LUNARD

 

Chapitre 13


Remus leva une énième fois les yeux de la Gazette du Sorcier et jeta un rapide coup d’œil vers le petit groupe qui discutait bruyamment à l’autre bout de la cuisine du 12 Square Grimmaurd. Minerva McGonagall et Maugrey Fol Œil semblaient – inconsciemment, certes - déterminés à l’empêcher de parler avec Albus Dumbledore.

Quelque peu agacé, Lupin tourna plusieurs pages du journal en soupirant.

Cela faisait déjà près de deux semaines qu’il tentait discrètement de s’entretenir avec l’ancien directeur de Poudlard mais celui-ci se faisait rare depuis son renvoi. Il disparaissait parfois pendant plusieurs jours et nul ne savait au juste ce qu’il faisait, ni où il se rendait. Alors se retrouver dans une même pièce avec lui était une chance à ne pas laisser passer… si seulement McGonagall et Fol Œil pouvaient s’en aller...

Remus leva une nouvelle fois les yeux et retint un soupir de soulagement en voyant ces derniers prendre enfin congé.

- Vous restez ici ? demanda Minerva sur le seuil de la porte, lançant un regard interrogateur à Dumbledore.

Fol Œil était déjà dans le couloir, sa jambe artificielle claquant sur le plancher.

- Oui, je dois parler à Remus, répondit Albus en souriant.

Lupin haussa les sourcils, étonné, tandis que McGonagall les saluait tous deux d’un signe de tête.

- Alors, à bientôt.

- A bientôt Minerva.

- Au revoir, répondit Remus.

Enfin seuls, celui-ci referma son journal et reporta son attention sur le vieux sorcier. Ce dernier lui sourit et vint prendre place à ses côtés.

- Alors ? s’enquit Albus Dumbledore. Tu voulais me parler ?

Quelque peu surpris, Lupin laissa un fin sourire étirer ses lèvres. Il avait parfois l’étrange impression que cet homme était omniscient.

- Oui, acquiesça Remus, retrouvant cependant tout son sérieux.

Son cœur battait à présent à coups redoublés, comme s’il doutait encore du bien fondé de sa décision. Il y avait pourtant mûrement réfléchi et ce n’était certes pas de gaieté de cœur qu’il s’était résolu à cette extrémité. Mais il n’avait dorénavant plus le choix. Après ce qui était arrivé deux semaines auparavant, après les risques qu’il avait fait courir à Nymphadora et sa propre faiblesse la concernant, il s’était enfin résigné à agir.

Un long silence se fit que Dumbledore ne vint cependant pas briser. Remus sentait son regard attentif et patient peser sur lui.

- … Je souhaiterais… vous demander une faveur, finit-il par articuler en levant les yeux.

- Laquelle ?

Il hésita encore un court instant puis se lança :

- J’aimerais quitter Londres. N’importe quelle mission fera l’affaire.

Le regard pénétrant de Dumbledore ne révéla rien d’une quelconque surprise et se contenta de le détailler pendant quelques interminables secondes.

- Puis-je demander pourquoi une telle requête ? s’enquit Albus au bout d’un instant.

Mais Remus se détourna, obstinément silencieux.

- Je vois, reprit Dumbledore, et en temps normal, j’aurais bien évidemment accédé à ta demande mais…

Le vieil homme s’interrompit et Lupin ferma les yeux. Il n’aurait su dire s’il était ou non déçu par ce « mais… ». Sa raison sans aucun doute, mais le reste…

- Mais ?

- Mais je suis contraint de refuser. Je suis désolé, Remus, mais ton rôle ici est beaucoup trop important.

Remus s’adossa lourdement à sa chaise puis leva un regard las vers son interlocuteur.

- … Je ne comprends pas.

Dumbledore sourit patiemment.

- Tu es le garde-fou de Sirius. Tu es la seule personne qui le fasse tenir ici.

Sirius.

Dans son besoin presque vital de mettre Tonks à l’abri de lui-même, il en avait presque oublié son ami.

Lupin acquiesça. Il prit cependant quelques instants avant de répondre :

- Vous avez tort de le maintenir enfermé.

