LUNARD

 

Chapitre 4


Malgré une profonde fatigue, Remus se contraignit à transplaner par sécurité à quelques pâtés de maisons du Square Grimmaurd et d’un geste las, il rajusta le col de son manteau avant de s’élancer d’un pas hâtif dans les rues désertes de la ville. En cette nuit sombre et glaciale, une pluie torrentielle rendait bien piètre le faible rempart de son vêtement au tissu élimé. Il aurait aimé s’en acheter un autre, imperméable cette fois-ci, mais ses finances plus que restreintes ne le lui permettaient pas. Sirius avait bien proposé une demi-douzaine de fois de le dépanner mais Remus avait à chaque fois refusé. Il était déjà nourri et blanchi gratuitement. C’était bien plus que sa fierté ne pouvait supporter.

Une violente bourrasque balaya la rue, soulevant le tissu pourtant lourd de son manteau et, en l’espace d’un instant, Lupin fut trempé des pieds à la tête.

- C’est pas vrai… soupira-t-il en courbant un peu plus l’échine.

Un profond sentiment de lassitude le saisit. Un sentiment qu’il traînait depuis plusieurs semaines maintenant.

Il dormait peu et mal lorsqu’il y parvenait. Ses pensées étaient sans arrêt parasitées et il ne cherchait même plus à ignorer les images qui ne cessaient de tourner dans sa tête. Qu’il fut en mission de surveillance, ou bien allongé seul sur son lit… Nymphadora Tonks s’imposait à lui. Elle l’obsédait.

Ce n’était pourtant pas faute de chercher à l’éviter mais elle redoublait d’efforts pour passer le plus de temps possible avec lui et chacune de leur rencontre empirait les choses.

Il avait envie d’elle, il avait tellement envie d’elle qu’il en avait mal. Et à en juger par le comportement de Tonks, c’était le but recherché. Elle ne ratait pas une occasion de multiplier les contacts, tout en sachant parfaitement dans quel état ceux-ci le mettaient.

La première fois qu’elle s’était permise un tel rapprochement, il était dans la cuisine de Sirius, en train de lire tranquillement la Gazette du Sorcier qu’il avait étalé sur la table. C’était peu de temps après leur discussion dans le Magicobus à laquelle il avait mis un terme en descendant précipitamment du véhicule. Mais Tonks n’en avait pas été perturbée. Ce soir-là, elle était entrée dans la pièce en saluant joyeusement les quelques personnes présentes et, du coin de l’œil, Remus l’avait vue faire le tour de la table pour venir se poster dans son dos.

Tout son corps s’était aussitôt tendu en la sentant se pencher par-dessus son épaule.

- Quelque chose d’intéressant ? murmura-t-elle à son oreille.

Le souffle de la jeune femme caressa sa joue et Remus ferma les yeux un bref instant, troublé par cette proximité. La main de Tonks vint bientôt se poser sur le dossier de sa chaise et il se redressa imperceptiblement afin de se mettre à distance.

- Non, rien de particulier, parvint-il à répondre.

- Tu veux que je t’aide à finir tes Mots Sorciers ?

- Euh… ce n’est pas…

Mais le reste de sa phrase mourut sur ses lèvres. Une violente décharge venait de traverser son corps, lui coupant littéralement le souffle. La jeune femme s’était penchée un peu plus vers lui et pressait doucement l’un de ses seins contre son épaule.

Un gémissement de frustration naquît dans sa gorge et il eut toutes les peines du monde à l’étouffer. Son corps semblait s’être statufié.

- Ah ! Il est facile, celui-là ! dit-elle brusquement.

Remus dut rassembler toute sa volonté pour faire abstraction de la délicieuse chaleur que dégageait la jeune femme et concentrer son regard troublé sur la grille de Mots Sorciers.

- … Lequel ?

- « Acte d’avoir l’usage d’un bien » en dix lettres, lut-elle, non sans avoir au préalable tendu son bras par-dessus son épaule afin de se coller davantage à lui.

Sa raison lui hurlait qu’il devait se dégager, qu’il devait s’éloigner, mais son corps se délectait de cette proximité et refusait de lui obéir.

- Eh bien… ? bredouilla-t-il.

- Tu me déçois, c’est pourtant évident !

- Il faut croire que je ne suis pas doué…, dit-il, son cerveau refusant de marcher.

