L’atrium était plongé dans un silence total lorsque les membres de l’Ordre du Phénix arrivèrent enfin à destination. La faible lueur des lanternes ne parvenaient que timidement à éclairer l’immense hall au parquet et aux murs recouverts de boiseries sombres. D’un geste de la main, Fol Œil les incita à se déployer et Remus se rapprocha de la paroi gauche de la salle, prenant bien soin de vérifier l’intérieur de chaque cheminée.
Au centre de l’atrium, la fontaine aux statues d’or étincelait faiblement. Le bruit de l’eau couvrait leurs pas discrets, tandis qu’ils s’approchaient lentement des deux immenses portes à l’autre bout du hall. Remus atteignit bientôt le premier poste de sécurité et le groupe s’immobilisa. Sa baguette bien en main, Lupin s’avança prudemment et fronça les sourcils.
Il n’y avait personne derrière le large bureau.
Toujours sur le qui-vive, il se rapprocha cependant et son regard fut brusquement attiré par une forme sombre dépassant de sous le meuble.
C’était un pied.
Il s’avança alors avec plus de hâte, fit le tour du bureau et découvrit un homme allongé par terre, les paupières ouvertes, le regard vitreux. Dans un soupir, Remus abaissa sa baguette et se tourna vers les autres.
- Le garde est mort, chuchota-t-il à Sirius qui entreprit de faire passer le message le plus discrètement possible.
Lorsque Lupin rejoignit le hall, son regard rencontra un bref instant celui de Tonks et son estomac se tordit d’appréhension. Il n’aimait pas la savoir ici, et il devait lutter à chaque instant pour se contraindre à ne pas rester à ses côtés. Pourtant, tous deux s’étaient déjà retrouvés en mission ensemble. Ils avaient déjà combattu des Mangemorts. Mais ici, aujourd’hui, la situation était bien différente. Ils ne pouvaient pas fuir s’ils se trouvaient dépassés. Ils ne pouvaient pas tout laisser tomber en cas de défaite. Il s’agissait de risquer leurs vies pour sauver celles des enfants. Il s’agissait de sacrifier celle de Tonks, si la situation le nécessitait.
Et Remus n’était pas prêt. Il ne se sentait pas prêt pour cela.
La poitrine douloureuse, Lupin reporta son attention sur les portes d’or que le groupe s’apprêtait à franchir. Ils atteignirent bientôt les ascenseurs et chacun en prit un différent afin de prévenir une possible attaque à leur arrivée au Niveau 9.
Les cinq membres de l’Ordre appuyèrent simultanément sur le même bouton et les ascenseurs se mirent en branle dans un grincement épouvantable. La descente fut relativement courte et Remus leva prestement sa baguette. Lorsque les portes s’ouvrirent devant lui, il lança un « Protego » défensif, destiné à le protéger d’une attaque éventuelle, puis fit un pas dans le hall désert du Département des Mystères.
- Aucune sentinelle ? grommela Fol Œil en sortant d’un ascenseur à sa droite. Ce n’est pas normal…
- Ils ont peut-être déjà les enfants, se hasarda Kingsley avec inquiétude.
Lupin se tourna vers Sirius. Le teint pâle, les sourcils froncés, ce dernier serrait sa baguette avec une force qui laissait percevoir ses craintes et un besoin presque vital de s’en servir.
- On continue, dit-il en se tournant avec résolution vers la seule porte présente dans le hall mal éclairé.
Les membres de l’Ordre pénétrèrent dans une salle circulaire et noire du sol au plafond. L’une des portes était déjà ouverte et Remus haussa les sourcils d’étonnement en entendant les hurlements perçants d’un bébé.
- Par Merlin, maugréa Fol Œil. Qu’est-ce que c’est que tout ce raffut ?
L’ancien Auror rejoignit l’entrée de la pièce d’un pas claudiquant, mais à peine mettait-il un pied dans la salle qu’il se reculait précipitamment, sa baguette tendue devant lui. Par prudence, Remus en fit aussitôt de même et vit du coin de l’œil ses compagnons faire pareillement. Les cris se firent de plus en plus proches puis enfin l’origine de ce bruit incongru apparut sous leurs yeux ébahis.