- C’est possible, dit Dumbledore. Malgré mon extrême intelligence, tu le concèderas volontiers – Remus sourit en croisant le regard rieur du vieil homme – il m’est en effet arrivé de me tromper. Cependant… ce dont il faut se soucier dans tout cela, ce n’est ni de Sirius, ni de toi, ni de moi… mais de Harry. Et je crois que nous sommes parfaitement conscients de l’importance qu’a Sirius pour lui.

Remus acquiesça de nouveau.

- Sirius le sait, enchaîna Dumbledore. Il en a même une parfaite conscience, car dans le cas contraire, m’est avis que mes recommandations et mises en garde n’auraient eu aucun effet sur lui.

Lupin baissa la tête et sourit.

- C’est possible…

- C’est certain. S’il n’y avait pas eu Harry, Sirius n’aurait pas attendu une semaine avant de n’en faire qu’à sa tête.

Les deux hommes se concertèrent du regard avec une complicité certaine. Il était amusant de voir Dumbledore connaître la nature de Patmol presque aussi bien que lui.

- Donc, concernant ta requête… reprit le vieux sorcier. Je ne peux pas te laisser partir. Pas tant que Sirius aura besoin de ton soutien.

Remus hocha docilement la tête.

- Je comprends.

Dumbledore lui tapota le bras puis se leva.

- La réhabilitation de Sirius fera plus d’un heureux. Il faut juste patienter encore un peu, dit-il doucement avant de lui sourire. A bientôt, Remus.

- A bientôt.

Lupin regarda Albus Dumbledore traverser la cuisine puis refermer la porte derrière lui.

Le tic tac régulier de la pendule emplît alors la pièce à présent silencieuse et peu à peu le cœur de Remus sembla reprendre une vitesse raisonnable. Un faible soupir s’échappa de ses lèvres et un profond sentiment de culpabilité le saisit. Il se sentait soulagé. Il se sentait heureux. Il ne quitterait pas Nymphadora.

Pas encore.

 

****************************

 

Tonks leva la main vers la sonnette mais retint son geste au dernier moment. Au bout de plusieurs mois, elle avait encore du mal à perdre cette habitude. Elle ouvrit donc la porte en silence puis referma derrière elle. Le hall était éclairé mais silencieux et la jeune femme se dirigea d’un pas prudent vers la cuisine.

Une semaine auparavant, elle s’était encore pris les pieds dans un tapis et s’était étalée de tout son long devant le tableau de Mrs Black. La colère de la défunte avait certes été tonitruante mais le plus humiliant restait le regard amusé de Remus qui n’avait rien perdu du spectacle.

Tonks sentit ses joues s’empourprer à ce souvenir et redoubla de prudence. Arrivée devant la porte de la cuisine, elle posa la main sur la poignée mais se sentit brusquement propulsée en avant. Un bras vint aussitôt l’enlacer et la jeune femme releva vivement la tête.

- Désolé, je ne savais pas que tu étais derrière, dit simplement Remus qui venait d’ouvrir la porte. D’habitude, on t’entend arriver.

L’ironie à peine voilé de ces derniers mots la fit rougir de plus belle. Elle se redressa et croisa le visage souriant des quelques personnes présentes dans la pièce. Kingsley Shacklebolt posait sur elle un regard indulgent, Fol Œil partait d’un rire franc et Lupin l’observait avec douceur et patience.

- Très drôle, grommela-t-elle, désolée cependant de voir Remus relâcher son étreinte. J’ai quand même failli me manger le sol à cause de toi !

- Ça ne serait pas la première fois, intervint Alastor, riant de plus belle.

Un sourire mauvais sur les lèvres, la jeune femme plongea la main dans la poche arrière de son pantalon puis agita discrètement sa baguette. Une main invisible vint brusquement renverser le verre de vin du vieil Auror et celui-ci dut ravaler son rire en s’écartant vivement de la table.

- Espèce de petite … ! gronda Fol Œil, son œil magique s’affolant dans son orbite.

- De petite quoi… ? s’enquit Nymphadora en secouant sa baguette d’un air innocent.

Maugrey lui jeta un regard noir mais répara les dégâts d’un tour de magie. Tonks balaya alors la pièce des yeux et demanda :

- Où est mon cher cousin ?

- A l’étage, je crois, lui répondit Remus. On vient juste d’arriver. Je m’apprêtais à aller voir.

