Une histoire de point de vue


Auteur : Hito
E-mail : h_hito76@yahoo.fr
Résumé: Moebius vu d’ailleurs…
Genre: Romance S/J, Humour…
Spoilers: Moebius Saison 8
Disclaimer : Les personnages et l’univers ne sont pas à moi mais à la MGM…

NB/ Un gros merci à gjc597 et Hélios. Et comme toujours un énorme bisou à Cassi et Aurélia !
Merci à Suz’ pour ses corrections !

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Le claquement familier de volets qui se ferment la fit se redresser sur son énorme séant. Mademoiselle Pot, prononcé « PotE » et non pas « Pot » comme elle se tuait à le répéter, posa sa tartine de pain grillé près de son bol de café au lait et s’approcha discrètement de la fenêtre de sa cuisine.
Le coffre de la voiture de sa voisine, la familiale et non la petite rouge très « m’as-tu-vu » et de fort mauvais goûts, était grand ouvert.

Barbie partait pour le week-end.

Attrapant vivement sa tartine beurrée, Mademoiselle Pot la fit rapidement disparaître dans sa large bouche et resserra les pans de sa robe de chambre rose à petites fleurs bleues. Elle se dirigea ensuite vers la porte d’entrée, s’arrêta un instant devant le miroir du couloir pour juger de sa mise et attendit d’entendre le pas de la jeune femme sur le gravier pour sortir de chez elle.
La fraîcheur de la matinée la surprit mais elle serra les dents et s’avança tranquillement en direction de sa boîte à lettre. Il était un peu tôt pour vérifier le courrier, le facteur ne passant d’ordinaire que vers dix heures, mais elle laissait toujours un prospectus à l’intérieur, au cas où…

- Bonjour Mademoiselle Pot ! entendit-elle avec satisfaction.

Le « E » n’avait pas été oublié.
Elle se tourna dignement vers la jeune femme qui s’était arrêtée un court instant pour la saluer.

- Bonjour. Comment allez-vous ?
- Très bien, je vous remercie. Et vous ?
- Bien également.

Elle se tut un instant avant de désigner la voiture un peu plus loin.

- Vous partez en vacances ?
- Oui, répondit la jeune femme en souriant. Je vais passer quelques jours dans le Minnesota.

Mademoiselle Pot se contraignit à lui rendre son sourire. Cette petite pimbêche se sentait obligée de se vanter d’un tel voyage, mais que croyait-elle ? Qu’elle l’enviait de partir là-bas ? Elle y était déjà allée, elle aussi ! C’était il y a quelques années, certes, mais elle se souvenait parfaitement des magnifiques forêts et des grands lacs qui parsemaient la région…

- Eh bien amusez-vous bien, alors.
- Merci, vous aussi.

Se forçant à ne pas tiquer sur ces derniers mots, Mademoiselle Pot acquiesça en ouvrant sa petite boite à lettre tandis que sa voisine s’éloignait déjà pour rejoindre son véhicule.
S’il s’agissait de vacances en amoureux, Barbie aurait pu choisir des vêtements un peu plus seyants. Un jean. Non mais franchement ! Les femmes d’aujourd’hui ne faisaient même plus d’efforts et croyaient que tout leur était dû ! Il suffisait de voir avec quelle facilité cette poupée, certainement siliconée, faisait marcher son fiancé à la baguette ! Pensait-elle vraiment qu’elle parviendrait à le garder de cette façon ? Elle n’allait pas rester jeune et belle éternellement ! Un jour ou l’autre, bientôt même, songea Mademoiselle Pot avec perspicacité, tout allait tomber et la froideur de la jeune femme à l’égard de son galant ne pourrait plus être compensée par son joli minois !
Mademoiselle Pot savait, elle, comment il fallait s’y prendre pour retenir un homme ! Un bon repas, une attention constante, une grande disponibilité… voilà quels étaient les ingrédients nécessaires pour garder son époux le plus longtemps possible. Si seulement son Simon n’avait pas perdu la tête juste avant leur mariage…

Reprenant ses esprits, se contraignant à repousser au loin cette pensée amère, elle reporta son attention sur la jeune femme qui refermait vivement le coffre de sa voiture et s’installait derrière son volant.
Son assurance était vraiment agaçante et pourtant elle n’avait vraiment pas de quoi minauder ! Après tout, elle approchait de la quarantaine et n’était pas encore mariée ! Elle se donnait de grand air, avec ses sourires par-ci et ses « Bonjour » par-là mais Mademoiselle Pot voyait clair dans son jeu ! Elle devinait aisément les propos mesquins que cette Samantha Carter échangeait avec ses collègues de travail ! Elle avait bien vu le regard suffisant que posaient sur elle l’homme noir aux bonnets ou bien celui à lunettes qui passaient parfois.

A cette pensée, Mademoiselle Pot renifla dédaigneusement tout en sortant de la boite à lettre le prospectus laissé à dessein.
Cette fille savait apparemment s’entourer d’hommes de toute sorte ! Et pas des plus vilains, en plus de cela, songea-t-elle avec agacement. Celui qui avait retenu son attention et qui passait, à son sens, beaucoup trop rarement, était grand, mince, les cheveux poivre et sel et un regard… qui vous transperçait jusqu’aux tréfonds de votre ââââââme… C’était sur cet homme-là que Barbie aurait du jeter son dévolu, et non sur le petit grassouillet ! Décidément, cette fille avait tout de la blonde superficielle et sans jugeote et le fait qu’elle soit si entourée l’agaçait encore plus. Mais les hommes étaient stupides et faibles ! Un profond décolleté et ils devenaient vos meilleurs amis ! A elle aussi, c’était arrivé ! Il y a quelques années…
Mademoiselle Pot suivit la voiture de la jeune femme du regard puis renifla de nouveau lorsque celle-ci disparut au coin de la rue.