Du coin de l’œil, il la vit se pencher à son oreille et retint sa respiration.

- Jouissance, souffla-t-elle en caressant son dos du bout des doigts.

Un désir brutal l’avait alors submergé et il s’était vivement levé de sa chaise afin de s’éloigner.

Il avait fui. Encore une fois.

Il ne faisait que cela, fuir, et il ne comprenait pas comment Tonks pouvait s’obstiner ainsi à le harceler. Ses remarques volontairement sèches semblaient glisser sur elle sans laisser la moindre trace. A chaque nouvelle rencontre, elle souriait, elle se rapprochait, elle le tentait. Il ne pouvait faire un pas sans tomber sur elle …

Ou elle sur lui... songea-t-il, en fermant les yeux.

Ses pensées l’avaient brusquement renvoyé à l’un de leurs derniers tête à tête. Comme à son habitude, Tonks n’était pas à l’heure et Lupin restait persuadé que ces retards incessants étaient volontaires. Elle savait pertinemment que chacune de leurs rencontres le rendait nerveux, et elle en profitait. Aussi, lorsque le « crac » significatif d’un transplanage s’était fait entendre… il s’était brutalement retrouvé plaqué au sol sans avoir eu le réflexe de se protéger. Allongé sur le dos, il n’avait mis qu’un instant à reconnaître l’identité de son agresseur. Une masse soyeuse de boucles roses lui chatouillait le visage et son cœur s’était mis à battre furieusement dans sa poitrine.

- Oups ! lâcha Tonks en guise de salut. Désolée, je suis vraiment maladroite…

Elle se redressa légèrement et posa un regard rieur sur lui.

- Vraiment très maladroite, en effet. C’est même à se demander si tu ne l’as pas fait exprès, rétorqua Lupin en essayant de se dégager.

Mais son trouble rendait ses gestes maladroits et l’immobilité de la jeune femme, aussi légère fut-elle, ne l’aidait pas.

- Et pourquoi aurai-je intentionnellement atterri sur toi ? demanda-t-elle innocemment.

- Tu veux bien te relever, s’il te plaît ? se contenta-t-il de répondre en prenant bien soin d’éviter le regard de Tonks.

- Tu veux bien répondre à ma question… s’il te plait ? répliqua-t-elle en souriant, mais sans pour autant bouger d’un pouce.

Les yeux fuyants, Remus cherchait à ignorer ce corps souple sur le sien, la pression de ses hanches sur ses reins. Les mains de Tonks étaient posées sur son torse et l’une d’elle s’était même glissée sous son manteau. Il en sentait la chaleur à travers le fin tissu de sa chemise et sa bouche s’assécha brusquement.

Il avait envie d’elle.

- Pas tant que je ne serai pas sur mes deux jambes, s’empressa-t-il de répondre, paniqué. Allez, lève-toi !

- Pourquoi t’énerves-tu ? On n’est pas bien comme ça ? s’enquit la jeune femme avec ironie.

Son désir gonflait inexorablement et Lupin sentit une sueur froide glisser le long de son dos. S’il ne se relevait pas bientôt, toutes ces heures passées à la repousser ne serviraient à rien. Si jamais elle découvrait… Si jamais elle sentait…

- Tu te rends compte de l’endroit où on est ? dit-il avec colère en indiquant l’artère principale du Chemin de Traverse à quelques mètres d’eux. Tu réalises que n’importe qui pourrait nous voir ?

Ce n’était pas vraiment le cas étant donnée la ruelle étroite et obscure dans laquelle ils se trouvaient et un sourire apparut bientôt sur les lèvres de Tonks.

- Ah Ah ! Ce n’est donc pas la position qui te gêne, mais l’endroit ! dit-elle, le laissant estomaqué.

Estomaqué et furieux contre lui-même. Contre sa volonté qui faiblissait à vue d’œil.

- Ca suffit maintenant ! s’emporta-t-il avant de la repousser sans ménagement.

Et là encore, il s’était montré froid et cassant. Là encore, il s’était montré en apparence insensible. Alors pourquoi continuait-elle ? Pourquoi ne pouvait-elle tout simplement pas abandonner ? Etait-ce un jeu ? Voulait-elle l’avoir à l’usure ? Y prendrait-elle ainsi plus de plaisir ?