- Je viens avec toi ! dit-elle aussitôt.

Il cilla légèrement mais acquiesça en passant devant la jeune femme.

- Si tu veux.

Elle le suivit vivement et referma la porte derrière eux. Ils firent quelques pas silencieux dans le couloir désert puis Tonks se rapprocha imperceptiblement de Lupin et glissa une main coquine sur les fesses de son compagnon. Celui-ci sursauta aussitôt et s’écarta.

- Arrête ! souffla-t-il en tournant un regard fâché vers elle.

- Quoi ? demanda-t-elle ingénument, un immense sourire sur les lèvres.

- Tu sais bien que Fol Œil peut voir à travers les murs.

- Et tu crois vraiment qu’il n’a que ça à faire, nous épier ?

- On ne sait ja… commença Remus avant de s’interrompre brusquement en fixant quelque chose dans le dos de la jeune femme.

Tonks haussa les sourcils puis se retourna. Kreattur venait de sortir du salon et s’était arrêté sur le seuil afin de les observer de son regard le plus mauvais. Un sourire cruel étirait cependant ses lèvres fines et Nymphadora sentit un désagréable frisson la traverser.

- Saurais-tu où est Sirius ? demanda poliment Lupin.

Le front plissé, Kreattur oscilla sur ses pieds, hésitant à répondre. Mais sa bouche s’étira bientôt en un sourire satisfait, dévoilant une série de dents noires et cariées.

- Le Maître est avec l’animal.

- Merci, répondit Remus avant de reprendre sa route.

Tonks observa le visage de l’Elfe avec circonspection. D’ordinaire, il ne se montrait pas de si bonne humeur et cette euphorie soudaine ne la rassurait guère. Elle se détourna cependant et hâta le pas afin de rejoindre Lupin qui grimpait déjà les premières marches de l’escalier.

Le regard à hauteur du fessier de Remus, les pensées de Tonks ne mirent qu’un instant à changer de teneur.

- Tu crois qu’Alastor voit à travers combien de murs, avec son œil ? demanda-t-elle au bout de quelques secondes.

- Je ne sais pas… Sûrement pas plus de deux ou trois.

- Mmm…

Ils poursuivirent leur ascension en silence, ignorant volontairement le premier étage, puis s’arrêtèrent finalement au second. Tonks jeta un rapide coup d’œil vers la porte au fond du couloir obscur et sourit en la découvrant fermée.

Elle posa alors une main déterminée sur l’épaule de Remus, le retourna puis le poussa lentement vers le mur.

- Nymphadora… grommela-t-il aussitôt.

Mais la jeune femme ne se laissa pas démonter. Il avait beau grogner, lui lancer des regards contrariés, il n’en demeurait pas moins qu’il se laissait toujours faire.

Lupin fut bientôt adossé à la cloison du couloir et Tonks vint se lover contre lui.

- Fol Œil ne nous voit pas, là… souffla-t-elle, les lèvres à quelques centimètres à peine des siennes.

Elle sentait sous l’une de ses mains le coeur de Remus s’affoler.

- … Sirius pourrait arriver, chuchota-t-il sans conviction.

- Il fait si noir… il ne verrait rien.

La seule source de lumière venait de la pièce où Buck était enfermé, et si Sirius en sortait brusquement, nul doute qu’il mettrait un certain temps à s’habituer à l’obscurité du couloir.

- … Ce n’est pas raisonnable… dit-il faiblement. Tu prends beaucoup trop de risques depuis quelque temps.

- Et ça te déplait ? demanda-t-elle en caressant du bout des ongles son torse à travers le fin tissu de sa chemise.

Un gémissement involontaire s’échappa des lèvres de Remus et il ferma les yeux.

- Ca n’en a pas l’air, fit-elle remarquer en souriant.

Elle continua ses frôlements avec une lenteur délibérée, caressant son visage viril de son souffle tiède.

- … Pourquoi tu ne… murmura-t-il avant de s’interrompre de lui-même.

- Pourquoi je ne… ?

Elle vint se presser davantage contre lui et sourit en sentant son désir contre son ventre.

- … Pourquoi… tu ne m’embrasses pas ? articula-t-il finalement.

Le sourire de Tonks s’élargit.

