sam… Je peux vous appeler Sam maintenant ?

Comme elle acquiesçait en souriant, il lui répondit amusé :

- Bien. Vous pouvez m’appeler Cail… Je disais donc… Comment a-t-il réagi ?

La jeune femme soupira afin de chasser ses dernières réserves.

- Il était furieux, dit-elle brusquement en se levant.

Elle fit quelques pas puis agita la main en marmonnant :

- Que dis-je… furieux…
- Excessivement?
- Démesurément ! … Il me cache quelque chose !

A ces mots, Reynolds ne put retenir un léger rire.

- Vous êtes très intelligente mais pour certaines choses vous n’êtes pas très perspicace !

Sam se tourna vers lui, faussement outrée.

- He oh ! …

Elle le regarda de travers, les mains sur les hanches.

- Si vous êtes si malin, dites-moi ce qu’il me cache !

Cail sourit aussitôt.

- Je ne sais pas pourquoi il vous refuse, mais ce dont je suis sûr et certain…

Il s’arrêta un instant pour donner plus de poids à ses mots :

- … c’est qu’il est fou de vous.

Sam sentit son cœur faire une embardée. Les mains tremblantes, elle se força à rester le plus calme possible mais face à ses efforts, Cail ne put empêcher son sourire de s’accentuer. Consciente de cela, elle se redressa en grimaçant.

- Vous jouez avec mes nerfs, dit-elle d’un ton accusateur.
- Pas du tout. J’en suis convaincu.

La jeune femme le regarda en silence, hésitant à le croire. C’était beaucoup trop important, ça impliquait trop de choses pour prendre ses dires pour argent comptant.

- Qu’est-ce qui vous fait penser ça ?

Cail haussa les épaules :

- Son comportement, ses regards lorsqu’il croit que personne ne le voit… Pleins de petites choses mais qui ne laissent que très peu de doutes. Aucun, en fait.

Sam, posée en apparence, était en plein chaos intérieur. Son cœur battait à un rythme désordonné, gonflé par ce nouvel espoir. Si seulement il pouvait avoir raison… Si seulement…

- Imaginons deux minutes que ce soit le cas, murmura-t-elle alors, presque plus pour elle que pour son ami… Pourquoi ferait-il tout pour que je crois le contraire ?

Reynolds haussa les épaules, aussi perdu qu’elle.

- A première vue, pas à cause du règlement, sinon il n’aurait pas réagi ainsi.
- Merci Sherlock, ironisa Sam, moqueuse.

Il lui lança un regard amusé.

- En avez-vous parlé à Daniel et Teal’c ?
- Pas encore non, et je ne sais pas trop si je vais le faire. Je crois qu’ils sont tout aussi perdus que nous. C’est tout du moins l’impression que j’ai eu au Briefing lorsque le Général leur a annoncé la nouvelle et que le Colonel s’y est opposé.

Un silence s’instaura entre eux que Cail fut le premier à rompre :

- On devrait attendre quelques jours avant de chercher davantage.

Sam se tourna vers lui, surprise.

- Comment ça ?
- Peut-être a-t-il protesté simplement parce qu’il ne voulait pas que vous gâchiez votre carrière pour lui ?

La jeune femme réfléchit un instant à cette possibilité. Elle y avait déjà songé, évidement.

- … Lorsqu’il aura compris que votre décision est définitive, il agira enfin, continua Cail.

L’espace d’un instant, Sam revécut sa confrontation avec Jack. Sa colère spontanée et excessive… Sa mâchoire crispée, sa difficulté à garder son sang froid. Lui. Toujours si impassible dès qu’on abordait un sujet personnel.

- Non… C’est plus compliqué que ça. Il y a quelque chose d’autre.

Reynolds l’observa, perdue dans ses pensées, puis finit par acquiescer en souriant.

- Eh bien, nous allons mener notre petite enquête !

***


A peine sortit du labo de Carter, Jack se dirigea non pas vers la salle de sport mais vers le bureau du Général. Il toqua sèchement à la porte et lorsqu’il entra, Hammond l’accueillit en soupirant.

- Colonel… J’étais sûr que vous n’alliez pas tarder…

Peu réceptif à la plaisanterie, O’Neill se planta devant le bureau imposant de son supérieur.

- Vous ne pouvez pas accepter sa démission, Monsieur.
- Je n’ai pas trop le choix… Vous savez parfaitement que je n’ai pas autorité pour la lui refuser.