Mais il ne voulait pas céder. Il ne pouvait pas se le permettre. Comment pourrait-il supporter de passer une nuit avec elle et en rester là ? Comment pourrait-il s’en contenter ? Après avoir connu la douceur de sa peau, le goût de ses lèvres… Jamais il ne pourrait oublier. Et jamais il ne pourrait supporter de voir ses fantasmes remplacés par des souvenirs ; des images beaucoup trop vivantes, beaucoup trop réelles pour être supportables.

Alors il luttait, il résistait. Encore et encore.

Mais jusqu’à quand ? soupira Lupin intérieurement.

Il était épuisé, frustré. Malheureux. Il était prêt à accepter n’importe quelle mission, dès lors qu’elle l’éloignerait de Nymphadora Tonks.

La pluie redoubla de violence et Remus effectua au pas de course les derniers mètres le séparant du 12 Square Grimmaurd. Frigorifié, il n’aspirait plus qu’à prendre une douche bien chaude et à rejoindre son lit pour une nuit qu’il espérait sans rêves. Il pénétra dans le hall d’entrée le plus silencieusement possible afin de ne pas réveiller Mrs Black et s’apprêtait à gravir les escaliers menant aux chambres lorsqu’une bonne odeur de soupe lui rappela qu’il n’avait rien mangé depuis le petit déjeuner. Il décida donc de satisfaire sa faim et rejoignit la cuisine. S’attendant à y trouver un Sirius attablé, il étouffa un gémissement de désespoir en découvrant la silhouette élancée de Tonks près des fourneaux. Faisant déjà un pas vers la porte afin de s’esquiver discrètement, ses épaules s’affaissèrent lorsque la jeune femme se retourna et le vit sur le seuil.

- Nom d’un sortilège raté ! Tu es trempé ! lança-t-elle aussitôt.

- J’admire ton sens de l’observation… maugréa-t-il, renonçant à filer à l’anglaise.

- Il faut te sécher, tu vas attraper la mort !

- Je vais manger d’abord, si cela ne te dérange pas, dit-il d’une voix lasse.

Il ôta son manteau détrempé et s’approcha de la table mais Tonks avait déjà plongé la main dans la poche arrière de son pantalon.

- Non, non. Il faut d’abord mettre des vêtements secs. Je vais t’aider…

- Ce n’est pas la pei… NYMPHADORA ! s’exclama Remus.

D’un habile coup de baguette magique, la jeune femme venait de lui enlever ses habits mouillés et il ne portait maintenant plus qu’un simple caleçon. Les joues écarlates, Lupin se saisit d’une chaise et se cacha tant bien que mal derrière.

- Je peux savoir à quoi tu joues !? s’emporta-t-il.

- Calme-toi et viens par ici, se contenta de répondre Tonks en ravivant d’un geste du poignet le feu de cheminée.

- Non, je ne bougerai pas d’ici. Tu dépasses les bornes !

- Je veux juste t’aider, n’en fais pas toute une histoire.

La voix de la jeune femme avait beau être sincère, Remus ne décolérait pas et il n’avait aucun moyen de se défendre, sa baguette se trouvant dans la poche de son manteau qui avait disparu avec le reste de ses affaires.

- Je n’ai pas besoin de ton aide ! Tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? vociféra Lupin en désignant son caleçon rendu transparent par la pluie.

Il sentit aussitôt le regard en apparence indifférent de Tonks glisser sur lui et leva vivement la chaise afin de mieux se dissimuler derrière.

- J’ai déjà vu un homme en sous vêtements, Remus ! dit-elle en haussant les épaules. Alors arrête de faire ton pudique et viens te réchauffer.

Lupin sentit le peu de sang froid qui lui restait disparaître soudainement.

Il faisait son pudique ? Elle trouvait inconcevable de le voir s’emporter parce qu’elle venait tout simplement de le déshabiller ? Que cherchait-elle en le touchant sans arrêt, en se collant à lui ? A le pousser à bout ?

Eh bien voilà ! Elle avait réussi !

- Ça suffit ! s’exclama-t-il. Je ne supporte plus tout ça ! Je ne supporte plus de te voir ! Tu m’épuises, laisse moi seul !

Sa voix vacilla sous la violence des émotions conflictuelles qui grondaient en lui. Désir, frustration, douleur, lassitude. Jamais il n’avait autant ressenti, et il n’en pouvait plus.

- Remus…

- Sors d’ici ! Tout de suite ! DEHORS ! hurla-t-il.