- Parce que j’attends que tu le fasses… chuchota-t-elle en tirant doucement sur la chemise de Remus afin de l’extraire de son pantalon.

Ses doigts frôlèrent la peau de son ventre ferme et Lupin gémit de nouveau. Sa mâchoire était crispée, son corps tendu et il semblait lutter de toutes ses forces mais au bout de quelques interminables secondes, il capitula. Immobile jusqu’ici, Remus se pencha vers la jeune femme et l’embrassa.

Il s’écoula quelques minutes avant qu’un bruit sourd ne les ramène soudainement à la réalité. La voix étouffée de Sirius retentit derrière la porte toujours fermée de la chambre de Buck et le couple se sépara vivement. Fiévreuse, Tonks passa une main tremblante dans ses cheveux afin de ramener un semblant d’ordre dans ses boucles folles puis se tourna vers Remus. Celui-ci rajustait sa chemise avec un tel affolement qu’elle se mit à pouffer malgré elle. Il redressa aussitôt la tête et soupira.

- Ce n’est pas drôle, chuchota-t-il en finissant de se rendre présentable.

- Oh que si ! Si tu voyais ta tête ! On dirait un gamin qui vient de se faire prendre en train de voler un paquet de Chocogre… !

Mais Remus s’empressa de poser un doigt sur les lèvres de la jeune femme.

- Chut, le voilà, souffla-t-il.

La porte s’ouvrit et Lupin s’écarta vivement.

Le couloir étant toujours plongé dans l’obscurité, Sirius ne les remarqua qu’une fois le battant refermé et sa baguette levée.

- Lumos… marmonna-t-il, avant de lancer avec plus d’entrain : Tiens ! Salut vous deux ! Vous me cherchiez ? Tout le monde est arrivé ?

- Il manque Dumbledore, indiqua précipitamment Remus.

- Encore parti en vadrouille, hein. Y en a qui s’amuse bien… grommela Sirius avec une rancœur évidente. Enfin… Votre journée s’est bien passée ? Pas de mission trop agitée ?

- Non, la routine… Pourquoi ? s’enquit Lupin légèrement tendu.

Tonks leva les yeux au ciel devant son manque de naturel. S’il cherchait à jouer les innocents, il s’y prenait bien mal.

- Histoire de parler, répondit Sirius, observant Remus avec un mélange de suspicion et d’amusement. Allez ! Venez à la cuisine, je vous offre un verre.

- Quel sens de l’hospitalité, cousin, intervint Nymphadora.

- Je sais, ça me perdra… lança-t-il avant de s’incliner respectueusement devant la jeune femme. Les dames d’abord.

Tonks lui lança un sourire excessivement ravi puis s’élança dans les escaliers d’un pas léger.

- Lunard… murmura alors Sirius.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- Ta chemise… répondit-il en levant sa baguette magique à hauteur du pantalon de son ami.

Remus baissa aussitôt les yeux et rougit violemment. Un pan de sa chemise s’était retrouvé coincé dans sa braguette. D’une main tremblante, il entreprit de remettre le vêtement à sa place puis jeta un coup d’œil inquiet vers Sirius. Celui-ci le regardait faire, un sourire indéchiffrable sur les lèvres.

- Quoi ? ça ne t’est jamais arrivé, peut-être ? maugréa Lupin, écarlate.

- Si, quand je devais quitter précipitamment les appartements d’une dame, lorsque le mari arrivait, plaisanta Patmol, tout sourire.

Remus sentit son cœur se figer dans sa poitrine puis repartir de plus belle. Faisant un effort colossal pour se calmer, il parvint finalement à répliquer d’une voix ironique qu’il jugea avec soulagement beaucoup plus ferme.

- Tu as vu une dame dans les parages ?

- Ohhh ! s’exclama aussitôt Sirius en secouant tragiquement la main. Ce sera répété et amplifié !

Une sueur froide glissa lentement le long de son échine et Remus suivit précipitamment son ami dans les escaliers.

- Arrête ! Je plaisantais ! Ne lui dis pas un truc pareil !

Sirius se contenta de rire en dévalant les marches d’un air joyeux.

Lorsqu’ils arrivèrent dans la cuisine, Dumbledore n’était toujours pas arrivé. D’un coup de baguette magique, le maître des lieux disposa trois verres supplémentaires aux deux déjà présents sur la table et s’assit prestement à côté de Tonks.