Fol Œil partit aussitôt d’un rire tonitruant.
- Par le ciel ! En voilà un qui ne devrait pas nous poser trop de problème ! lança-t-il, lorsqu’il retrouva l’usage de la parole.
- Stupéfix !
Un éclair rouge déchira la pénombre de la salle et le Mangemort à tête de bébé s’effondra sur le sol. Lupin se tourna vers Sirius dont la baguette était encore levée.
- Il ne représentait guère de danger, objecta Remus.
- Ses cris me tapaient sur les nerfs et je te signale que nous n’avons pas de temps à perdre.
Il se tourna alors vers Tonks et Kingsley.
- Par où doit-on aller ?
- La prophétie est dans une salle juste derrière celle-ci, répondit Shacklebolt mais apparemment, ils sont déjà passés par là.
- Nous devrions peut-être nous séparer ? proposa Nymphadora.
- Non, objecta aussitôt Fol Œil, retrouvant tout son sérieux. S’ils sont nombreux, ce dont je ne doute pas étant donné l’importance de cette prophétie, il vaut mieux rester groupés.
- Très bien. Quelle porte prenons-nous alors ? demanda impatiemment Sirius.
Tonks alla fermer celle de la Salle du Temps puis revint au centre de la pièce dont le mur circulaire se mit brusquement à tourner sur lui-même dans un grondement sourd.
- La Salle Ouverte, lança à voix haute Kingsley.
Le mur s’arrêta aussitôt et une porte se présenta devant eux. Sa baguette en main, l’Auror s’avança et Remus suivit le groupe. Mais lorsque le battant fut ouvert, Lupin dût vivement lever le bras afin de protéger son regard d’une lumière éblouissante. Au bout de quelques secondes, la porte claqua et il put de nouveau ouvrir les yeux.
- Ils ne sont pas là, expliqua Shacklebolt tandis que le mur se remettait à tourner sur lui-même.
Ils recommencèrent l’expérience deux fois puis enfin, Kingsley ordonna :
- La Chambre des Morts.
Le mur s’arrêta. Kingsley ouvrit doucement la porte. Une voix leur parvint.
- …Londubat, n’est-ce pas ? Ta grand-mère à l’habitude de perdre des membres de sa famille pour les raisons de notre cause… Ta mort ne représentera pas un grand choc pour elle.
- Londubat ? répondit une voix de femme.
Remus empoigna plus fermement sa baguette et s’apprêtait à s’élancer lorsqu’il sentit une main se poser sur son épaule. De la tête, Fol Œil leur faisait signe de retourner dans la salle circulaire et ils rebroussèrent tous chemin à contre cœur.
Lorsque la porte fut refermée, Sirius explosa :
- Qu’est-ce qu’on attend ? Il y a dix Mangemorts là-dedans !
- Justement ! Il y a une autre porte à droite, reliant la Chambre des Morts à la Salle des Prophéties, expliqua Maugrey. On se sépare et on attaque en même temps. On aura plus de chance de réduire leur nombre.
Kingsley approuva.
- C’est juste. Je vais avec Alastor. Dès que la porte de la Salle du Temps sera refermée derrière nous, comptrez trente secondes.
Tous acquiescèrent, le visage grave, et l’instant d’après, Lupin, Tonks et Sirius se retrouvèrent seuls dans la salle circulaire. Piaffant d’impatience, ce dernier ordonna aussitôt :
- La Chambre des Morts !
Le mur cessa de tourner et Patmol s’avança prestement vers la porte puis posa une main déterminée sur la poignée, le regard rivé à sa montre.
Remus se tourna alors vers Tonks, debout à ses côtés et croisa son regard. Une même inquiétude s’y reflétait, une même terreur pour l’autre, et malgré ses bonnes résolutions, il articula silencieusement :
« Sois prudente »
Le regard de la jeune femme s’adoucit.
« Toi aussi »
Il aurait voulu la prendre dans ses bras. Mieux encore, il aurait voulu la faire partir, loin, loin de tout cela. Dans un endroit où elle resterait intacte. Où rien ne pourrait la toucher, ni la changer. Mais il n’en avait ni le droit, ni le pouvoir. Et tout pouvait basculer.