En y réfléchissant, tous ces hommes à ses côtés ne signifiaient pas grand chose. Après tout, elle faisait partie de l’armée ! Elle devait certainement travailler dans les bureaux, être l’une des nombreuses secrétaires qui devaient pulluler à Cheyenne Mountain. Rien de très passionnant de toutes façons ! Quel intérêt y avait-il à la construction de satellites, mis à part bien sûr le gain de chaînes TV ? Elle imaginait aisément Barbie derrière son bureau, faisant ses ongles et s’interrompant uniquement pour aller voir son supérieur, un petit plateau dans la main et un sourire de commande sur les lèvres.

« Un café, Monsieur ? »

Et dire que c’était ses impôts qui payaient cette femme ! Honteux !

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Bill regarda s’engager la familiale bleue et sourit largement en reconnaissant son occupante. Glissant son chiffon sale dans la poche arrière de sa salopette, il s’avança à sa rencontre d’un pas claudiquant, la voiture se stabilisant devant les pompes.

- Bonjour Colonel ! Comment allez-vous ? demanda-t-il en faisant le tour du véhicule.
- Très bien merci. Et vous ? répondit-elle en souriant, la vitre baissée.
- Ça va, ça va ! Je vous fais le plein ?
- Oui, s’il vous plait.

Bill dévissa le bouchon du réservoir et bientôt le grondement sourd et familier de la pompe se fit entendre.
Il n’y avait pas beaucoup de femmes dans l’Armée et il avait beaucoup d’admiration pour celles qui parvenaient à s’y faire une place, surtout lorsqu’elles étaient aussi gentilles que le Colonel Carter. Alors il aimait bien l’appeler par son grade, surtout devant d’autres clients. C’était pour lui un signe de respect et ça l’amusait toujours de voir les gens hausser les sourcils, surpris en découvrant que le dit « Colonel » était en fait la jolie blonde en civil à ses côtés.

Aujourd’hui encore, pas d’uniforme ni de treillis. Et le petit sac et l’anorak matelassé qui trônaient sur la banquette arrière de la voiture laissaient présager un week-end tranquille à la campagne, chose qu’elle devait certainement mériter. Combien de fois l’avait-il vue passer à sa station-service, la mine fatiguée, de retour de Cheyenne Moutain ? Surtout ces derniers jours.

Bill s’était souvent demandé ce que renfermait la montagne et la version officielle concernant les satellites militaires ne lui semblait que peu probable.

Non mais sans rire ? A qui cherchait-on à faire gober ça ? Vous imaginez le Président des Etats-Unis d’Amérique se déplacer plus de cinq fois en huit ans pour si peu ? A moins, bien sûr, qu’il ne s’agisse de satellites high-tech, comme dans les films, capables de rayer une ville de la carte en un seul tir.

Quoiqu’il en soit, la jeune femme à quelques pas de lui jouait certainement un rôle important. Il l’avait vue passer de Capitaine à Major, puis de Major à Lieutenant Colonel en l’espace de huit petites années, sans compter les décorations qui s’accumulaient sur son bel uniforme. Un jour, il s’était amusé à répertorier les dernières apparues et lorsqu’il en avait découvert la signification, ses soupçons s’étaient brusquement vus confirmés ! On ne donnait pas la « National Defense Service Medal » à n’importe qui. Il fallait être au minimum à l’origine d’un véritable exploit pour la mériter. Et ce n’était certes pas en bidouillant des satellites que cela pouvait arriver…

Un profond soupir le tira de ses pensées. Jetant un coup d’œil sur le visage de la jeune femme qu’il voyait parfaitement dans le rétroviseur latéral, il lui trouva les traits étrangement tendus et le bruit répétitif de ses doigts fins tapotant machinalement le rebord de la fenêtre renforçait cette impression. Elle se redressa brusquement, tendit le bras afin d’allumer la radio mais l’éteignit tout de suite après, avant de soupirer de nouveau. Elle avait tout d’une boule de nerf ! Peut-être que parler la détendrait un peu.

- Vous partez pour le week-end ? demanda-t-il donc la faisant involontairement sursauter.

Elle se retourna aussitôt et passa la tête par la fenêtre ouverte, un gentil sourire sur les lèvres.

- Pour la semaine.
- Le travail ?
- … Le loisir. Enfin… Pour me détendre. Me changer les idées.

Bill acquiesça, la mine compatissante.

- Dure semaine ?
- Dure année, répondit-elle avec une note d’humour dans la voix. Et du changement dans l’air.
- Vous partez ? demanda-t-il, désolé.
- Je ne sais pas encore. Tout dépendra de cette semaine, je pense.

Comme elle restait volontairement évasive, Bill ne se sentit pas de lui poser davantage de questions. Il trouvait juste dommage qu’elle s’en aille, si elle s’en allait, bien sûr. Les gens prenaient rarement le temps de discuter avec lui. Tout le monde était toujours si pressé. Alors lorsqu’il tombait sur une femme comme elle, simple, ouverte et, cerise sur le gâteau, belle comme un ange, ça le peinait d’imaginer qu’il ne la reverrait plus.

- Mais j’ai bon espoir… murmura-t-elle alors, glissant une mèche rebelle derrière son oreille.

Elle semblait perdue dans ses pensées et Bill sourit doucement.