Jack serra les poings. Lui qui pensait qu’Hammond serait de son côté…

- Laissez moi deux ou trois semaines pour la faire changer d’avis. Vous pouvez au moins repousser l’envoie de sa lettre.
- J’ai appelé l’Etat Major lorsque le Major Carter était dans mon bureau. Sa démission a été acceptée. Je ne vois pas…

Mais O’Neill l’interrompit d’un mouvement agacé, faisant fi de la chaîne de commandement. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait cela en privé et Hammond ne s’en formalisa pas. Du moment qu’il ne dépassait pas les limites.

- Tant que cette fichue lettre est ici, rien n’est officiellement terminé !

Il s’avança et posa ses deux mains à plat sur le bureau.

- Donnez moi deux semaines, Mon Général ! Je n’en demande pas plus.

Comme Hammond semblait hésiter, il insista.

- Je sais que vous risquez gros à faire ça. Je sais que c’est beaucoup vous demander. Si jamais Carter décide de reprendre sa place en tant que militaire, ces quelques semaines de vie civile risquent de vous êtes reprochées mais… songez à sa carrière…
- J’y songe, Colonel, l’interrompit le Général. Je sais parfaitement jusqu’où elle pourrait aller. Mais c’est sa vie. Le Major Carter n’est pas du genre à prendre des décisions à la hâte et celle-ci me semble mûrement réfléchie.
- Mais…
- Cependant, le coupa-t-il de nouveau… Cependant, si vous estimez pouvoir la faire revenir sur sa décision, alors allez-y. Vous avez deux semaines et pas un jour de plus.

Après avoir chaleureusement remercié son supérieur, Jack ressortit du bureau un peu plus détendu. Il tenterait d’utiliser ces deux semaines à bon escient. En attendant, il allait devoir réfléchir à un plan…
Naturellement, ses pas le menèrent jusqu’en salle de sport, palliatif au laboratoire de son second qu’il s’interdisait depuis plusieurs semaines. Teal’c s’y trouvait déjà et à son entrée celui-ci le salua d’un hochement de la tête.

- Un petit combat ? demanda Jack.
- Avec plaisir, O’Neill.
- Super !

Il s’échauffa rapidement puis passa les protections obligatoires qu’un combat contre le Jaffa rendait indispensables. D’emblée, il comprit que Teal’c ne lui ferait pas de cadeau. Ce dernier retenait à peine ses coups et se déplaçait de façon peu équivoque. Inconsciemment, O’Neill grimaça. Il allait passer un sale quart d’heure.

- Pourquoi n’êtes-vous pas satisfait de la démission du Maj… Docteur Carter ? demanda soudain le jaffa tout en esquivant avec aisance le poing de Jack.

Ces mots eurent pour effet d’agacer un peu plus O’Neill qui étira sa nuque douloureuse d’un geste souple de la tête. Il remonta ses poings vers son visage et commença à se déplacer avec plus d’agilité. Teal’c ne broncha pas et continua d’éviter les coups qui commençaient à pleuvoir à un rythme plus soutenu.

- Pourquoi ne répondez-vous pas ?
- Peut-être pas que je n’en ai pas envie ! dit celui-ci en lançant son poing.

Ah ! Il était parvenu à toucher le Jaffa ! Mais pour seule réponse à cet affront, il reçut un coup en plein estomac qui lui coupa la respiration.

- Répondez-moi, O’Neill.

« Difficile après une droite pareille ! » songea ce dernier, acerbe.

Tentant de reprendre son souffle, Jack s’éloigna quelque peu sans pour autant cesser de se mouvoir. Il jeta un œil mauvais vers son ami. Allait-il le rouer de coups jusqu’à ce qu’il ait gain de cause ?

- C’était quoi la question ? parvint-il à grogner avant de passer de nouveau à l’attaque.

Teal’c esquiva sans perdre son calme mais O’Neill eut la satisfaction de le toucher à plusieurs reprises. Il faut dire que la rage qu’il sentait monter en lui décuplait ses forces.

- Pourquoi n’êtes-vous pas satisfait de la démission…
- C’est bon, c’est bon, j’ai compris, le coupa-t-il aussitôt, exaspéré.

Il s’arrêta un instant, le souffle court puis recommença à bouger tout en cherchant la faille.

- Je trouve stupide que Carter démissionne. Elle a un brillant avenir dans l’armée.
- « avait », vous voulez dire ?

Jack se reprit aussitôt. Ce n’était pas dans ses habitudes de laisser passer un tel lapsus.

- « avait », bien sûr.

Ils se tournèrent autour un moment sans attaquer.

- Il y a autre chose, O’Neill, reprit Teal’c. Vous me cachez la vraie raison.

Exaspéré, Jack feinta vers la droite et passa à l’attaque. Le Jaffa leva les bras pour ses protéger, un instant dépassé par les coups violents et rapides du militaire puis reprit ses distances en esquivant le dernier assaut.