Ils étaient dix, derrière cette porte. Dix sorciers aguerris. Ce n’était ni des débutants, ni des jeunes inexpérimentés. Ils étaient puissants, sans pitié et ils étaient dix.
Dans un état second, Remus sentit une chaleur douce sur sa main. Les doigts de Tonks le frôlaient avec tendresse et il les emprisonna dans sa paume. La douleur sous ses côtes le faisait presque suffoquer. Jamais il n’avait été aussi terrifié de sa vie. Jamais il n’avait autant eu peur pour quelqu’un.
- Attention, prévint brusquement Sirius, abandonnant sa montre pour lever sa baguette.
Leurs mains se séparèrent. Leurs regards se détachèrent.
La porte s’ouvrit.
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Une porte claqua au loin, mais Remus n’y prêta aucune attention. Autour de lui, les gens s’affairaient, leurs talons frappant le sol avec empressement, avec patience ou désespoir. Ici, en cet endroit, la vie d’une personne pouvait basculer.
Mais sa vie à lui semblait déjà avoir basculé. Son existence s’était brutalement vue rétrécie, amoindrie. En une nuit.
Assis dans ce long couloir fourmillant de monde, sur cette chaise, entouré, jamais il ne s’était senti aussi seul de toute sa vie.
Des voix lui parvenaient parfois. Des voix familières mais elles ne lui apportaient aucun réconfort. Des images se succédaient encore et encore dans son esprit. Inlassablement, il revoyait le corps de Sirius se tendre et passer à travers le voile. Inlassablement, il entendait le hurlement de Harry. Ce hurlement qui faisait écho au sien pourtant silencieux, intérieur. Une déchirure dans sa poitrine. Une douleur effroyable.
Il n’aurait su dire où il avait puisé la force et le sang froid nécessaire pour continuer. Et à bien y réfléchir, il s’agissait plus de réflexes que de réelle présence d’esprit. Mais la souffrance de Harry avait fait écho à sa propre peine. Son cri était le sien. Cette nécessité de refuser la réalité était la sienne.
« IL-N’EST-PAS-MORT ! SIRIUS ! »
Et puis il l’avait vue. Enfin. Une tâche de couleur dans ce décor si triste. Une forme allongée sur le sol, inconsciente peut-être morte. Et la douleur dans sa poitrine était devenue insoutenable.
C’était trop. Beaucoup trop pour lui.
Alors on posait une main réconfortante sur son épaule. On lui pressait doucement le bras dans l’espoir un peu absurde d’adoucir le mal qui le rongeait. Il avait perdu beaucoup plus que son meilleur ami, cette nuit. Il l’avait perdue, elle aussi.
- Remus… Remus !
Celui-ci redressa la tête et croisa le regard compatissant de Molly Weasley.
- Nous retournons à Poudlard voir les enfants, dit-elle en désignant Arthur debout derrière elle. Veux-tu venir avec nous ?
- Non, merci. Je vais rester encore un peu ici, parvint-il à articuler.
- Tu es sûr ?
- Oui.
Elle sembla hésiter mais Arthur passa une main sous le coude de sa femme afin de l’inciter à abandonner, et Lupin lui en fut secrètement reconnaissant. Il ne se sentait pas la force de parlementer davantage.
- Très bien… Alors à bientôt, Remus.
- Oui… répondit-il simplement avant de se sentir peu à peu replonger dans une léthargie salvatrice.
Pourquoi restait-il, après tout ? Qu’espérait-il ? Qu’attendait-il ? Il n’y avait plus rien pour lui, ici. Il devait partir. S’éloigner. Ne plus ressentir. Ne plus rien éprouver.
Jamais. Jamais il ne pourrait en supporter davantage.
Malgré lui, son esprit fut de nouveau assailli.
Sirius mort. Nymphadora à terre. Sirius mort. Nymphadora à terre… Nymphadora morte.
Remus posa une main tremblante sur ses lèvres. Il avait un goût de cendres dans la bouche. La tête lui tournait.