- Bon espoir de rester ou de partir ?
- De partir. De changer de vie.

Elle accompagna ces quelques mots d’un large sourire et il ne put qu’acquiescer devant tant d’espérance.

- Alors je vous le souhaite, dit-il avec sincérité.

Le clic significatif et le blocage de la pompe lui indiquèrent le plein du réservoir. Après avoir précautionneusement secoué le manche, il le reposa et vissa le bouchon.

- Voilà !

La jeune femme lui donna quelques billets et il lui rendit la monnaie avant de se redresser, rajustant sa casquette sur la tête.

- J’espère vous revoir bientôt malgré tout, dit-il en souriant.
- Moi également. Mais si je pars, ce ne sera pas tout de suite. Bonne journée Monsieur Lance.
- Bonnes vacances, Colonel. Reposez-vous bien.

Elle lui fit un petit salut de la main avant de démarrer et il la regarda rejoindre doucement la chaussée.

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Emily redressa la tête lorsqu’une voiture se gara à proximité de sa maison. Décidément, depuis quelques minutes c’était le défilé chez son cher et d’ordinaire si paisible voisin.
Les mains pleines de terre, à genoux devant ses hortensias, elle tendit le cou afin de voir par-dessus la balustrade et haussa machinalement les épaules en reconnaissant la jolie blonde qui était déjà venue à plusieurs reprises. Moins depuis un an, c’est vrai…

A peine celle-ci venait-elle de faire quelques pas dans la petite allée qu’ « il » ouvrait la porte pour l’accueillir. Il s’avança tranquillement vers la nouvelle venue et cette dernière s’immobilisa, un sourire qu’Emily jugea figé sur ses lèvres.
Elle les avait pourtant vus plus détendus…

- Bonjour, dit-il, avec un sourire à tomber par terre.

Emily en lâcha sa petite pelle.

- Bonjour. Ils sont déjà là ?
- Oui, vous êtes la dernière. Finalement, au lieu de nous séparer en deux groupes, on a décidé de tous monter dans le Pick-up ! Ca vous évitera de longues heures de conduite.
- Ça ne m’aurait pas dérangé, vous savez…
- Laissez couler, Carter. Cette petite semaine est pour vous ! Je vais prendre vos affaires.

Souriante, la jeune femme acquiesça et ils s’avancèrent d’un même pas jusqu’à la voiture. Emily les regarda s’arrêter devant le véhicule avec envie. La jolie blonde allait passer quelques jours avec « lui »…

Lorsqu’elle avait entendu son voisin s’affairer ce matin aux aurores, ce qui, selon ses sources, était généralement signe d’un départ pour le Minnesota, elle s’était jetée sur ses vêtements, avait foncé dans le garage et pris son matériel de jardinage. Elle s’était ensuite postée devant son parterre d’hortensias stratégiquement situé, lui donnant une vue imprenable sur la maison du dénommé Jack O’Neill. Faisant mine de s’occuper de fleurs dont elle ne connaissait en fait que le nom, elle s’était employée à observer les faits et gestes de l’homme qui s’activait autour de son Pick-up.

Il avait revêtu pour l’occasion des vêtements simples et pratiques : jeans, sweat et chemise qui lui allaient comme un gant.
Mais de toute façon, tout lui allait comme un gant…

Même rien, en fait…

Un sourire béat sur les lèvres, Emily se remémora le jour où il avait laissé la fenêtre de la salle de bain entrebaîllée tout en prenant sa douche matinale… Le vent l’avait brusquement ouverte et elle avait eu l’occasion, hélas unique, de le voir dans le plus simple appareil. Quel souvenir mémorable ! Impérissable !
Depuis, elle guettait cette fenêtre avec espoir… en vain. Jack O’Neill ne semblait pas homme à se montrer imprudent en commettant deux fois la même erreur.

Et c’était bien dommage…

Quoiqu’il en soit, depuis son réveil, elle avait passé près d’une demi-heure à observer son voisin, à genoux devant ses fleurs, le cou tendu à s’en déboîter les cervicales. Dieu merci, pour un militaire, il ne semblait pas très observateur. Il ne l’avait pas vue !

Il faut dire qu’aujourd’hui Jack O’Neill avait apparemment la tête ailleurs. La bonne humeur qu’il affichait était presque communicative. Tout en rassemblant ses affaires, il sifflotait gaiement un air familier dont elle désespérait de trouver le nom ! Foutue mémoire ! Et il agrémentait le moindre de ses gestes de petits commentaires succins.
Oui, sa bonne humeur était flagrante. Bien évidemment, elle avait aussitôt songé à la jolie brune avec laquelle il entretenait une relation depuis quelques semaines, maintenant. Mais l’arrivée impromptue du grand noir et du jeune intello vint rapidement la détromper.

C’est donc avec un soulagement définitivement absurde qu’elle les regarda s’activer tous les trois autour du Pick-up afin de le remplir en conséquence.
Et oui, « absurde », elle en convenait parfaitement. Certes elle avait un grain, mais elle, au moins, en avait parfaitement conscience.
Depuis combien de temps s’était-elle entichée de lui, au fait ?… Ou plus exactement… depuis combien de temps vivait-elle dans le quartier ?
Ah oui… trois ans quand même… Déjà…
Ça faisait trois ans qu’elle habitait juste à côté de chez lui et trois ans… qu’elle attendait le bon moment pour lui adresser la parole. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir essayé. A plusieurs reprises même… Mais, après chaque raclement de gorge pour s’éclaircir la voix, elle finissait toujours par s’aplatir au sol, le nez dans la terre et ses fichues hortensias.