- Tu faisais quoi là-haut ? s’enquit Lupin l’air de rien, espérant secrètement que son ami tairait ses malheureux propos.

Patmol sourit à cette ruse grossière mais consentit à jouer le jeu :

- Buck s’est blessé, j’ai dû le soigner. D’ailleurs, je serais curieux de savoir comment il s’y est pris. L’entaille était assez profonde et je n’ai rien trouvé dans la pièce qui aurait pu l’écorcher comme ça...

Tonks fut la seule à trouver l’anecdote intrigante. Les sourcils froncés, elle balaya des yeux la cuisine à la recherche de Kreattur. Elle ne cessait de revoir dans son esprit le sourire satisfait et rusé de l’Elfe de Maison. Mais sans preuve aucune, et compte tenu de l’animosité grandissante de Sirius à l’encontre de son serviteur, la jeune femme préféra taire ses soupçons.

La discussion bifurqua sur les écorchures en tout genre et Fol Œil se montra intarissable à ce sujet. L’assemblée eut droit à quelques visions relativement effrayantes de ses blessures de guerre et Nymphadora finit par crier grâce.

- Par pitié, Alastor ! Epargne-nous ça ! Laisse ton pantalon tranquille !

- Rah ! Tu vas louper quelque chose pourtant ! C’est ma plus belle cicatrice, lança-t-il avant de s’interrompre brusquement, son œil magique fixant l’un des murs de la cuisine.

- Dumbledore ? demanda Kinsgley.

- Non. Un Patronus.

Sirius haussa les sourcils puis s’adossa à sa chaise.

- C’est plutôt rare de le voir rater une réunion.

- Ce n’est pas un Phénix, précisa Fol Œil.

L’assemblée ne broncha pas pour autant. Il était relativement courant de voir un membre de l’Ordre envoyer un message par l’intermédiaire d’un Patronus*. C’était un moyen beaucoup plus sûr que les hiboux et cheminées qui étaient rigoureusement surveillés par le Ministère. Le Patronus invisible pendant toute la durée du trajet se matérialisa soudain sous leurs yeux et Sirius émit un grognement écoeuré.

- Servilus… maugréa-t-il tandis qu’un corbeau pâle et vaporeux déployait ses ailes.

Fol Œil agita sa baguette d’un mouliné du poignet mais rien ne se produisit. Kingsley, Remus puis Nymphadora en firent de même sans que le message que portait le Patronus ne puisse enfin être délivré.

Sirius soupira, agacé.

- Quel sombre crétin ! Est-il obligé de mettre uniquement Dumbledore comme destinataire ?

- Essaie, toi, intervint Nymphadora.

- Tu crois vraiment que Servilus enverrait un message que je pourrais lire ? railla Black en agitant malgré tout sa baguette sous le nez du Patronus.

Mais contre toute attente, le corbeau battit brusquement des ailes et la voix froide et lointaine de Rogue se fit entendre :

« Potter m’a transmis un message « Il a pris ¨Patmol. Il a emmené Patmol là où la chose est cachée ». Envoyez-moi le plus rapidement possible la confirmation que Black est toujours au QG. »

Le corbeau déploya de nouveau ses ailes puis s’évapora.

Un silence régnait dans la cuisine puis Fol Œil s’exclama :

- Comment Potter peut-il savoir pour la prophétie ?

- Sûrement grâce à ses rêves, dit Remus posément avant de se tourner vers Sirius. Mais le plus urgent est de le rassurer. Il ne faudrait pas qu’il commette une imprudence en te croyant en danger.

Black acquiesça mais fronça brusquement les sourcils.

- C’est quand même curieux. Je lui ai donné l’un des deux miroirs, tu te souviens, on les utilisait à Poudlard, dit Patmol à son ami qui acquiesça aussitôt. Mais il n’a pas essayé de me contacter.

- Tu en es sûr ?

- Certain ! affirma Sirius. Crois-moi qu’on l’aurait entendu, si ça avait été le cas. J’ai jeté un sort d’alerte sur le mien. Si Harry avait tenté de me joindre, je ne l’aurais pas manqué.