Il devait partir. Tout arrêter. Il devait se détacher d’elle, rompre tout contact. C’était maintenant vital.
Les jambes faibles, Lupin se leva et balaya d’un regard perdu le couloir aux murs immaculés de Ste Mangouste. Jamais jusqu’ici il n’avait autant ressenti le poids des années. Il se sentait usé, vieux. Il était à bout.
Elle avait peut-être survécu cette fois-ci. Tout danger était écarté mais la douleur qu’il avait éprouvé en la voyant étendue, inconsciente, il ne voulait plus jamais la subir.
Et pour cela, il devait partir.
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Nymphadora s’éveilla avec la sensation désagréable d’être en danger et son cœur s’affola brusquement dans sa poitrine. Elle ouvrit vivement les yeux et cligna des paupières sous la lumière éclatante du jour. Elle reconnut sans effort les murs blancs de Ste Mangouste et ses souvenirs affluèrent brutalement en elle.
Le Ministère. Bellatrix.
Tonks tenta de se redresser mais sa tête lui faisait un mal de chien et elle s’effondra mollement sur son oreiller. Tout était silencieux autour d’elle. Un large rideau la séparait du reste de la pièce et son regard accrocha bientôt la chaise vide à côté de son lit.
Où était-il ? Que lui était-il arrivé ? Pourquoi n’était-il pas avec elle ?
Une douleur sourde naquit soudain dans ses entrailles et se propagea en elle par vagues puissantes. Sa bouche s’assécha, son cœur se glaça et elle se mordit violemment la lèvre pour ne pas s’évanouir. Les membres engourdis par la peur, la jeune femme se redressa péniblement et souleva la couverture qui la recouvrait.
Ses jambes sans force eurent du mal à la soutenir et elle dût attendre quelques secondes, debout, agrippée au lit. Son regard restait fixé au rideau blanc, à côté d’elle. Ce rideau qui cachait un autre lit. Un autre blessé.
Lorsqu’elle se sut suffisamment solide, Tonks lâcha la couverture et s’avança lentement vers le voile immaculé. La main tremblante, elle tira sur le tissu et découvrit Alastor Maugrey inconscient, sa figure mutilée en partie dissimulé sous des bandages. Son visage était pâle comme la mort et la terreur de la jeune femme s’accentua.
Fol Œil était tombé. L’indestructible Fol Œil.
Sa respiration se fit soudain inégale. Le corps parcouru de frissons de plus en plus violents, Tonks se tourna vers le rideau de l’autre côté du lit. Sa gorge était si serrée qu’elle lui faisait mal. Dans un état second, elle contourna Maugrey et tira de nouveau le voile.
Un sanglot s’échappa de sa gorge.
Kingsley.
Les yeux voilés de larmes, Tonks regarda l’autre extrémité de la pièce. Il restait encore trois lits. Epuisée, apeurée, la jeune femme s’avança d’un pas chancelant. Sa respiration s’était faite anarchique et elle devait lutter à chaque instant pour ne pas s’effondrer. Mais elle devait savoir. Elle devait le voir.
Elle tira les rideaux un à un. A chaque fois, sa terreur grandissait.
Où était Remus ? Où était Sirius ? Pourquoi n’étaient-ils pas à côté d’elle à son réveil ? Pourquoi ces lits étaient-ils vides ?
Une porte s’ouvrit alors dans son dos. Une femme s’exclama :
- Que faites-vous debout ? Vous ne devez surtout pas vous lever !
Des mains la firent se retourner, l’incitant à rejoindre son lit. Mais malgré sa faiblesse, elle lutta vaillamment, cherchant à retrouver son souffle, à quémander des nouvelles.
Où étaient-ils ? Où était-il ?
Des larmes glissaient à présent sur ses joues et son regard perdu fouilla fiévreusement la pièce. La porte était ouverte, le couloir désert.
- Mademoiselle ! Il faut vous recoucher !
Pourquoi… ?
Un nouveau sanglot secoua ses épaules, un gémissement de désespoir s’échappa de sa gorge.
Pourquoi n’était-il pas là ?