Pâle comme un linge, Tonks observa le visage écarlate de Lupin. Jamais elle ne l’avait vu perdre son sang froid. D’ordinaire, il était sec, il était froid mais jamais jusqu’ici il n’avait élevé la voix.

« Je ne supporte plus de te voir !... DEHORS ! »

La gorge serrée à n’en plus pouvoir, la jeune femme se détourna et rejoignit la porte de la cuisine d’un pas tremblant. Elle était allée trop loin. Elle savait qu’elle était allée trop loin. Elle l’avait compris à l’instant même où les vêtements de Remus avaient brusquement disparu, où elle avait vu son visage fatigué se crisper de colère. Sortant vivement de la pièce sans se retourner, elle manqua de percuter Sirius de plein fouet.

- Qu’est-ce qui se passe ? C’est Lunard que j’ai entendu crier ? s’exclama-t-il, partagé entre une inquiétude et une incrédulité justifiée.

Tonks se contraignit aussitôt à arborer un sourire de façade.

- Il est très soupe-au-lait, ton ami ! lança-t-elle en passant devant lui sans s’arrêter. Allez ! Je rentre chez moi ! A plus !

Longeant silencieusement le couloir, elle entendit Black pénétrer dans la cuisine puis éclater d’un rire tonitruant. Bien sûr, vu de l’extérieur, cette scène avait tout pour être drôle. Pauvre Remus Lupin harcelé.

- INSOLENTE ! IMPERTINENTE ! EFFRONTEE ! QUE FAIS-TU ICI ? COMMENT OSES-TU TE TENIR DEVANT MOI ?

Tonks hâta le pas sans lever les yeux vers Mrs Black que le rire de Sirius avait réveillée. Elle se saisit de son manteau accroché dans l’entrée puis sortit précipitamment du 12 Square Grimmaurd.

Une pluie drue s’abattit aussitôt sur elle mais Nymphadora en fut soulagée et se garda bien de transplaner. Son humeur était aussi sombre, aussi tourmenté que le ciel et des larmes glissèrent silencieusement sur ses joues déjà ruisselantes.

Elle venait de le perdre. C’était terminé. Elle était allée trop loin, beaucoup trop loin.

« Je ne supporte plus de te voir ! »

Ces mots ne cessaient de tourner en boucle dans sa tête. Elle revoyait avec une clarté douloureuse le regard furieux de Remus, elle entendait sa voix rauque lui jeter sa lassitude au visage.

Tonks réprima un violent sanglot et hâta le pas. Elle aurait voulu courir, fuir cette soirée désastreuse. Elle n’avait pas voulu en arriver là. Elle avait certes cherché à le faire réagir mais pas ainsi.

« Je ne supporte plus de te voir ! »

Par Merlin ! Elle n’avait pas rêvé ! Il la désirait ou tout du moins, l’avait désirée ! Alors pourquoi s’était-il ainsi braqué ? Pourquoi l’avait-il refusée ? Elle était pourtant allée jusqu’à prétendre ne rechercher qu’une relation d’un soir, juste pour s’assurer qu’il ne la repoussait pas par crainte d’un engagement à long terme. On ne pouvait faire plus arrangeante qu’elle, alors qu’est-ce qui le retenait ?

Une violente bourrasque la fit se courber en deux et elle consentit à rejoindre une ruelle obscure afin de transplaner. Quelques secondes plus tard, elle pénétra dans un immeuble de facture ancienne, grimpa d’un pas lourd les marches menant à l’étage et se réfugia dans son appartement. D’un coup de baguette magique, elle se débarrassa de ses vêtements trempés et sentit son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine.

C’était ce sort, ce stupide sort qui avait tout gâché, songea-t-elle en regardant sa baguette tomber sur le sol.

Des larmes jaillirent de nouveau sans qu’elle en prenne réellement conscience et, le regard voilé, elle rejoignit la salle de bain.

Se sécher les cheveux. Mettre des dessous. Revêtir un pyjama. Se brosser les dents. Se laver le visage.

C’était si difficile soudain. Le plus petit geste. La plus petite action lui semblait insurmontable. Elle se traina pourtant jusqu’au lit, s’y assit et observa son visage se refléter dans le haut miroir de sa chambre à coucher.

Ses joues mouillées était pâles, ses traits tirés. La couleur de ses cheveux avait perdu son éclat et tirait à présent vers un vieux rose terne et sans vie.