Soupirant de lassitude, Emily se tassa sur elle-même lorsque le couple passa à proximité afin de rejoindre le Pick-up. Il avait pris les sacs les plus lourds, déchargeant un maximum la jeune femme.
Quel homme merveilleusement galant…

- Il y aura assez de place dans votre coffre ?
- Ne vous inquiétez pas. Et dans le cas contraire, j’attacherai Daniel sur le toit.

Et drôle en plus…
La porte de la maison s’ouvrit alors, laissant le passage aux deux hommes de tout à l’heure.

- On a fini les sandwichs pour la route ! … Ah ! Salut, Sam !
- Bonjour Colonel Carter.
- Bonjour, répondit la dite « Colonel » en souriant.

Eh bien ! Elle n’avait pas vraiment l’allure d’une militaire… Emily l’aurait plus vue… secrétaire, un plateau à café dans les mains…
Argh !!! se fustigea-t-elle aussitôt. Voilà qu’elle devenait aigrie maintenant ! A son âge !
Se secouant mentalement, elle fit mine de tripoter ses fleurs tandis que les deux hommes, un sac contenant certainement leur repas du midi dans la main, passaient à quelques mètres d’elle. Une fois les bagages de la jolie blonde rangés dans le coffre, Jack O’Neill se tourna vers le groupe, un large sourire sur les lèvres.

Roooh ! Trop beau… songea Emily, un brin désespérée.

- Bien ! Les garçons, vous montez derrière, ça vous va ?
- Parfaitement, répondit l’armoire à glace.

Et tandis que tous s’installaient dans le Pick-up, Jack O’Neill rejoignit sa maison afin de la fermer à clef. Les mains crispées sur son jean maculé de terre, Emily tendit le cou pour ne pas rater une miette de ce spectacle.
Avec quel dynamisme il marchait dans l’allée ! Avec quelle souplesse il grimpait les marches du perron ! Avec quelle nonchalance il tournait la clef dans la serrure…
Ahhhhhh…
Enfin, après un rapide tour de la maison, il rejoignit aux pas de course sa voiture et s’installa derrière le volant.

- C’est parti ! s’exclama-t-il avec entrain.

Il referma vivement la portière avant de démarrer… avec aisance…
Et quelle marche arrière… tout en puissance et maîtrise.
Quelques secondes plus tard, Emily regardait le Pick-up disparaître et soupira de déception. Se redressant avec difficulté, compte tenu du temps passé à genoux sans bouger, elle tapota sur son jean afin d’ôter en partie la terre qui le recouvrait. Puis, baissant les yeux, elle jeta un œil à sa montre.
7 heures 58 ! Il était grand temps de réveiller sa marmotte ! Certes ils ouvraient le magasin à 10 heures mais Gary mettait toujours un temps interminable à se préparer !

- Les hommes, j’vous jure !

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Allez ! Plus que quelques dizaines de mètres et elle était arrivée ! Quelle idée d’avoir acheté ce foutu vélo ! Et quelle idée de construire des routes qui montent ! Les descentes, c’était tellement mieux !
Jetant un œil au feu, qui, devant elle, passait au rouge, Josie choisit de ne pas le griller et s’arrêta, la respiration courte. Trop épuisée et soufflant comme un buffle, elle ne prêta que peu d’intérêt à la grosse voiture noire qui s’était arrêtée à ses côtés. Pourtant, par réflexe et peu encline à se voir surprendre par une connaissance dans une situation si peu valorisante, elle jeta un œil à l’intérieur du véhicule et se redressa aussitôt.

Les fenêtres étaient toutes baissées et un magnifique spécimen mâle, la trentaine avancée, cheveux châtains, yeux bleus, petites lunettes très seyantes et sourire ravageur trônait à l’arrière, juste à ses côtés. Apparemment très peu intéressé par ce qui se passait à l’extérieur de la voiture, il se pencha vers le conducteur.

- Bizarre votre voisine, Jack.
- Oui, je sais… Je crois qu’elle a grain.
- Elle a surtout un faible pour vous, Mon Général.
- Elle a un grain, c’est bien ce que je disais…

Le feu repassa au vert et Josie vit avec désespoir le bel inconnu s’éloigner à vive allure…
Elle aurait mieux fait d’acheter une moto…

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Connor soupira bruyamment et se redressa passablement agacé.
Il s’ennuyait. Il s’ennuyait vraiment et il détestait ça. S’ennuyer.
Balayant les environs de son regard boudeur, ses yeux accrochèrent un superbe pick-up noir qui, après un rapide passage à la station service, s’éloignait en direction du parking de l’air de repos. Jetant un coup d’oeil à la voiture miniature qu’il tenait à la main, il haussa les sourcils et un sourire vint étirer ses petites lèvres charnues.
On aurait dit la même !
Sa curiosité éveillée par cette étrange coïncidence, Connor décida d’aller vérifier de plus près ses soupçons. Mais bien évidemment, à peine venait-il de faire un pas qu’une voix s’élevait déjà dans son dos :

- Connor ? Où vas-tu ?

Il soupira aussitôt et se composa rapidement un visage innocent avant de se retourner.

- Je vais juste jouer là-bas, répondit-il en tendant son petit bras vers un monticule de terre à seulement une dizaine de mètres d’eux.
- Très bien... Mais ne t’éloigne pas, tu m’entends !
- Oui mamaaaaan.