- Honnêtement, Teal’c, finit par maugréer O’Neill en baissant sa garde, pensant le combat terminé. Ca ne vous regarde pas !

Pour seule réponse, le Jaffa serra les poings et d’un uppercut envoya valdinguer Jack quelques mètres plus loin. Celui-ci, sonné, mit un certain temps avant de distinguer avec netteté la silhouette imposante de son coéquipier. Teal’c s’avança vers lui sans pour autant tendre la main pour l’aider à se relever. Il regarda son ami au sol, le visage indéchiffrable.

- Je n’aime pas voir Samantha Carter souffrir, O’Neill, dit-il finalement.

Et sans un mot, il sortit de la salle.

***

Eh bien… Jamais il n’aurait cru Teal’c si… paternaliste.

D’un geste vif, Jack ouvrit la porte de la cabine et s’engouffra à l’intérieur. Tout en frottant sa mâchoire douloureuse, il tourna le robinet de la douche et laissa l’eau chaude détendre son corps courbaturé.

Il aurait du se sentir en colère contre son ami et pourtant… il appréciait de voir le Jaffa protéger ainsi la jeune femme. C’était tout à son honneur et la preuve de son affection pour elle. Alors non… Comment pourrait-il lui en vouloir ? Lui-même se haïssait bien, d’agir de la sorte. Il faisait tout ça pour se protéger mais faisait souffrir Carter en même temps. Et ça, il n’arrivait pas à se le pardonner.

Peut-être devrait-il tout lui dire. Elle méritait de comprendre les raisons de son refus et elle les accepterait probablement. C’était une fille intelligente. Il suffisait de lui prouver par a + b qu’ils n’étaient pas fait pour être ensemble et tout serait réglé… Enfin… Elle était faite pour lui. C’était lui qui n’était pas fait pour elle.

Quoiqu’il en soit, la situation s’était beaucoup trop détériorée. La soudaine tension du groupe les mettait tous en danger. Une équipe forte était une équipe soudée et il était en train de tout détruire. Carter faisait bande à part. Daniel le regardait en chien de faïence et Teal’c… Teal’c lui cassait la figure. Bref, tout allait de mal en pis. Tout ça par sa faute. Parce qu’il n’avait pas le courage de parler. De dire les choses. Il n’avait jamais été quelqu’un de loquace et encore moins lorsqu’il s’agissait de sentiments. Comment allait-il faire pour avouer à Carter qu’il… tenait à elle mais que c’était impossible entre eux ? Devait-il lui dire qu’en fait, il était désespérément… désespérément…

« Bon sang, allez ! Dis le ! … désespérément quoi ? »

Mais comme les mots ne venaient pas, Jack soupira bruyamment tout en arrêtant l’eau. Agacé, il attrapa sa serviette et commença à s’essuyer vigoureusement.

« Mon pauvre vieux. Tu es pathétique… Même dans ta tête, tu n’arrives même pas à le dire… »

Pour sa défense, il fallait reconnaître que toutes les personnes à qui il l’avait avoué un jour l’avaient définitivement quitté. Il n’était pas particulièrement superstitieux mais… disons qu’il avait comme un blocage à ce niveau-là… Un gros blocage…

Des voix le sortirent soudain de sa méditation. Deux hommes, qu’il ne put reconnaître uniquement au son de leur voix, approchaient des douches en discutant, se croyant seuls.

- N’empêche ! Je crois que c’est la meilleure nouvelle depuis un bon moment !
- A mon avis, tu rêves ! Elle a fait ça pour une bonne raison. On laisse pas tout tomber comme ça, sur un coup de tête ! Elle avait un avenir tout tracé !

Jack ne put retenir un sourire. Evidement, la nouvelle de la démission de Carter devait faire en ce moment même le tour de la base. S’apprêtant à se faire entendre, sa voix fut cependant couverte par le bruit des robinets qui s’enclenchent.

- Elle a fait ça pour O’Neill ? demanda l’un des deux en haussant le ton pour couvrir le ruissellement de la douche.

Jack se figea aussitôt, l’oreille tendue.

- Pas sûr… Ils sont en froid en ce moment. Je pencherais plutôt pour Reynolds, depuis le temps qu’il lui tourne autour.

...

… Quoi… ?

Reynolds ??? Qu’est-ce que Reynolds venait foutre là-dedans ???

- Ouais, t’as sûrement raison. Ils sont tout le temps fourrés ensemble ces deux-là !

...

Comment ça, tout le temps fourrés ensemble ???