Qu’allait-elle faire maintenant ? Ces dernières semaines avaient déjà été si difficiles. A chaque refus de Remus, Tonks avait senti son moral se détériorer. Elle s’était pourtant contrainte à cacher son abattement derrière un sourire enjoué mais la passivité de cet homme l’avait minée jusqu’à commettre l’irréparable. Et maintenant, tout était fini. Tout était irrémédiablement détruit.

Les minutes s’écoulèrent sans que Tonks n’esquisse le moindre geste. Elle restait juste assise sur le lit, prostrée, et ne reprit conscience que lorsque des coups légers lui parvinrent. Elle tenta dans un premier temps d’ignorer le visiteur qui tapait à sa porte mais lorsqu’elle comprit qu’il ne partirait pas, elle finit par essuyer d’une main tremblante son visage puis rejoignit l’entrée de son appartement. Oubliant toute prudence, elle ne songea même pas à se munir de sa baguette avant d’ouvrir le battant et leva les yeux vers la haute silhouette encore ruisselante de Remus Lupin.

Son cœur, mort l’instant d’avant, bondit violemment dans sa poitrine. Ne s’attendant absolument à le trouver sur le seuil de son appartement, elle fut incapable de réagir et se contenta de l’observer avec stupéfaction. Les traits de Remus étaient aussi fermés qu’à l’ordinaire mais son regard détaillait son visage chiffonné avec attention.

La gorge de Tonks se serra. S’il était venu jusqu’ici pour lui jeter une nouvelle fois à la figure qu’il ne voulait plus la voir, ce n’était pas utile. Elle avait parfaitement compris…

- … Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-elle d’une voix qu’elle aurait voulu plus ferme.

La respiration de Remus se fit soudain plus vive et il se mordit la lèvre. Tonks le vit ouvrir la bouche à plusieurs reprises, passer une main nerveuse dans ses cheveux humides, jeter de fréquents coups d’œil derrière lui, comme s’il hésitait encore à se trouver là. Puis enfin :

- Juste une nuit ? murmura-t-il.

Une violente décharge traversa le corps de la jeune femme et sa main se crispa sur la poignée de la porte. En quête d’une confirmation, elle scruta le visage indéchiffrable de Remus tout en cherchant à capter son regard devenu fuyant. Mais elle n’avait pas rêvé ? Il lui proposait bien une nuit ?

Face au silence de Tonks, Lupin finit par lever de nouveau les yeux vers elle.

- Alors ?

- Pourquoi ? demanda-t-elle.

Remus soupira.

- Tu sais très bien pourquoi. C’est ce que tu voulais, non ? Me pousser à bout.

Depuis le temps qu’il était sur le pas de sa porte, toute trace d’essoufflement aurait dû disparaître et Tonks comprit que sa respiration précipitée n’était pas causée par un effort physique. Sa voix rauque tremblait un peu, son regard la brûlait.

Il avait envie d’elle. Il avait envie d’elle et ne le cachait plus.

Les jambes de la jeune femme faiblirent et une coulée de lave se déversa dans ses veines.

Bien sûr, elle voulait plus qu’une seule nuit. Mais c’était un premier pas. Une première étape. Peut-être parviendrait-elle à le faire changer d’avis. Encore une fois.

Dans un état second, Tonks s’effaça afin de le laisser entrer, referma la porte derrière lui puis se retourna. Il n’était qu’à un petit mètre d’elle et sa haute silhouette semblait à elle seule emplir toute la pièce. S’efforçant de faire taire les battements désordonnés de son cœur, la jeune femme chercha quelque chose à dire mais le regard soudain indéchiffrable de Remus ne l’aidait pas. Ils restèrent donc un moment face à face, sans qu’aucun mot ne fut prononcé.

- … Tu veux t’asseoir ? parvint finalement à articuler Tonks.

- Non, ça va aller.

- Ok… bien…on reste debout alors… bredouilla-t-elle, en se demandant soudainement pourquoi elle n’arrivait plus à bouger.

Elle aurait dû faire un pas et l’embrasser. Elle avait fait cela des milliards de fois dans sa tête alors pourquoi le moment enfin venu, elle n’arrivait plus à bouger ?!

- Oui… dit-il avant de rajouter : pour l’instant.

A ces mots, Tonks sentit sa gorge s’assécher.