- Alors il l’a peut-être oublié, suggéra Remus.

Black haussa les épaules puis leva de nouveau la main.

- Spero Patronum !

Un grand chien au pelage hirsute et vaporeux sortit de la pointe de sa baguette magique. Le Patronus se tourna aussitôt vers son maître, attendant ses instructions.

- Tu diras à Severus Rogue : « Suis au QG avec Lunard, Tonks, Kingsley et Alastor, en attente de Dumbledore. Préviens Harry que tout va bien et tiens-moi au courant. »

Puis d’un geste de la main, il ordonna au Patronus de partir. Le chien bondit vers la porte puis disparut avant même d’atteindre celle-ci. Grâce à son œil magique, Maugrey put suivre son déplacement jusqu’à sa sortie du 12 Square Grimmaurd.

- Potter ne prenait pas des cours d’Occlumencie pour éviter ce genre de choses ? lança Alastor d’une voix agacée.

- Oui, mais demander à Servilus de les lui donner n’était vraiment pas une bonne idée, grommela Black, prenant la défense de son filleul.

- Rogue est très fort en Occlumencie, fit remarquer Remus.

- Il est également très fort pour rendre n’importe quoi insupportable !

Un léger silence se fit. Personne n’avait très envie de se confronter à Sirius concernant Severus Rogue.

- Il n’empêche que cette fois-ci, son rêve n’était pas comme les autres, intervint Tonks. D’habitude, il voit ce qui se passe réellement.

Sirius et Lupin se concertèrent du regard, la même inquiétude dans leurs yeux.

- C’est un piège, conclut Black. Voldemort essaie de tendre un piège à Harry. Il le veut au Ministère. Ses Mangemorts sont peut-être là-bas en ce moment-même.

- Nous ne sommes sûrs de rien, objecta Kingsley en jetant un rapide coup d’œil sur la pendule de la cuisine. A cette heure-ci, il doit encore y avoir du monde au Ministère. Je doute que Vous-savez-qui et ses hommes aillent se balader là-bas aux vus et aux sus de tous.

- Attendons Dumbledore, proposa Tonks.

- Il est en retard, grommela aussitôt Sirius avant de lancer avec plus de verve : Nous devrions y aller tout de suite ! Je suis sûr qu’il s’agit d’un piège ! Quelle bonne farce ce serait qu’au lieu de Harry, ils se retrouvent confrontés à nous cinq !

Kingsley fit de nouveau la grimace.

- Nous savons tous que tu meurs d’envie de participer à tout ça, Sirius, mais aller au Ministère sans savoir sur quoi nous allons tomber…

Les yeux de Patmol se plissèrent dangereusement.

- Ce serait irréfléchi, c’est ça ? dit-il à la place Shacklebolt. Mais après tout, c’est normal, non ? Ce bon vieux Sirius Black est un modèle d’imprudence ! Il n’est pas foutu de faire quoique ce soit sans risquer de tout faire capoter !

Les yeux de Kingsley s’écarquillèrent, déstabilisé par la soudaine colère du maître des lieux.

- … Ce n’est pas ce que j’ai dit…

- Mais c’est ce que tu penses ! Tout comme Dumbledore !

- Sirius, intervint doucement Lupin. Il ne pense pas du tout cela, et Dumbledore non plus. Tu sais très bien que tu es bloqué ici pour Harry, et uniquement pour lui. Cela n’a rien à voir avec toi.

Sirius émit un ricanement désabusé puis s’adossa lourdement à sa chaise. Son regard courroucé balaya la pièce et vint se poser sur Maugrey Fol Œil qui, jusqu’ici était resté relativement silencieux.

- Et toi, Alastor, qu’en penses-tu ?

- J’en pense que je suis toujours partant pour envoyer des Mangemorts à Azkaban…

Sirius reprit quelques couleurs.

- … Mais je pense aussi qu’une virée au Ministère sans aucune certitude n’est pas forcément une bonne idée, poursuivit cependant Fol Œil. Désolé Black… mais si Lupin, toi et moi nous faisions prendre en train de fouiner au Département des Mystères, je doute que nous aurions droit à un meilleur sort que des Mangemorts.

Sirius se leva en soupirant, passablement écoeuré.

- Je peux aller y jeter un œil, si vous voulez, proposa Tonks.