Se détournant, il s’éloigna aux pas de course et s’accroupit docilement devant le terrain de jeu improvisé. Pendant quelques minutes, il fit mine de jouer avec la voiture miniature que son père venait de lui acheter puis, voyant ses parents accaparés par sa soeur et ses deux autres frères, il en profita pour prendre la poudre d’escampette.
Courant aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient, il rejoignit les abords du parking et se mêla à la foule qui se pressait à l’entrée du snack afin de bénéficier de sandwichs et boissons fraîches. Une fois passée la meute affamée, il poursuivit sa route à la recherche du Pick-up noir, hélas, du haut de son mètre vingt et malgré la taille imposante du véhicule, il lui fallut bien quelques minutes supplémentaires pour le dénicher.

- Mince ! grommela-t-il en découvrant un couple juste à côté.

Une femme était assise côté passager et un homme parlait avec elle debout, le bras appuyé sur la portière ouverte. Incapable d’abandonner si près du but, Connor contourna tranquillement l’avant du véhicule et partit se cacher de l’autre côté. La portière du conducteur était également ouverte mais la femme tournée vers son interlocuteur ne représentait guère de danger.

- On a presque fait la moitié du trajet. Ça va aller ?
- Oui, je vous remercie. Je suis désolée de m’être endormie... Je suis un piètre co-pilote.
- Ne vous faites pas de soucis. Daniel s’est chargé de m’occuper... contre mon gré...

Le rire de la femme fut le bienvenu ! Après avoir marché sur son lacet défait, Connor avait perdu l’équilibre et s’était retenu in extremis à la voiture, faisant par là-même un bruit qu’il avait jugé assourdissant. S’accroupissant à l’abri des regards, il s’employa à faire un joli noeud afin d’éviter un nouvel incident.

- Et... Le moral, ça va ?
- ... Oui... ça va...

Un double noeud aussi... Sait-on jamais.

- ... Il y a des moments... plus difficiles mais ça va relativement bien. Merci.
- Tant mieux...

Voilà ! Ca devrait pouvoir tenir !
Plongeant la main dans la poche avant de sa petite salopette, il en sortit la voiture miniature et observa le profil de la maquette. Puis faisant quelques pas en arrière pour avoir une vue d’ensemble du Pick-up, il chercha quelques points de comparaison.

- En fait... Je viens de rompre avec Pete.

Les fenêtres arrières semblaient les mêmes... Par contre, difficile de voir celles de l’avant puisque la portière était ouverte...

- Je m’en doutais.
- ... Comment cela ?
- Vous ne portiez plus votre bague depuis quelques jours.
- Ah.

Et s’il allait jeter un oeil à l’arrière ?

- ... Et... Vous ne regrettez pas votre cho...

Ah non, les phares n’avaient pas la même forme du tout... En revanche, le coffre ressemblait vraiment beaucoup à sa maquette ! Et la taille des pneus était impressionnante ! Leur largeur faisait presque la longueur de son bras !
Non, vraiment ce Pick-up était très beau ! Et puis noir, comme ça ! C’était la classe ! Rien à voir avec la vieille voiture que ses parents avaient été contraints d’acheter avec l’arrivée des jumeaux...
Dans un soupir, Connor se rapprocha de nouveau de l’avant afin de jeter un oeil à l’intérieur du véhicule. Le couple était encore là, hélas, mais il ferait avec.

- ... nécessaire. Je n’étais pas... totalement sincère.
- ... Je vois.

Dressé sur la pointe des pieds, Connor tendit discrètement le cou et observa avec émerveillement le luxueux tableau de bord. Il était gigantesque ! Des dizaines et des dizaines de boutons agrémentaient l’habitacle et la nuit, illuminé, le conducteur devait avoir l’impression de se trouver aux commandes d’un avion !

- L’important est de ne rien regretter.
- Je ne regrette rien.

Posant une main sur le large siège, Connor fut impressionné par le recul de celui-ci. Le conducteur devait être immense... C’était peut-être l’homme qui parlait à la Dame blonde. Il avait l’air plutôt grand.
S’écartant légèrement, il pivota sur sa droite et colla son visage à la vitre arrière afin de jeter un oeil sur la banquette. Il ne voyait quasiment rien, tant le véhicule était haut et à force de se tenir sur la pointe des pieds, ses mollets commençaient à lui faire mal. Dans un nouveau soupir, il s’écarta à contre-coeur et jeta un oeil à la petite miniature qu’il tenait toujours dans sa main. Pour le moment, il allait devoir se contenter de ça, mais lorsqu’il serait plus grand, il aurait le même Pick-up ! En noir en plus ! C’était classe en noir !

Un sourire rêveur sur les lèvres, il se retourna et sursauta violemment en découvrant juste sous son nez une paire de genoux. Levant lentement les yeux dans une ascension qui lui semblait interminable, son coeur s’emballa furieusement en découvrant le visage fermé d’un homme de couleur, penché sur lui.

Il devait faire... au moins trois mètres ! Ou peut-être même, trois mètres cinquante !

- Je crois que vos parents vous cherchent, jeune homme, dit le géant d’une voix grave aussi impressionnante que sa taille.
- Mes... mes parents ?
- En effet. Vous vous appelez bien Connor Miller ?
- Euh... Oui. C’est moi... bredouilla-t-il, surpris de se voir vouvoyé en plus d’entendre son nom dans la bouche d’un inconnu.

L’homme acquiesça et un sourire vint adoucir son visage. D’un geste lent, il tendit l’une de ses grandes mains et Connor ne sut trop pourquoi il y glissa la sienne sans se poser davantage de question. Ce n’était pourtant pas faute d’entendre maman lui répéter sans cesse de ne "jamais, jamais suivre un inconnu!".