« On reste debout… »

« Oui… Pour l’instant »

« Pour l’instant »

Comment une si petite phrase pouvait-elle la mettre dans un tel état ?

- Tu veux boire quelque chose ? proposa-t-elle, songeant combien un verre lui ferait du bien, à elle.

- Non merci, dit-il en plongeant les mains dans les poches de son pantalon.

Tonks sentit son regard perçant la jauger.

- Je suis un peu surpris, poursuivit-il avant de faire quelques pas dans le salon. Je t’aurais imaginée agir… différemment.

Mon dieu ! Il allait fuir… Si elle ne se bougeait pas tout de suite, il allait fuir !

- Tu t’attendais à quoi ? demanda-t-elle afin de gagner un peu de temps.

- Je ne sais pas trop. Disons que ces derniers temps, tu avais tendance à me sauter dessus et là, tu restes bien sagement près de ta porte d’entrée.

- C’est pour t’empêcher de sortir, lança-t-elle en grimaçant un sourire afin de cacher ses craintes.

- Et pourquoi ferais-je ça ?

Troublée, Tonks le regarda ôter son lourd manteau détrempé et le poser sur une chaise. Il semblait soudain si sûr de lui. Il n’y avait plus de doutes, plus d’hésitation dans son comportement.

- Tu pourrais changer d’avis, murmura-t-elle pourtant.

- Je n’ai pas fait tout ce chemin pour repartir aussi vite.

Ce n’était pourtant pas l’impression qu’elle avait eu en le découvrant, indécis, sur le seuil de son appartement.

- Ah… je vois.

- C’est bien ce que tu voulais, non ? dit-il en se rapprochant d’elle.

Tonks le regarda s’arrêter à quelques pas. Leurs regards s’accrochèrent et elle sentit confusément ses dernières forces la déserter.

- …Oui, souffla-t-elle.

- Donc on veut la même chose, on est bien d’accord ?

Son assurance soudaine était-elle réelle, ou cachait-il une crainte de rejet derrière ce masque confiant ?

Tonks approuva d’un signe de tête et eut tout juste le temps de le voir esquisser un fin sourire de soulagement avant de se sentir enlacée. Ses lèvres s’écrasèrent sur les siennes et elle gémit lorsque ses larges mains saisirent ses hanches afin de l’attirer à lui. Les jambes de la jeune femme faiblirent de nouveau et elle s’accrocha à ses épaules pour ne pas tomber.

Tonks s’était toujours imaginée être celle qui prendrait les devants et dirigerait leur étreinte. La réserve qu’affichait Remus en toute occasion semblait davantage le prédestiner à la passivité plutôt qu’à l’initiative. Alors le voir si fiévreux dans ses caresses, si impatient dans ses baisers, cela embrasait son corps d’un désir violent.

Enfin, il la touchait. Enfin il la caressait. Enfin il perdait ce masque d’indifférence qu’il arborait continuellement.

Il avait envie d’elle autant qu’elle avait envie de lui. Rien d’autre ne comptait.

Languissante, Tonks enfouit les doigts dans les cheveux encore humides de Remus et se pressa contre lui. Elle avait besoin de se prouver qu’il était bien là, au milieu de son salon. Qu’il ne s’agissait pas d’un de ces nombreux rêves qui la laissaient si malheureuse et désabusée.

- Ta chambre… ? murmura-t-il contre ses lèvres.

La jeune femme mit quelques secondes à revenir à la réalité. La bouche de Lupin glissait à présent sur la peau fine de son cou et elle dut faire appel aux derniers lambeaux de sa raison pour trouver un sens à ces deux mots.

- … La porte à gauche, souffla-t-elle, la tête rejetée en arrière afin de savourer pleinement la délicieuse caresse de ses lèvres.

Tonks se sentit alors soulevée puis portée d’un pas sûr jusqu’à la chambre. Les yeux fermés, elle nicha son visage brûlant dans le cou de Remus afin de s’imprégner de son parfum. Combien de fois avait-elle profité de leurs rares rapprochements pour humer discrètement l’odeur ambrée de sa peau ? Et combien de fois l’avait-elle vu s’écarter… s’éloigner.

Mais pas ce soir, songea-t-elle en baisant tendrement la chair de son cou. Les bras de Lupin se resserrèrent autour d’elle puis quelques secondes plus tard, la libérèrent avec précaution.