Ses jambes vacillaient. Ses forces l’abandonnaient. Dans un dernier sursaut, un dernier espoir, elle releva la tête…
… et le vit.
Debout, sur le seuil de la chambre. Le visage blême et bouleversé. Le regard à la fois grave et tourmenté.
- … Remus… ? souffla-t-elle, soudain privée de ses forces.
Mais malgré son appel, il ne bougea pas.
Elle perdit connaissance.
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Une pluie diluvienne frappait les carreaux de la fenêtre, rendant à peine perceptible le bâtiment de l’autre côté de la rue. Le ciel était d’un gris sans nuance, terne et sans vie. Aussi triste que lui.
Le regard noyé dans ce morne spectacle, Remus serra durement les poings, luttant en vain.
Il l’entendait, il le voyait. Encore.
Un rire qui s’étouffe. Un regard abasourdi et terrifié. Puis le vide. L’absence.
La perte.
Et pour la énième fois, il se reprocha de ne pas avoir réagi. Un sort d’attraction peut-être. Ou même de répulsion afin de l’éloigner de ce maudit voile. Il aurait eu le temps. Si seulement il n’était pas resté pétrifié sur place, spectateur immobile et stupéfait.
Si seulement.
- Remus ?
Le cœur de celui-ci se serra puis il se retourna. Alitée, Nymphadora tournait vers lui un visage pâle et chiffonné, mais dans ses yeux brillait un soulagement qui le mettait mal à l’aise.
Elle ne savait pas.
Esquissant un faible sourire, il s’approcha lentement de la jeune femme et s’assit sur une chaise à ses côtés.
- Comment te sens-tu ? demanda-t-il.
- Fatiguée… fourbue, mais ça va, dit-elle d’une petite voix. Que s’est-il passé ?
Remus déglutit avec effort. Une boule s’était logée dans sa gorge et rendait difficile le moindre son.
- Dumbledore est arrivé, parvint-il seulement à articuler.
La jeune femme sourit avant de se rembrunir soudainement.
- Comment vont les enfants ? Et Alastor, Kingsley ?
- Les enfants vont bien. Quant aux deux autres, ils sont sortis d’affaire mais sont bons pour une sieste prolongée.
Elle acquiesça et les nerfs de Remus se tendirent. Il ne voulait pas ce qui allait suivre. Comment pourrait-il seulement le lui dire ?
- Et Sirius ?
La boule au fond de sa gorge sembla doubler de volume.
Que pouvait-il faire pour atténuer la peine, pour rendre la perte plus supportable ? Y avait-il seulement une solution ?
Remus ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit. Ses pensées se brouillaient dans sa tête. Il entendait le rire moqueur de Sirius puis le hurlement déchirant de Harry. Un éclat de rire et un cri. Ces deux échos se mêlaient dans son esprit rendant confus toute pensée.
Il essaya de nouveau de parler. Des mots simples suffiraient.
« Sirius est mort »
Trois petits mots mis bout à bout. Comment cela pouvait-il faire aussi mal ?
Mais son silence prolongé, sa pâleur extrême, la fine couche de sueur qui perlait soudain sur son front furent suffisants. Lorsqu’il leva de nouveau les yeux vers Tonks, il lut l’effroi dans son regard. Elle continuait pourtant de le fixer, avec un espoir irréfléchi. Celui de le voir la détromper. Mais il resta silencieux et les larmes qu’elle tentait de réfréner glissèrent silencieusement sur ses joues livides.
Remus enfouit alors une main réconfortante dans les cheveux de la jeune femme et l’attira à lui. Elle se laissa tout d’abord faire avec indolence puis agrippa ses épaules et s’y accrocha fiévreusement.
Nymphadora pleura longtemps dans ses bras. Cherchant à taire sa propre douleur, Lupin caressait ses boucles folles qui peu à peu perdaient de leur éclat. Il n’y avait rien à dire. Rien à faire pour adoucir leur douleur. Ils devaient la subir sans que rien ne puisse les soulager.
Remus resserra son étreinte.