- Enfin, j’attends de voir… O’Neill n’a peut-être pas dit son dernier mot. Il serait con de rester les bras ballants maintenant qu’il n’y a plus de barrières.
- S’il avait voulu faire quelque chose, à mon avis c’est pas le règlement qui l’aurait arrêté… Non. Je pense que Reynolds a toutes ses chances. Il paraît qu’ils étaient encore tous les deux il y a cinq minutes dans le labo du Maj… du Docteur Carter. Ils sont ensemble, j’en suis sûr.

Le bruit d’une porte qui claque les fit soudain sursauter. L’un des deux hommes passa la tête à l’extérieur de sa douche et jeta un œil… Personne. Curieux.

***


Jack s’habilla en quatrième vitesse.

Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? Depuis quand Carter voyait-elle Reynolds ?

... Carter et Reynolds… Carter et Reynolds…

Une douleur atroce vint lui lacérer le cœur. La jalousie commençait son œuvre. Tout en enfilant son tee-shirt, il s’arrêta soudain, les bras en l’air et une sourde angoisse lui noua l’estomac.

Et si jamais c’était pour Reynolds qu’elle avait démissionné ? Si jamais c’était pour ce type et non pour lui… Jack tenta de se remémorer la discussion qu’il avait eu avec elle dans son labo quelques heures auparavant… A aucun moment, elle n’avait dit clairement l’identité de l’homme pour qui elle abandonnait sa carrière. Il avait cru que c’était lui mais… en y réfléchissant, elle aurait très bien pu parler de quelqu’un d’autre… De Reynolds…

Les dents serrées, il finit de s’habiller puis sortit en coup de vent du vestiaire. Il fallait qu’il voit ça de ses propres yeux.
Lorsqu’il parvint à quelques mètres du labo, il hésita. Mais à peine venait-il de s’arrêter que la porte s’ouvrait. Il recula aussitôt afin de se cacher dans le couloir perpendiculaire à celui du bureau de Carter et, jetant un œil, découvrit la jeune femme à coté de Reynolds. Tout en discutant, le couple se dirigeait d’un pas tranquille vers le mess, à l’opposé de l’endroit où il se trouvait.

Ainsi donc, c’était vrai. Ils se voyaient… Depuis quand ? Comment ?... Pourquoi ? Dans un état second, il commença à les suivre, sentant son cœur se serrer à chacun des sourires de la jeune femme, à chaque fois que Reynolds inclinait la tête vers elle pour lui parler. Cette intimité le déchirait. Comment avait-il pu passer à côté de ça ? Comment avait-il fait pour ne pas s’en rendre compte alors que tout le monde à la base était au courant ?

Lorsqu’ils parvinrent au mess, Jack les regarda entrer mais s’arrêta sur le seuil. Il ne pouvait pas les suivre à l’intérieur sans une bonne excuse… Il jeta un œil à sa montre. 19h36. Il devait y avoir un monde fou. Le sergent Siler apparut soudain devant lui, sortant du réfectoire.

- Ah ! réagit aussitôt Jack, en attrapant celui-ci au vol. Est-ce que Daniel est là ?
- Euh… Oui, Mon Colonel.
- Très bien.

Et sans un mot de plus, O’Neill poussa la porte et pénétra dans le mess d’un pas décidé. Sans un regard pour la salle, il se dirigea vers le self, prit un plateau et le chargea en conséquence, malgré son estomac noué. Puis se retournant enfin, il survola la salle et accrocha, l’espace d’un instant, le regard de Reynolds, assis avec Carter à quelques tables de lui. Sans se soucier davantage du couple, Jack s’avança et posa son plateau devant celui du jeune archéologue qui restait la tête obstinément plongée dans son bouquin. Un fois assis, O’Neill attendit quelques secondes puis finit par soupirer bruyamment.

- Pour l’amour du ciel, Daniel ! Vous n’allez pas me faire la gueule jusqu’à la fin des temps ?

Il vit son ami tressaillir puis poser finalement son livre avant de se tourner vers lui, l’œil mauvais.

- Qu’est-ce que vous attendez de moi, Jack ? demanda-t-il sombrement, puis avisant le bleu qui commençait à apparaître sur la mâchoire de son coéquipier : Vous vous êtes battu ?
- Hein ?

Suivant le regard de Daniel, O’Neill finit par se masser la joue.

- Ah ça !… Plus ou moins… Teal’c s’est senti obligé de montrer sa… désapprobation.

Le jeune homme ne put réfréner un léger sourire.

- Oh ça va, hein… grogna aussitôt Jack, jetant un œil morne vers la table qu’occupait pour l’heure son ancien second, avant de reporter son attention sur son assiette…

Il s’écoula un court moment où tous deux mangèrent en silence puis O’Neill finit par se racler la gorge.