A peine avait-elle mis un pied par terre que Remus reprenait ses lèvres avec la même passion. Ses mains coururent sur son corps, le long de son dos et rejoignirent le galbe de ses fesses. Ses hanches se pressèrent contre les siennes dans un besoin de sentir, de ressentir et elle s’arqua à sa rencontre.

Elle avait envie de le toucher, de le caresser, de goûter la chaleur de sa peau contre la sienne. D’une main tremblante d’anticipation, elle entreprit de desserrer la cravate qu’il s’évertuait à porter chaque jour et l’envoya voler quelques mètres plus loin. Elle s’attaqua ensuite aux boutons de sa chemise mais ses doigts manquaient étrangement de dextérité et elle croisa un bref instant le regard amusé de Remus.

- Tu mets moins de temps avec ta baguette, murmura-t-il, serrant toujours la jeune femme contre lui.

- … Et toi, tu faisais moins le malin, tout à l’heure…

Un peu tard, elle s’inquiéta de la réaction de Lupin au souvenir de cette scène qu’il avait jugée si embarrassante mais il se contenta de sourire en s’écartant légèrement. D’une main plus sûre, il déboutonna lui-même sa chemise et celle-ci tomba sur le sol dans un bruissement feutré. Le regard impatient de Tonks glissa sur son torse mince et elle tendit la main, hypnotisée par la blancheur de sa peau. Ses muscles étaient longs et fins, ses épaules larges et solides, et elle ressentit une certaine fierté à le voir se tendre au contact léger de ses doigts.

Depuis le début, il n’avait fait que lui mentir. Un frôlement et il gémissait, un baiser et il perdait la tête. C’était d’elle dont il avait envie. Pas d’une femme, mais bien d’elle.

Avec une assurance nouvelle, Tonks laissa ses mains glisser sur ses pectoraux finement dessinés, son ventre plat, ses hanches étroites, puis rejoindre enfin la courbe parfaite de ses fesses. Un grognement se fit entendre et les doigts tremblants de Remus s’introduisirent avidement sous le tee-shirt de la jeune femme. Nymphadora leva les bras afin de lui faciliter la tâche et le léger débardeur rejoignit bientôt la chemise à leurs pieds.

Elle était nue sous le vêtement et le regard affamé de Lupin fit rapidement place à ses mains fiévreuses. La pointe de ses seins se tendit sous la caresse experte de ses doigts et une douloureuse sensation de manque la saisit. Son désir de lui était si fort.

Alors elle se cambra, glissa une main tremblante dans les cheveux de son amant et pressa impatiemment son visage contre son cœur. Les lèvres de Lupin se refermèrent aussitôt sur l’un de ses tétons et elle retint à grand peine un cri de plaisir. Sa peau la brûlait, son corps se liquéfiait sous la douceur humide de ces caresses. Elle haletait, gémissait.

- … Remus…

La douleur dans son bas ventre était devenue insupportable.

Le souffle court, Nymphadora s’écarta légèrement et leurs lèvres se rejoignirent dans un baiser affamé. Leurs langues se mêlèrent avec frénésie. Leurs corps s’arquèrent l’un vers l’autre.

Elle le désirait tant.

Tonks glissa une main empressée entre eux et entreprit de dégrafer la ceinture qui l’empêchait d’atteindre ce que chaque fibre de son être appelait désespérément. Lupin se figea aussitôt contre ses lèvres. Son souffle s’était fait anarchique, ses mains s’étaient crispées sur ses hanches galbées. Tout son être n’aspirait plus qu’à ce contact.

- Nymphadora… gémit-il lorsqu’elle se faufila enfin à l’intérieur de son caleçon.

Ses doigts se refermèrent sur son membre turgescent et Lupin fut traversé d’une puissante vague de plaisir. Tonks observa avec délice son long corps se tendre, son visage se crisper sous ses caresses et son besoin de lui s’en trouva décuplé. Voir cet homme soudain si dépendant d’elle, haletant de désir, l’enivrait.

Se mordant la lèvre pour ne pas gémir, elle resserra ses doigts autour de sa verge et fit glisser son pouce sur la peau si fine et sensible de son gland. La réaction de Remus ne se fit guère attendre et il se redressa dans un râle électrisant. Son regard affamé croisa aussitôt le sien et il reprit sa bouche avec une fièvre encore plus grande. Puis, d’un geste impatient, il la fit basculer sur le lit, écarta la main de la jeune femme qui le caressait toujours et ôta vivement leurs derniers vêtements.