- Hors de question ! intervint aussitôt Lupin si vivement qu’il rougit malgré lui.

Il prit donc le temps de se racler la gorge avant de poursuivre :

- Si Sirius a vu juste et que le Ministère est envahi de Mangemorts, te retrouver seule face à eux ne va rien arranger du tout.

Remus vit le regard de la jeune femme s’adoucir et sentit son cœur manquer quelques battements. Il se détourna donc, désireux de rester concentré sur le problème actuel, et après un instant de silence et de mûres réflexions, il finit par reprendre la parole :

- Je suis de l’avis de Sirius. Tout cela sent le piège à plein nez et jouer la carte de la surprise me semble une excellente idée.

Un sourire plein d’espoir naquit sur les lèvres de Patmol et Remus se sentit coupable de rajouter :

- Mais nous ne sommes pas assez nombreux, surtout si Voldemort est avec eux.

Les deux Maraudeurs se jaugèrent, Lupin de son regard le plus sage et Black de ses yeux glacés.

Remus savait que Sirius cèderait. Il savait que l’impatience de son ami se verrait réfréné par une prudence justifiée. Mais qui disait Dumbledore, disait…

- Eh bien, soit… grommela Patmol, vaincu. Pendant que vous vous amuserez avec vos Mangemorts… je vous préparerai la soupe de la victoire.

Lupin sourit tristement tandis que Sirius reprenait lentement sa place autour de la table afin de patienter jusqu’à l’arrivée de Dumbledore.

L’attente fut relativement longue et Patmol s’enferma dans un silence boudeur. De son côté, Remus tentait d’ignorer Nymphadora assise juste en face de lui, hélas, sans trop de réussite. Ce fut donc avec un profond soulagement que les deux Maraudeurs virent Alastor se redresser brusquement, son œil magique de nouveau rivé à l’un des murs de la cuisine.

- C’est encore Rogue, annonça-t-il.

En effet, quelques secondes plus tard, un corbeau blanc et vaporeux apparut au centre de la pièce et Black leva sa baguette magique.

- Aperire.

L’oiseau battit des ailes et la voix étouffée de Severus Rogue se fit entendre.

« J’ai vu Potter entrer dans la Forêt Interdite avec Ombrage et Granger. Deux Weasley, Londubat et Lovegood les ont suivis de peu. Ils sont certainement partis pour le Ministère. Si Dumbledore n’est pas encore avec vous et que vous choisissez d’y aller, n’oubliez pas de laisser Médor au QG pour qu’il attende sagement son maître… enfin, pour qu’il mette Dumbledore au courant.»

De son poing rageur, Sirius fit disparaître le corbeau et se leva. Lupin, Tonks, Kingsley et Fol Œil en firent aussitôt de même, leurs quatre visages reflétant une inquiétude certaine.

- Je vous préviens, lâcha Patmol, la mâchoire crispée. Il est hors de question que je reste en arrière, cette fois-ci. Il s’agit de Harry.

Mais personne n’aurait eu l’idée de le lui demander. Leur intervention au Ministère était à présent une nécessité et leur nombre, un facteur important de réussite.

- Kreattur ! aboya Sirius, le teint blême.

L’elfe de maison apparut brusquement devant lui.

- Le maître a appelé Kreattur… maugréa celui-ci.

- Lorsque Dumbledore arrivera, tu lui diras que nous sommes allés au Ministère afin de sauver Harry et cinq de ses amis. Est-ce que c’est compris ?

- Kreattur n’est pas sourd… même si parfois, il aimerait bien l’être. Ça éviterait à Kreattur de devoir écouter ce pourceau traître à son sang …

Mais Sirius le coupa de sa voix la plus forte :

- EST-CE QUE C’EST COMPRIS ?

- Kreattur a compris. Kreattur n’est pas sourd, mais le maître apparemment si…

Sirius s’écarta de l’elfe avec exaspération puis se tourna vers les quatre autres membres de l’Ordre.

- Allons-y, dit-il, déterminé.

 

 

 

Patronus* : L’Ordre se sert de Patronus pour délivrer des messages (cf. Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé). Je me suis permise d’inventer leur façon de procéder puisqu’on n’en a aucune description exacte.

 

 

A SUIVRE...