- Ca fait longtemps qu’ils se voient ? demanda-t-il innocemment, tout en continuant de couper sa viande.

Daniel redressa la tête et l’observa un instant avant de replonger sa fourchette dans son assiette.

- Un peu moins d’un mois.

Jack acquiesça, reconnaissant.

C’était peu… Trop « peu » pour qu’une femme comme Carter se décide à démissionner.

- Vous êtes au courant depuis combien de temps ?

Jackson haussa les épaules.

- Depuis le début. Sam m’a dit qu’elle avait fait sa connaissance et qu’ils s’entendaient très bien.

Peut-être pas si "peu" que ça finalement. "Très bien" comment ? Mais Jack ne se sentait pas capable de poser une question aussi directe. Le ventre noué, il jeta de nouveau un œil vers le couple. Il se figea aussitôt. Reynolds tenait la main de Sam et caressait son poignet ! Celle-ci, apparement peu gênée par ce geste continuait de lui parler en souriant.

Blessé, O’Neill se détourna de ce spectacle écoeurant.

- Et ça ne vous embête pas ? grogna-t-il, reportant son attention sur le jeune archéologue. C’est vous le confident, d’habitude…

Daniel redressa la tête, exaspéré.

- Quoiqu’il arrive, je serai toujours l’ami de Sam… moi…, répondit-il aussitôt. Et vue l’ambiance désastreuse de l’équipe en ce moment, je comprends qu’elle ait recherché l’amitié d’une tierce personne.
- L’amitié… murmura Jack pour lui-même.

Elle avait bon dos, l’amitié, songea-t-il sombrement.

- Mais… Qu’est-ce que vous espérez, à la fin ? demanda soudain Daniel en reposant bruyamment ses couverts.

Surpris, O’Neill redressa la tête.

- Vous traitez Sam comme une moins que rien… poursuivit le jeune homme. Vous… Vous agissez en vous moquant éperdument de ses sentiments et maintenant qu’un homme lui tourne autour, vous jouez les jaloux ? Il faudrait peut-être vous décider !

S’attendant à une réplique virulente, Jackson se recula légèrement mais il n’y eu aucune réaction. Jack resta silencieux, le visage fermé. Comprenant que malgré son comportement incohérent, son ami souffrait, Daniel se radoucit quelque peu.

- Pourquoi faites-vous ça ? Pourquoi la refusez-vous ?
- Ce n’est pas… si simple.
- Allons donc, répondit le jeune homme en levant les bras au ciel. Jack… C’est vous qui rendez les choses compliquées. Vu d’ici…
- Vu d’ici, le coupa O’Neill sèchement, vous n’avez pas toutes les données.

Daniel se tut, partagé entre la colère et la compassion. Cet homme assis en face de lui était l’une des personnes les plus complexes qu’il lui avait été donné de rencontrer. Il avait souffert certainement plus qu’il ne le saurait jamais et son refus obstiné d’être heureux avait quelque chose de pathétique. C’était comme s’il pensait qu’il ne le méritait pas. Comme s’il voulait se punir… Mais peut-être était-ce justement ce qu’il faisait. Il se punissait… Et Daniel savait parfaitement pourquoi.

- Vous savez quoi ? reprit-il donc en s’avançant vers lui. Vous avez peur !

A ces mots, il le vit froncer les sourcils.

- Oui ! Vous avez peur d’être heureux ! Est-ce que c’est pas complètement fou ? … Jack, bon sang ! Après tout ce qui vous est arrivé, vous êtes l’une des personnes qui le méritent le plus !

O’Neill se contenta de le regarder en silence, secrètement ému par les propos de son ami. Un mouvement vers sa droite lui fit lever les yeux. Carter et Reynolds passaient à côté d’eux et l’espace d’un instant, il croisa le regard troublé de la jeune femme.

Il sourit intérieurement.

C’était lui. C’était si évident. C’était lui qu’elle aimait…

***


Reynolds était assez fier de lui. Certes, il ne travaillait pas seul. Teal’c et Daniel, à leur manière - très personnelle - semblaient eux aussi mettre tout en œuvre pour parvenir à leur fin. Mais les regards incendiaires qu’il avait reçus d’O’Neill pendant le dîner étaient plutôt bon signe.

IL AVAIT ENFIN COMPRIS !

Cail resongea à l’instant où il avait eu la riche idée de prendre le poignet de Sam pour examiner une vilaine blessure qu’elle s’était faite lors de sa dernière mission. Les yeux de Jack avaient failli sortir de ses orbites ! Très drôle, vraiment ! Enfin… il aimait bien O’Neill mais il se comportait réellement comme un imbécile !