- Je vais vous ramener à votre mère. Elle vous attend près du snack.

Connor acquiesça sagement, impressionné par le calme de cette montagne de muscles.
Ce serait vraiment génial d’avoir un ami comme ça ! Une sorte de garde du corps ! A l’école, les grands lui ficheraient aussitôt la paix et il pourrait ainsi garder son argent de poche pour économiser et s’acheter le Pick-up ! Ils en feraient une tête après !
Trop cool !

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Ce qui lui sembla être le ronronnement familier d’un moteur lui fit redresser la tête. Malgré son âge avancé, son ouïe était encore bonne et Al jugea préférable d’aller vérifier.

Cela faisait plus de quinze ans maintenant qu’il travaillait ici en tant que garde forestier. Enfin, pour être honnête, il n’avait pas réellement cette fonction mais après de trop nombreux incendies criminels survenus dans les années quatre-vingts dix, les quelques habitants qui parsemaient les environs avaient jugé bon d’employer eux-mêmes une personne pour surveiller leurs diverses propriétés. Les autorités locales étaient parfaitement au courant et venaient régulièrement voir Al afin d’obtenir un rapport quotidien de la situation générale des lieux. Celui-ci passait la plupart de son temps à arpenter la forêt, notant consciencieusement la plaque minéralogique des voitures qu’il croisait ou parfois même vérifiant que les campeurs occasionnels repartaient en laissant les bois aussi propres qu’à leur arrivée.

Il n’était pas énormément payé pour faire ce travail, mais ses employeurs le connaissaient bien à présent et Al était assez fier de dire qu’il faisait un peu partie de la famille. Il était toujours très bien reçu et, lorsqu’il faisait ses rondes à l’intérieur même des propriétés, il repartait parfois avec une bouteille de vin ou bien une pâtisserie préparée spécialement à son intention.

Les gens étaient gentils avec lui et il n’en demandait pas plus. Il aimait sa solitude. Il aimait ses longues marches quotidiennes et paisibles dans la nature verdoyante du Minnesota. La ville, il l’avait désertée depuis de nombreuses années maintenant et pour rien au monde il n’y serait retourné. Bien sûr, Al avait parfaitement conscience que le temps allait finalement avoir raison de lui. Il n’était plus tout jeune et depuis longtemps déjà, ses employés auraient pu le remplacer par quelqu’un de plus... énergique mais eux-même n’étaient pas pressés de voir un étranger sur leurs terres. Ils étaient rassurés de savoir leurs enfants et petits-enfants avec « le vieux Al ». Rassurés et confiants.

Tandis que le bruit de moteur se faisait toujours plus proche, Al accéléra le pas et sortit des bois pour atteindre un chemin de terre destiné d’ordinaire aux riverains. En découvrant le Pick-up noir et familier déplaçant un nuage de poussière sur son passage, un sourire vint éclairer son visage ridé.

Le Général O’Neill. Un homme vraiment bien, aimant les choses simples et la tranquillité. Il avait en lui un profond altruisme et Al appréciait cette qualité. C’était rassurant de savoir qu’une personne comme lui, avec le sens des vraies valeurs, était à la tête de l’armée.

Et c’était un véritable gâchis qu’il soit toujours seul.

Après le drame que cet homme avait vécu, il aurait bien eu droit à un peu de bonheur. Mais depuis le décès de son fils, il n’avait jamais amené ici qu’une seule personne. Un ami à la taille imposante dont le nom lui échappait. Hélas, depuis, personne. Et O’Neill avait beau prétendre aimer la solitude, Al voyait bien qu’à l’inverse de lui, il ne l’avait pas choisie. Il la subissait, au contraire.
Levant la main en signe de salut, il regarda le Pick-up ralentir puis s’arrêter à sa hauteur et fut profondément surpris de voir la voiture entièrement occupée.

- Bonjour Al ! Comment allez-vous ? demanda le Général avec un entrain communicatif.
- Très bien et vous ? Je vois que vous êtes venus avec des amis.
- Oui ! acquiesça-t-il en se tournant vers l’arrière du Pick-up. Dans le fond, là-bas, vous avez Daniel Jackson.

L’homme à lunettes leva aussitôt la main et Al apprécia le regard franc et la sincérité de son « bonjour ! » auquel il se fit un plaisir de répondre.

- Vous connaissez déjà Murray ! poursuivit Jack. Il était venu, il y a quelques années.
- Tout à fait ! Je m’en souviens.

De lui et de sa façon étrange d’incliner la tête pour saluer. En revanche, le sourire que le dénommé Murray affichait à présent était nouveau. A l’époque de leur première rencontre, hormis un haussement de sourcil ponctuel, rien ne semblait pouvoir troubler son visage stoïque.
Après les « bonjour » d’usage, Jack se tourna finalement vers sa droite.

- Et enfin, je vous présente Samantha. Samantha Carter.

Non sans curiosité, Al se tourna vers la jeune femme et prit aussitôt la main qu’elle lui tendait. Elle s’était légèrement appuyée sur Jack pour arriver jusqu’à lui et le vieil homme vit du coin de l’oeil O’Neill observer avec un trouble évident le visage de Samantha à quelques centimètres seulement du sien.

- Appelez-moi Sam, dit-elle, apparemment inconsciente de son effet.

Al acquiesça et serra avec entrain la main de la jeune femme.

- Vraiment très très heureux de vous rencontrer. Vous êtes venus pour le week-end ?
- La semaine, répondit Jack tandis que Samantha reprenait sa place initiale, côté passager. Nous repartirons le vendredi suivant.
- C’est noté ! J’espère que vous allez vous plaire, ici, dit-il à l’intention de la jeune femme. Et que vous reviendrez souvent.