Il s’était pourtant juré de s’éloigner d’elle. Définitivement. Mais à cet instant, il avait tout aussi besoin d’elle, qu’elle de lui. Alors il partirait plus tard, lorsqu’elle serait plus forte. Lorsqu’ils seraient plus forts, tous les deux.
Lorsque Nymphadora se fut calmée, elle redressa lentement la tête, frotta du revers de la main ses yeux rougis par les larmes puis esquissa un faible sourire afin de se faire pardonner cet épanchement qu’elle jugeait embarrassant pour lui.
Remus soupira.
Il avait déployé tant d’efforts à maintenir la jeune femme éloignée de lui qu’elle semblait croire que chaque preuve d’affection lui coûtait. Mais elle ne pouvait être plus loin de la vérité.
- Tu as vu… ce qui s’est passé ? demanda-t-elle au bout d’un instant.
- Oui.
Elle le regarda, attendant qu’il poursuive, mais il ne se sentait pas le courage de mettre des mots sur les images qui martelaient son esprit. Elle sembla le comprendre mais demanda malgré tout :
- C’était qui ?
- … Bellatrix.
Déjà livide, le visage de Tonks sembla se creuser davantage. Elle leva une main tremblante jusqu’à ses lèvres et Remus vit ses doigts se crisper.
Il sut aussitôt quel tour avait pris les pensées de la jeune femme. N’avait-il pas fait la même chose quelques minutes plus tôt.
- Ne fais pas ça, Nymphadora, dit-il doucement. Ce n’est pas de ta faute.
La respiration saccadée, elle semblait faire un effort considérable pour contrôler les émotions qui l’assaillaient de nouveau.
- Les « si » ne servent à rien, poursuivit-il en prenant délicatement le poing fermé de Tonks afin de l’écarter de son visage. Ils ne font que nous culpabiliser davantage.
De son autre main, il caressa la joue encore humide de la jeune femme afin de l’inciter à le regarder, mais elle détourna les yeux. Il insista pourtant, leva son menton tremblant du bout des doigts et finit par croiser son regard accablé.
- Il n’y a que deux responsables à la mort de Sirius, souligna-t-il. Bellatrix et Voldemort. C’est tout.
Tonks ferma les yeux et parvint enfin à articuler d’une voix sourde.
- Elle m’a eu si… stupidement.
D’un mouvement de tête, elle se libéra et se laissa mollement retomber sur l’oreiller.
- Si stupidement… gémit-elle en posant ses poings fermés sur les yeux. J’ai été distraite… pendant une seconde. Une toute petite seconde… Il a fallu que je regarde…
Mais elle se tut et n’eut pas besoin de poursuivre. C’était ce qu’il avait craint, dès le début. Il avait juste eu plus de chance qu’elle. Les quelques fois où il avait fouillé la salle à la recherche de Tonks, baissant par là même sa garde, personne n’en avait profité.
Bellatrix, en revanche, n’avait pas laissé passer cette chance.
- Nymphadora, tenta-t-il, mais elle secoua lentement la tête.
- Arrête, s’il te plait… dit-elle, le visage toujours caché. J’ai besoin d’être seule…
La gorge serrée, Remus observa la jeune femme. Il savait qu’elle le repoussait pour pouvoir pleurer tout son soûl. Il aurait aimé lui dire qu’elle n’avait pas à avoir honte de le faire devant lui. Il aurait aimé lui dire qu’il était là. Qu’il serait toujours là pour elle.
- Très bien, acquiesça-t-il cependant. Je serai dans le couloir…
Il se leva, espérant la voir changer d’avis mais elle resta obstinément dissimulée sous ses bras repliés.
Alors il se détourna et sortit.
NB/ Comme vous pouvez le remarquer, nous avons fait le choix de ne pas ré-écrire la bataille du Ministère. Rowling l'a déjà fait et il serait bien prétentieux de notre part d'essayer d'en faire autant, même en suivant un autre personnage que Harry. J'espère que la coupure n'a pas été trop brutale. Si voir la mort de Sirius vous est indispensable, n'hésitez pas à ouvrir votre livre au Chapitre 35, "Au delà du voile". ... Et n'oubliez pas votre mouchoir... ;-)