Cependant, il semblait sur le point de changer. Son regard, lorsque Sam et lui étaient passés à ses côtés, avait été… différent. Comme s’il venait de prendre conscience de quelque chose. Et elle l’avait senti, elle aussi, ce qui expliquait la nervosité de son pas.

Lorsqu’ils arrivèrent devant son labo, Carter se tourna vers lui, incertaine.

- Je crois que je vais vous laisser, dit-il donc pour répondre à sa question muette. Il ne devrait pas tarder…

Un sourire gigantesque vint manger le visage de la jeune femme, les yeux brillants d’espoir.

- Peut-être que…

Mais il stoppa de suite ses remarques éventuelles en levant les mains.

- Stop ! …

Puis, un sourire au coin, il s’éloigna laissant la jeune femme entrer seule dans son labo. Il ne lui restait plus qu’à mettre la main sur Daniel et Teal’c…

***

Le cœur cognant à se rompre dans sa poitrine, Sam regarda autour d’elle, se demandant s’il valait mieux qu’elle laisse la porte ouverte ou simplement fermée… C’était une question importante qui nécessitait une réflexion sérieuse. Devait-elle oui ou non fermer cette fichue porte ? Non… Il pourrait prendre cela comme un refus de le voir. D’un autre côté, peut-être ne viendrait-il pas… En revanche, avec la porte ouverte… si quelqu’un ayant besoin d’elle venait la chercher, elle serait obligée de partir. Et s’il choisissait ce moment pour venir et qu’il ne trouvait personne, il pourrait croire à tort qu’elle l’évitait… Arggg !!! Dilemme ! … Elle était encore à se demander quoi faire lorsqu’une voix retentit derrière son dos :

- Carter… ?

Son cœur faisant une embardée, elle sursauta violemment et se retourna aussitôt, les jambes flageolantes. Tentant de retrouver une contenance, elle se recula jusqu’à son bureau et s’appuya contre lui pour ne pas s’effondrer.

- Mon Colonel ?... dit-elle avant de rougir violemment devant sa bévue. Je veux dire… Colonel.

Jack, la mine grave, s’avança dans la salle, non sans avoir pris soin de refermer la porte derrière lui.

Fermée, c’était bien finalement…

Ils restèrent un moment silencieux, la tension était presque palpable. La jeune femme, les mains moites, s’obligeait à rester la tête haute et les yeux plantés dans ceux plus intimidants que jamais de Jack. Visiblement, la bataille n’était pas gagnée.

Il sembla hésiter encore un moment puis enfonça les mains dans ses poches.

- Ca ne pourrait pas marcher, dit-il finalement au bout d’un moment.

Les battements de son cœur s’affolèrent aussitôt. Sam savait qu’elle vivait sa seule chance de faire, une bonne fois pour toute, avancer les choses. Il avait décidé de parler d’eux, c’était inespéré. Le regard déterminé, elle se redressa en croisant les bras sur sa poitrine, bien plantée sur ses jambes qui à présent, ne tremblaient plus. Elle savait ce qu’elle voulait. Elle ferait tout pour l’obtenir.

- Pourquoi ? Qu’en savez-vous ?
- Il y a trop de différences, répondit-il simplement, aussi déterminé qu’elle.

Sam ne put empêcher un rire agacé. Comment faisait-il ça ? Comment faisait-il pour parler d’eux en restant dans le flou total, sans jamais les nommer ?

- Et si vous étiez un peu plus précis, que je sois certaine que nous parlons de la même chose.

A ces mots, Jack soupira.

- Vous savez très bien de quoi je parle…
- Je voudrais juste être sûre, insista-t-elle cependant.

Il l’observa un moment en silence, les mains crispées dans ses poches mais Sam ne faiblit pas.

- Nous sommes trop différents, finit-il donc par lâcher sèchement.
- Ah ! Répondit-elle simplement… Et en quoi sommes-nous si différents ?
- Je suis trop vieux.
- Je ne trouve pas.
- J’ai dix ans de plus que vous.
- Je préfère les hommes mûrs et expérimentés, dit-elle un sourire au coin, se donnant plus d’assurance qu’elle n’en avait.

Cette discussion la mettait au supplice. La crainte de faire un faux pas la paralysait. Mais après cette dernière remarque, elle crut voir son regard s’adoucir un instant, ce qui lui redonna courage, prête à démolir ses prochains arguments.

- J’ai un sale caractère, vous ne tiendriez pas cinq minutes.
- Ça fait pourtant quatre ans que je le supporte sans broncher, répondit-elle en haussant les épaules. J’ai vu le pire en vous et pourtant je suis toujours là.

Elle le vit plisser des yeux, hésitant.