Il vit celle-ci se troubler quelque peu et l’espace d’un instant, Al craignit de s’être montré un peu trop familier et d’avoir mis le Général O’Neill dans l’embarras, mais la réponse et le sourire de ce dernier le rassura.

- Je l’espère aussi.

La jeune femme se figea, le regard plus troublé encore et Al sourit à son tour en voyant les joues de Samantha rosir légèrement. Il s’écarta alors de la voiture et inclina la tête en signe de salut.

- Eh bien, amusez-vous bien, jeunes gens !
- Merci Al. Et n’hésitez pas à venir nous voir.
- Je n’y manquerai pas, Jack.

Après un dernier échange de sourires, le vieil homme regarda le Pick-up s’éloigner lentement sur le chemin caillouteux.
Il était heureux, vraiment très heureux pour le Général O’Neill. Il avait apparemment su s’entourer de personnes ouvertes et sincères et la bonne humeur qu’il affichait prouvait le plaisir évident que Jack avait de savoir ses amis avec lui. Quant à la jeune femme... Al avait de suite interprété son besoin de la présenter en dernier comme le souhait inconscient de garder le meilleur pour la fin.

« ... Je vous présente Samantha. Samantha Carter. »

Faire plus officiel n’était guère possible. Avait-elle compris le message que Jack avait voulu lui faire passer de façon si implicite ? Il n’en était pas certain. D’un autre côté... elle avait parfaitement saisi le « Je l’espère aussi ».
Et avec cela, aucune doute n’était permis.

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Travis frissonna violemment et hésita à repartir chercher dans sa voiture la parka qu’il y avait stupidement laissée. Il faisait vraiment frisquet ce matin et se trimbaler en tee-shirt par 10°C n’était peut-être pas la meilleure idée qu’il avait eue dans sa vie. Cela dit... partir en exploration dans la forêt dans le but de prendre quelques piafs en photo ne semblait guère mieux...

La veille au soir, tandis qu’il s’abrutissait devant quelques « reality show » débiles, il avait tenté de se trouver une nouvelle occupation. Quelque chose qui le passionnerait un peu et qui le ferait bouger. Et c’était en voyant au même instant une poule à la télé qu’il avait songé à l’observation des oiseaux !

Il voyait souvent faire ça dans les films. Le type avec tout son matériel, jumelles, parka, bermuda et appareil photo gambadant dans la forêt... Pourquoi ne pas essayer ? Après tout, sa dernière tentative d’occupation - la fabrication d’un lance-flamme - ne s’était pas vraiment très bien passée... Elle avait même eu des conséquences assez désastreuses sur son garage et l’avait incité à revoir sa notion de « loisir ».

Mater des piafs ! Ca, c’était reposant et surtout beaucoup moins dangereux pour ses cheveux...

Alors voilà pourquoi il se retrouvait là, à se geler les miches en bermuda et tee-shirt, un appareil photo autour du cou. Avançant tranquillement, le regard en mouvement, il aperçut un volatile dans l’un des arbres et empoigna aussitôt ses jumelles.

L’oiseau était... marron, de taille moyenne, du moins lui sembla-t-il, avec un p’tit bec tout noir et entouré de plumes... marrons. Bref, pas très beau. Pas de quoi faire une photo en tout cas !

Dans un soupir, il continua sa route et marcha encore quelques minutes en silence lorsque des voix lui parvinrent.
Allons donc ! Lui qui pensait pouvoir jouer les Tarzan dans cette forêt !

S’approchant à pas de velours, il manqua de plonger le nez le premier dans un étang lorsqu’un de ses foutus pieds vint se prendre dans l’une de ces foutues racines ! Dieu merci, l’arbre auquel ces racines appartenaient se trouvait entre l’eau et lui ce qui lui évita un bain forcé... mais pas une bosse. Frottant énergiquement son front, il redressa la tête et découvrit avec étonnement un superbe petit chalet, juste à côté de l’étang. Entièrement fait de bois – comme n’importe quel chalet – il se trouvait à proximité d’un ponton où un couple discutait paisiblement, debout, des cannes à pêche à la main.

A première vue, l’homme montrait à la jeune femme comment faire un lancer parfait, qu’elle s’employait aussitôt à imiter... sans grand succès. Empoignant ses jumelles, Travis les braqua sur la blondinette et acquiesça avec approbation en découvrant le charmant visage de la demoiselle. Celle-ci avait les sourcils froncés en signe de concentration et tentait un nouveau lancer tout aussi raté que le premier. Son compagnon joua aussitôt du poignet devant elle afin de lui faire comprendre que le secret résidait dans la façon de bouger celui-ci et elle réessaya mais toujours sans résultat.

Peu enclin à regarder les aventures trépidantes de « Martine à la pêche », Travis s’apprêtait à repartir lorsque l’homme, désireux de rendre ses leçons plus efficaces, vint se placer juste derrière la jeune femme et entoura celle-ci de ses bras afin de lui montrer comment tenir correctement la canne à pêche. Les jumelles brusquement vissées à ses yeux, Travis observa avec intérêt le trouble de la jolie blonde tandis que son regard bleu se posait sur les lèvres de son compagnon, à quelques centimètres à peine des siennes.

- Chouette !