Lorsqu’enfin il s’allongea sur elle, Nymphadora agrippa ses épaules afin de se coller davantage. Malgré sa minceur, il était lourd et Tonks aimait sentir son corps d’homme peser sur elle. Elle se cambra à sa rencontre, avide de ses caresses, de ses baisers et il répondit à ses attentes avec une ardeur redoublée.

Son corps s’embrasait et rendait presque insoutenable la douceur de ses mains larges et viriles sur ses seins gonflés, la pression de son membre vibrant contre son ventre. Elle le voulait maintenant. Elle avait besoin de lui maintenant.

- Remus… appela-t-elle.

Haletant, Lupin redressa la tête et plongea son regard obscurci par le désir dans le sien. Il caressa d’une main tremblante son visage bouleversé et son genou vint bientôt s’insinuer entre ses cuisses. Elle s’ouvrit aussitôt puis enroula ses jambes autour de ses reins tendus, impatiente de le sentir. Impatiente de ne faire plus qu’un avec lui.

- Viens, implora-t-elle en s’arquant.

Remus pressa sa verge gorgée de sang contre son intimité et ne put contenir un gémissement en la découvrant déjà prête à le recevoir.

- Viens, supplia-t-elle de nouveau.

Elle ne voulait pas de préliminaires. Elle ne voulait plus attendre. Ces derniers mois avaient été une véritable torture, une frustration interminable et Tonks n’aspirait plus qu’à une seule chose. Qu’il la possédât enfin.

Elle glissa une main tremblante entre leurs deux corps enlacés et Lupin se souleva légèrement afin de l’aider. Ses yeux ambrés ne la quittaient plus, détaillant avec avidité son visage, bouleversé de la voir si affamée de lui, et lorsque les doigts de la jeune femme se refermèrent sur son sexe afin de le guider, il dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas jouir.

Il la voulait depuis si longtemps, il la désirait avec tant de force qu’il n’était plus certain de pouvoir se contenir.

Au seuil de son intimité, il se figea, cherchant à retrouver l’emprise sur ses sens, à ignorer la plainte frustrée de la jeune femme qui espérait tant de lui. Qui voulait tant de lui.

- Remus…

Un violent frisson le traversa et Lupin plongea en elle d’un long et puissant coup de rein. Il gémit aussitôt, les yeux fermés, la mâchoire crispée. C’était si bon, si merveilleusement bon d’être en elle. Les ongles de la jeune femme s’enfoncèrent dans sa chair, mêlant douleur et plaisir intense, et lorsqu’il rouvrit les yeux, il savoura de découvrir la même jouissance sur le visage de Tonks.

Lentement, il commença à se mouvoir, le regard continuellement posé sur la jeune femme. Jusqu’ici, son désir d’isolement l’avait toujours contraint à des rencontres d’un soir, des relations exclusivement physiques. Il n’avait jamais partagé cette intimité avec une femme qu’il avait appris à connaître et à aimer. Et cela rendait leur étreinte entièrement nouvelle pour lui. Il adorait la voir rejeter la tête en arrière et mordre dans sa lèvre pleine afin de retenir ses cris de volupté. Il aimait l’entendre soupirer son nom et caresser son visage avec dans le regard cette adoration sincère.

Elle était si ardente, elle se montrait si affamée que son propre désir d’elle était à la limite du supportable. D’une main tremblante, Remus saisit l’une des cuisses de la jeune femme et l’ajusta autour de ses reins. Son va-et-vient se fit plus fort, plus profond, plus primitif tandis qu’en eux déferlaient des vagues de plaisir de plus en plus puissantes.

Tonks se déhanchait sous lui avec une fougue, une urgence qui faisait écho à la sienne. De ses mains, elle ne cessait de l’attirer un peu plus en elle afin qu’il l’emplisse de toute la force de son désir. Ils haletaient, ils gémissaient, lèvres contre lèvres, peau contre peau. Jusqu’à ce que le plaisir le plus pur fit se cabrer la jeune femme. Son cri de jouissance se répercuta en lui et lui fit perdre tout contrôle, le corps balayé par une vague de sensations d’une extrême puissance. Ses coups de reins se firent effrénés, impérieux et il se laissa à son tour submerger par le plaisir.

 

 

A SUIVRE...