- Nous n’avons rien en commun, dit-il finalement.
- J’aime la pêche. Mon père m’y emmenait à chacune de ses permissions lorsque ma mère était encore en vie… J’aime le hockey, le base-ball, le football… et l’astronomie, évidement.

Un silence se fit.

Ca y est. Il semblait à court d’arguments. Mais il ne se déridait pas pour autant. Pourquoi faisait-il ça ? S’il ne l’aimait pas, il n’avait qu’à le lui dire et tout prendrait fin. Au lieu de ça, il tentait de la convaincre qu’ils n’étaient pas fait l’un pour l’autre…

- Vous méritez mieux, lâcha-t-il finalement.

Incrédule, la jeune femme observa sa mâchoire se crisper et son regard devenir soudain fuyant… Son cœur se mit à battre plus vite.

Voilà la raison. La vraie raison… Il venait enfin de la lui donner. Il pensait ne pas la mériter. Lui ! C’était complètement fou ! Comment pouvait-il imaginer ça ? Le cœur serré de tendresse, elle s’avança vers lui et le sentit aussitôt se raidir.

- Vous pensez vraiment ce que vous dites ? Vous pensez vraiment que vous n’êtes pas assez bien pour moi ?

Son orgueil lui fit aussitôt redresser la tête mais croisant le regard bleu de la jeune femme… de cette femme si incroyablement intelligente, si belle, si courageuse… Jack finit par soupirer.

- Vous vous lasseriez, répondit-il au bout d’un instant.

Mais Sam secoua doucement la tête, un sourire sur les lèvres, les yeux brillants d’émotion.
Le problème n’était pas du à un manque de sentiments, comme elle l’avait cru… Non… Bien au contraire… En fait, il l’aimait tellement qu’il avait simplement peur de la perdre…

- Jamais, dit-elle alors d’une voix ferme et catégorique. Jamais je ne me lasserais.

Puis souriant de nouveau, avec cette fois-ci le plus de tendresse possible, elle leva une main hésitante puis caressa doucement le visage sévère de Jack. Elle le vit tressaillir à ce contact, le souffle court, le regard troublé.

- … Jamais je ne pourrais me lasser, murmura-t-elle finalement.

 

 


- Allez !!! Embrasse-la, gros nigaud ! s’exclama Daniel, les poings serrés, penché sur l’écran.

Depuis cinq bonnes minutes, Reynolds, Teal’c et lui avaient fait fuir le sergent responsable de la surveillance et pris sa place, branchés directement sur le labo du Docteur Carter.

A la base, ça partait vraiment d’une bonne intention. Ils voulaient juste éviter que la discussion censée tout arranger ne soit enregistrée… Nul doute qu’elle aurait aussitôt fait le tour du SGC ! Et puis de fil en aiguille, ils étaient tous les trois restés scotchés devant l’écran, la bouche ouverte, l’espoir au ventre, observant les efforts désespérés de la jeune femme pour faire flancher cette bourrique d’O’Neill !

Alors voilà. Ils étaient à présent penchés sur l’écran de surveillance et observaient avec perplexité l’immobilité inquiétante de Jack.

- Qu’est-ce qu’il fout ? grogna Cail pour lui-même. Il ne sait plus comment faire, ou quoi ?

Sam, aussi, semblait nerveuse face à son manque de réaction. Puis sans un mot, O’Neill sortit du labo, laissant la jeune femme seule au milieu de la pièce, incapable de faire le moindre mouvement. Un silence incrédule envahit la salle de surveillance.

- Quoi ??!!!! explosa finalement Daniel. Mais Bon Dieu !!! Je vais le tuer !

Il se leva d’un bond mais fut arrêté par la silhouette massive de son ami. La salle étant particulièrement petite, le Jaffa emplissait à lui seul le tiers de la pièce.

- Teal’c ? Ca va ? demanda-t-il alors devant l’expression particulièrement froide de son coéquipier.
- J’essaie de restaurer mon calme, Daniel Jackson, répondit-il d’une voix monocorde.
- Ah, parce que vous êtes énervé, là ? intervint Cail.
- Extrêmement.

Sa voix refroidit l’atmosphère et apaisa plus ou moins la fureur du jeune archéologue.

- Ne nous le tuez pas, quand même, hein…

Mais à peine avait-il fini sa phrase, que la porte de la pièce s’ouvrait brusquement. Se tournant d’un même mouvement vers l’intrus, ils tombèrent tous les trois nez à nez avec O’Neill. Celui-ci, stupéfait, se figea aussitôt et les quatre hommes se regardèrent un moment en silence. Serrant les dents, Jack fut le premier à retrouver ses esprits. Il s’avança dans la salle, poussa sans ménagement Daniel et Teal’c et appuya sur l’un des boutons éteignant ainsi la caméra du laboratoire.