Avec un peu de chance, « Martine à la pêche » allait se transformer en « Emmanuelle ou les délices de la pêche en plein air »... Beaucoup plus intéressant !
Travis regarda donc avec beaucoup d’intérêt le jeu silencieux du couple tandis que l’homme, ou plutôt « le petit futé », montrait à « Emmanuelle » comment lancer la ligne. Ils firent quelques essais avec une lenteur plus que suspecte et significative puis, tandis qu’ils cessaient tout mouvement, leurs visages à quelques centimètres à peine l’un de l’autre, Travis se surprit à murmurer :

- Un baiser... un baiser... un baiser...

Quelle ne fut donc pas sa surprise de voir l’homme libérer finalement la jeune femme, avant de lui faire signe de la main d’essayer toute seule !

- Mais quel crétin ! C’est pas Dieu possible ! Elle n’attendait que ça, bougre d’idiot !

Avec un agacement non feint, il observa la jolie blonde réussir superbement son lancer et se tourner avec enthousiasme vers son professeur.

- Allez ! Fais-moi plaisir, saute-lui dans les bras ! grogna-t-il, un brin désespéré.

Mais non ! Elle se contenta de lui envoyer un sourire éblouissant avant de faire une nouvelle tentative... réussie, encore une fois.
Pas de doute, il avait devant lui « Martine » dans toute sa splendeur. Déconseillée aux plus de 7 ans.
Plus énervé que jamais, il leva les mains au ciel avant de s’éloigner d’un pas lourd.
Pourquoi était-il là, au fait ? Ah oui... Les oiseaux...

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- C’est formidable !
- Je l’ai toujours dit.

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- Il y a des années qu’on aurait du le faire.
- Ouais, je sais... On va pas revenir là-dessus.

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Sauter !

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- Je croyais qu’il n’y avait pas de poissons dans cet étang ?

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- Personne n’est parfait !

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Après mûre réflexion, il n’aimait pas les oiseaux !
C’était moche ! Ca passait la journée à piailler, à se gratter avec le bec, à bouffer des trucs dégueulasses. Il avait même vu une mère oiseau gerber dans la bouche de son p’tit ! Non mais quelle horreur !
Et puis ça chiait vraiment n’importe où, en plus ! Son tee-shirt « Chuck Norris » était foutu maintenant !

- Fait chier !

Repassant à proximité de l’étang où devaient batifoler « Martine » et son fiancé, Travis s’approcha du bord et jeta un oeil à travers les fourrés.

- Tiens donc... Nos deux tourtereaux ne sont pas venus seuls... grommela-t-il en découvrant deux hommes supplémentaires tranquillement assis sur des chaises.

Ajustant ses jumelles, il observa tout d’abord celui de gauche, en tenue sportswear. Il portait une casquette qu’il avait posée négligemment sur ses yeux et faisait un somme, les bras croisés sur son torse imposant. Quant à l’autre, il tenait dans ses mains un énorme bouquin qui était à un cheveu de tomber par terre, étant donné que lui aussi était assoupi, la bouche grande ouverte et les lunettes sur le bout du nez.

Il aurait mieux fait de s’endormir le bec fermé, d’ailleurs... Sait-on jamais avec ces maudits piafs !

Un frisson de dégoût le secouant de part en part, Travis reporta son attention sur le couple, installés sur le ponton. Toujours aussi sages, discutant certainement de la pluie et du beau temps... Quel gâchis...

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- Vous partez quand exactement, Mon Général ?
- Dans trois semaines... Le temps de régler deux ou trois choses encore... Et vous ? Que comptez-vous faire ?
- ... Je ne suis pas encore décidée.

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- Vous voudriez rester au SGC ?
- Au SGC ?... Sans Teal’c et Daniel. Sans vous... Non, je ne vois pas ce que j’y ferais. Maintenant que les Goa’ulds ont été anéantis, je n’ai vraiment aucune raison de rester.

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- Alors qu’est-ce qui vous intéresserait, Carter ? Comme je suis celui qui va décider des affectations, je vous laisse choisir ce que vous voulez.
- J’ai droit à un traitement de faveur ?
- Je me ramollis avec l’âge.

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- Je ne sais vraiment pas… en revanche, j’aimerais assez prendre de plus longues vacances...
- Accordé.

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- Ce serait pour aller où ?
- Je ne sais pas encore...

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- Vous pourriez venir passer quelques jours à Washington... Vous me montreriez un peu la ville.

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- Volontiers...

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C’était lui ou il y avait un léger rapprochement ? Depuis quelques secondes, les regards s’étaient faits un peu plus appuyés et les observer blablater à travers ses jumelles donnait l’impression de se mater « Les feux de l’amour » sans le son...

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- Et vous pourriez rester... un peu plus longtemps, en fait.

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- Avec plaisir...

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- Attendez... murmura Travis en zoomant. Y a un toucher de mains, là !

Et en effet, le cou tendu, les jumelles rivées à ses yeux, il observa leurs doigts s’enlacer doucement avant que l’homme ne se penche peu à peu vers la jeune femme. Leurs lèvres se frôlèrent d’abord timidement puis « Emmanuelle » fit glisser une main sur la nuque de son compagnon afin de l’attirer à elle et d’approfondir leur baiser.
Dans un grognement sourd, Travis se redressa.

- Quelle poisse !

Franchement ! Qui avait eu la bonne idée d’inviter les deux belles aux bois dormants à cette petite réunion campagnarde ? A coup sûr, si ces types n’avaient pas été là, il aurait eu droit à un joyeux corps à corps sur le gazon !

- Fait chier !

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Ah ! Manger !... Aïe !

- ... Jack...
- Mmmm...
- Tu as une touche...
- ... Je sais... Je suis irrésistible...

FIN