- Si vous vous avisez de la rallumer, je vous jure que vous me le paierez !

Et sans un mot de plus, il ressortit, claquant la porte derrière lui.
Après son départ, les trois hommes mirent un moment à retrouver leurs esprits.

- Vous pensez ce que je pense ? demanda Cail, amusé.

Daniel acquiesça, un sourire aux lèvres mais ce dernier disparut lorsque Teal’c se pencha sur le moniteur pour appuyer sur le bouton de commande.

- Qu’est-ce que vous faites ?!
- Je veux juste vérifier, dit simplement le Jaffa avant de rallumer la caméra.

Sachant parfaitement qu’il aurait du l’en empêcher - même s’il était toujours extrêmement difficile d’empêcher un Jaffa de faire ce qu’il voulait - Daniel se contenta de tourner la tête vers l’écran de surveillance, fébrile.

 



Sam était toujours au centre de la pièce, fixant la porte close, une main nerveusement posée sur son front. Perdue, elle regarda autour d’elle, ne sachant pas trop ce qui venait de se passer. Pourquoi était-il parti ? Elle avait cru que tout s’arrangeait et puis… il était sorti, sans un mot. Elle fit quelques pas vers son bureau et s’assit, désespérée.
Non, elle ne pleurerait pas.

Mais le bruit d’une porte qui s’ouvre lui fit redresser la tête.

Il était revenu !

Incrédule, elle se leva tout en le regardant refermer soigneusement la porte derrière lui et s’avancer vers elle, d’un pas vif. Au bord de l’apoplexie, Sam le vit fondre sur elle sans la moindre hésitation et avant même de réaliser ce qui se passait, des bras vigoureux la soulevaient pour la serrer contre lui. Elle ouvrit la bouche pour parler mais il étouffa ses mots sous ses lèvres et la jeune femme abandonna aussitôt toute idée de discuter. Dans un gémissement, elle glissa les mains dans ses cheveux courts et s’agrippa à lui, répondant à son baiser. Il renforça de suite son étreinte, soupirant contre sa bouche…

- Sam…

Elle sentit un frisson délicieux glisser sur sa peau. Sa voix était si douce, ses caresses si tendres. Elle se sentait précieuse sous ses mains. Si merveilleusement aimée.

 

 

D’un geste sec, Teal’c appuya de nouveau sur le bouton et l’écran s’éteignit sous un concert de protestation.

- Eh !!!! Qu’est-ce que vous faites ?
- J’ai vu ce que je voulais voir, répondit-il avant de sortir de la salle, une expression satisfaite sur le visage.

Restés seuls, Cail et Daniel se regardèrent un instant, en silence, puis d’un même mouvement se tournèrent vers le tableau de contrôle et allumèrent de nouveau la caméra.

Jack et Sam continuaient de s’embrasser à perdre haleine.

- Ca fait du bien ! J’ai bien cru qu’on n’y arriverait jamais, commenta le jeune archéologue, un sourire sur les lèvres.

Reynolds approuva de la tête mais fronça tout à coup les sourcils. O’Neill venait de soulever la jeune femme pour la déposer sur le bureau et s’allongeait sur elle sans pour autant quitter ses lèvres. Les mains de Sam glissèrent sous le tee-shirt de son compagnon, tirant sur le tissu, dénudant son dos…

- Euh… Qu’est-ce qu’ils font, demanda Daniel, une rougeur apparaissant sur ses joues.

La jeune femme continuait ses caresses tout en encerclant les hanches d’O’Neill entre ses cuisses. Il n’en fallut pas plus pour que Jack perde totalement la tête…

Virant à l’écarlate, les deux hommes se jetèrent d’un même mouvement sur le tableau de commande et éteignirent la caméra. Un silence embarrassé envahit la salle.

- … Il vaudrait mieux qu’on reste quand même là parce que si le sergent Jones revient, j’ai bien peur que…
- Oui, oui, oui, s’empressa d’acquiescer Daniel en se raclant la gorge.

Nouveau silence.

- Alors ? attaqua finalement le Docteur Jackson, désireux de dissiper la gêne qui semblait s’instaurer entre le militaire et lui. Vous faisiez quoi avant de travailler au SGC ?
- … Secret défense, répondit Cail, au bout d’un instant.

Daniel haussa les sourcils. Combien de temps allaient-ils devoir rester là ?

- … Ah.


FIN

Colonel « Cail » Reynolds* : Comme le vrai prénom du Colonel Reynolds est inconnu, j’ai du faire un choix. ;-)